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La culture tombe le masque : Élise Lerat



La danseuse et chorégraphe évolue au sein du Collectif Allogène. C’est un espace dédié à la recherche artistique où se multiplient échanges et réflexions. Elle aurait dû présenter Feux, pièce pour cinq interprètes, lors du Festival de danse Trajectoires sur la scène du TU Nantes. Les professionnels ont apprécié l’énergie et la sensibilité de son écriture.



Texte / Élise Lerat * Photos / DR

Tout est feu

Dans Feux, les danseurs explorent les intensités des flux de leurs mouvements. Ils tentent d’harmoniser le rythme de l’individu et celui de leur communauté, en se confrontant au rêve d’une vie à la fois solitaire et collective. Tous perçoivent le monde qu’ils sont en train de créer, fluide et fragmenté. Où se mêlent humour, tragique et éclat. Leur réalité est un lieu de jeux de puissance, de prise de pouvoir, d’émulation, d’unisson, de libération. De chacun d’eux naissent des figures héroïques.

Je me sens proche d'un fantasme de vie où s’allierait "le rythme de l’individu et celui d'une communauté", une vision d’un timing dont parle Roland Barthes dans Comment vivre ensemble ? Je suis touchée et interpelée par cette vision, par ce rêve d’une vie à la fois solitaire et collective, par sa signification et l’histoire qu’il génère en moi. À partir de ces deux types de vie extrême, l’idée serait de découvrir la possibilité d’un style de vie, un art de vivre dans lequel des groupes d’individus pourraient vivre ensemble sans exclure la possibilité d’une liberté individuelle qui ne les marginaliserait pas.

Dans le spectacle Feux, le jeu est de venir souligner le temps singulier de chacun et le temps collectif d’une communauté. Au travers des corps, nous explorons différentes approches sensibles, des rapports au rythme, à la contrainte, à la domination, à l’élan, à l’émancipation mais aussi à la maîtrise et à la volonté d’être. Les danseurs explorent les différentes intensités des flux. Tous ces possibles peuvent devenir soumission, émulation, osmose…

Dans ce spectacle, les corps sont investis et traversés par les sensations des mouvements, dans une danse dynamique qui est à la fois très sensible, puissante, éprouvante et qui amène à l’ivresse. Des récits se créent tout au long du spectacle et l’intensité est grandissante, des figures apparaissent avec humour, tragique, engagement et émotion.

La place du spectateur est importante à considérer et, à travers cette pièce, nous interrogeons les possibilités de modifier nos perceptions, de les faire circuler, et d’accepter de réorganiser notre système de pensée. Nous créons des espaces de liberté pour l’imaginaire du spectateur.

Feux est le titre de ce spectacle.

Pour Héraclite, le philosophe du feu, tout est feu. Le feu naît d’un frottement rythmique. Il s’élève vers le haut et consume de la matière en bas, il existe dans l’opposition. Le flux naît dans des forces opposées. Par exemple, sans la pression des deux rives, il n’y aurait pas de rivière qui coule, c’est l’opposition des deux rives qui crée la dynamique de l’eau et ses flux. Si les deux rives n’ont plus de tensions, elles s’éloignent et l’eau devient une flaque. S’il n’y a pas la corde qui relie les deux bouts d’un arc et qui crée de la tension, il n’y a pas l’énergie qui lance la flèche. Les flux se créent dans la dynamique.

Chez les Grecs, la première définition du mot rythme signifie manière de fluer. Chaque être a sa propre manière de fluer et est traversé par ses flux.

La création naît du désir.

La création d’un spectacle est le fruit de la collaboration d’une équipe. Le spectacle existe grâce aux danseurs, à la chorégraphe, au musicien, au créateur lumière, à la costumière, aux collaborateurs…

Nous avons créé cette pièce de façon intègre, en nous laissant polluer le moins possible par la crise sanitaire que nous traversons et ce qu’elle engendre.

Je ne souhaitais pas que la pièce en soit transformée, ni qu’elle en porte les stigmates. 


Feux, TU Nantes, les 20 et 21 octobre ; Le Quatrain, Haute-Goulaine, le 16 décembre.





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