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Carte blanche à Pauline Sonnic et Nolwenn Ferry



Texte / Pauline Sonnic & Nolwenn Ferry * Photos / © Mikhael Brun / © Caroline Ablain Publié dans le magazine Kostar n°84 - février-mars 2023



À l’heure du festival rennais de danse Waterproof, nous avons demandé aux deux chorégraphes de nous raconter le passage de la rue au plateau de leur pièce Distro. Une évocation de la culture Bistro qui fait partie intégrante de la culture bretonne.


Après avoir exploré le fest-noz dans notre première pièce Tsef Zon(e), nous avons cherché quelle autre entité fait vivre la population en Bretagne. Comme une évidence, on a choisi – pour le second projet de la compagnie C’hoari – d’explorer le monde des bars populaires et de questionner leur rôle social.

Un soir d’automne 2019, nous étions à la Tavarn du roi Morvan à Lorient pour travailler sur l’administration de compagnie (nous avons l’habitude de nous retrouver au bistro), nous nous sommes figées à l’unisson, comme si le temps s’était arrêté.

Nous avons observé l’environnement incroyablement chaleureux qui nous entourait, avec tous ces personnages à première vue diamétralement opposés. On s’est senti à notre place, dans un microcosme bienveillant et on s’est dit qu’un jour on en ferait une pièce. On en a passé du temps dans les bars, on sait de quoi on parle, ça fait partie de notre identité bretonne. Ça a suscité beaucoup de questions : Comment contribuent-ils au fonctionnement d’une communauté d’individus ? Comment font-ils pour perdurer ? Qu’est-ce qu’ils racontent de la relation à autrui ? Comment ces lieux nous animent-ils ? Quelles influences ont-ils sur notre corps, sur notre moral, sur nos relations, sur notre quotidien ? Que vient-on y chercher ?

L’aventure de Distro a commencé en 2019 par une immersion dans un pub de Lorient où on a exploré, pendant 3 jours, comment danser dans un bar et avec ce qui le compose : toute son histoire et toutes ses contraintes.

Pour nous imprégner au maximum de ces lieux de vie, on a fait une tournée des bars de Bretagne en camion aménagé pendant une semaine en août 2020. Nous sommes allées à la rencontre des tenancier.ères et des client.es.


“L’été dernier, on a joué Distro uniquement en extérieur. Ça nous a permis de construire une relation proche et intime avec le public.”

On a observé leurs mouvements, leurs mimiques, leurs postures, leurs interactions. On a écouté leurs histoires et tenté de récolter du mouvement chorégraphique. Chez Loulou, Au Tue-mouche, Chez Minouche,… tant d’endroits uniques dans lesquels on a rencontré beaucoup de personnages singuliers qui nous ont inspirées. Nous avons essayé de retranscrire par la danse, à la fois inspirée de notre parcours en danse contemporaine mais aussi des danses bretonnes et irlandaises, les enjeux de ces interactions, comme un hommage à ces lieux qui créent du lien et à ces habitudes qui rassurent.

L’été dernier, on a joué Distro uniquement en extérieur. Ça nous a permis de construire une relation proche et intime avec le public. Comme dans les bars, nous avons joué des amplitudes de mouvements, suivant quelle heure il est. Nous avons joué des relations qui se désinhibent, suivant quelle heure il est. Nous avons joué du rapport au temps qui s’accélère, suivant quelle heure il est.


“Aujourd’hui, on adapte la pièce au plateau avec, pour la première fois, un travail en équipe, de la création lumière à la création sonore et scénographique.”

Aujourd’hui, on adapte la pièce au plateau avec, pour la première fois, un travail en équipe, de la création lumière à la création sonore et scénographique : un comptoir vieux comme le monde et un tabouret. Cette adaptation amène de nouvelles manières de penser la pièce : comment ne pas salir le plateau comme on le fait en rue ? Comment interagir avec un public qu’on ne voit pas ? Comment sublimer chaque ambiance par la lumière ?

On aime penser que la rue peut vivre au plateau et que le plateau peut vivre en extérieur, que les deux formes de représentation ne sont pas incompatibles mais s’apportent mutuellement, autant dans le rapport à la qualité de mouvement que dans l’interprétation. Nous aimons chercher comment amener du dehors dans la boîte noire et amener le public des théâtres à la culture bretonne, ou dans les bars. C’est dans cette intention qu’en parallèle de Distro, nous avons créé Barrez (qui signifie “Bourru” en breton), qui se joue in situ dans les bistros. Accompagnées d’Alexandre Arthaud, nous avons tiré de la matière de Distro pour l’amener au comptoir, l’occasion de délocaliser la danse dans des lieux qui sont souvent restreints en mouvements.

Travailler sur les bistros nous a permis d’avoir une lecture plus chorégraphique de ces lieux qui sont indispensables dans notre société et qui se perdent à la vitesse de la lumière. »

« Le café est le parlement du peuple », Balzac.


Barrez, Festival Waterproof,

Université Rennes 2, campus de Villejean, 31 janvier.


Distro, Festival Waterproof,

Le Triangle, Rennes, 2 février ; Plouay, 17 février ; Quai des rêves, Lamballe, 13 avril ; Loctudy, 29 avril ; Le Plancher du monde, Langonnet, 21 mai ; Le Rendez-vous fou, Noyal-sur-Vilaine, 10 juin ; Gouesnou, Nomadanse, 16 juin ; Château des Rochers, Vitré, 23 juin ; Festival Bazar le jour biz’art la nuit, Betton, 24 juin ; Maison des arts, Baud, 7 juillet ; Festival Kerhervy, Lanester, 8 et 9 juillet.


Tsef Zon(e), Le Préambule, Ligné, 3 février ; Montfort-sur-Meu, 2 avril ; Conservatoire, Saint-Nazaire, 6 avril ; Amzer nevez, Ploemeur, 11 mai ; Athéna, Auray, 3 juin ; Agora, Le Rheu, 4 juin, Festival Arvor, Vannes, 12 août.

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