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Musique classique et musiques actuelles : le mariage impossible ?


Olivier Mellano (au centre), avec Arm, Benjamin Ledauphin, Cédric Moutier, et trois musiciens de l’Orchestre Symphonique de Bretagne.

Texte Julien Coudreuse * Photo Yann Peucat pour Kostar


La musique classique et les musiques actuelles peuvent-elles se fondre l’une dans l’autre jusqu’à former une nouvelle esthétique aux contours non encore déterminés ? Telle est la question que nous avons souhaité creuser, alors que sera présentée à l’Opéra de Rennes début décembre la création d’Olivier Mellano, How we tried a new combination of notes to show the invisible or even the embrace of eternity.



Pink Iced Club © Richard Dumas

How we tried a new combination of notes to show the invisible or even the embrace of eternity par Olivier Mellano


Compositeur et musicien à l’ouverture d’esprit exemplaire, Olivier Mellano n’a pas attendu 2012 pour tomber les œillères et sauter d’un genre musical et artistique à l’autre. Suite à la présentation live de sa Chair des Anges en 2008, projet qui mêlait déjà esthétiques rock (guitares électriques) et classique (participaient notamment à ce projet le Quatuor Debussy, et, déjà, la soprano Valérie Gabail), Jean-Marc Bador, alors directeur de l’Orchestre Symphonique de Bretagne, lui propose de pousser l’expérience un peu plus loin et lui commande une pièce en forme de carte blanche. Quatre ans de travail acharné plus tard, Olivier Mellano présente, en création mondiale dans le cadre des Trans Musicales, ce projet pharaonique aux ramifications multiples. Triptyque symphonique (1), électrique (2) et électronique (3), How we tried… est à la fois une création scénique en trois volets, interprétation d’une même œuvre composée par ses soins, dans trois esthétiques contrastées, poussées à l’extrême ; un triple album (sortie le 6 novembre chez Naïve Classique) ; et un DVD, comprenant notamment une fiction réalisée par la cinéaste lituanienne Alanté Kavaïté.


(1) Version symphonique : How we tried a new combination of notes... Orchestre symphonique de Bretagne. Jean-Michaël Lavoie : direction. Valérie Gabail : soprano

(2) Version électrique : How we tried a new combination of noise... Olivier Mellano Pink Iced Club (Régis Boulard, Thomas Poli, Florian Marzano, Stéphane Fromentin, Benjamin Le Dauphin, Florian Mha, Cédric Moutier, Erwan Lemoigne, Pascal Ferrari, Ghislain Fracapane, Thomas Lecorre) : ensemble de 12 guitares électriques Simon Huw Jones (…And also the Trees) : voix

(3) Version électronique : How we tried a new combination of one/o... Mc Dälek, Black Sifichi, Arm (featuring) : voix. Didier Martin : lumières. Taprik, Dan Ramaën : vidéos




Cette approche polymorphe d’une même partition nous a posé la question de la possibilité de croiser des styles si différents. Une gageure qui semble impossible à relever, selon les avis convergents d’Olivier Mellano et de Gaétan Naël, qui creuse l’hypothèse depuis plusieurs années en sa qualité de directeur artistique du festival Cultures Electroni[k].


Olivier Mellano


Comment se compose le versant live du projet ?

Tous les soirs, les trois versions – symphonique, électrique, électronique – seront jouées. Il s’agit à chaque fois de la même pièce, avec la même structure, les mêmes textes, mais dans des esthétiques très différentes. L’idée est vraiment de ne pas mélanger les styles, mais de pousser chacun à l’extrême, et de montrer que ces esthétiques sont aussi importantes et exigeantes les unes que les autres.

Quels sont les autres volets de ce projet ?

Outre le triple album comprenant les trois versions, nous éditons un DVD. Avec notamment une fiction qui va sortir en salle, à l’univers proche de Ken Russel, de Matthew Barney, voire de David Lynch, réalisée par la cinéaste lituanienne Alanté Kavaïté.

Avez-vous essayé de mélanger les trois versions ?

Nous travaillons sur des versions alternatives, en mettant le chant classique sur la version électro, les rappeurs sur la version électrique… Tout ça sera mis en ligne après la sortie du disque. Au final, il y aura neuf versions, avec tous les croisements possibles.

Avez-vous un exemple de mariage probant entre musique classique et musiques actuelles ?

Je n’ai pas d’exemple réussi de ce type de mélange. Dans ce que j’ai pu en entendre, l’aspect classique sonne variété et l’aspect rock/pop/rap sonne kitsch. Dans le projet How we tried…, je ne mélange pas vraiment, il s’agit de creuser l’identité de chaque style et éventuellement de les faire se télescoper. Toutefois, certains artistes échappent avec panache à ces cases. Je pourrais citer Moondog, Steve Reich, Sunn O))), Scott Walker, Amon Tobin, Pansonic, Our Sleepless Forest, Arto Lindsay et bien d’autres encore...


Gaétan Naël


Depuis 2006, le festival Cultures Electroni[k] étudie les rapprochements possibles entre musique électronique et musique classique. Comment a germé cette idée ?

Nous voulions faire se côtoyer des musiciens de formation classique, qui donc savent lire des partitions, et des gens plus autodidactes, qui font de la musique essentiellement assistée par ordinateur. Il y eut un premier projet, The Folder Factory, qui réunissait deux musiciens rennais (Pyjaman et Morgan Daguenet) et des élèves du Conservatoire de Rennes. À l’époque, nous avions demandé à ces autodidactes de composer une musique qui avait ensuite été retranscrite en partition par un enseignant du Conservatoire. La confrontation a été violente, nous nous sommes rendus compte que ça ne marchait pas forcément.

Malgré ce partiel constat d’échec, vous avez persévéré…

Pour le deuxième projet, nous avons utilisé des répertoires existants. Nous avons choisi un compositeur, Pascal Dusapin, joué par le Trio Élégiaque. En face, nous avons mis un musicien électronique, Christian Fennesz. Cette fois, l’idée était de donner à entendre ce qu’est un remix. Fennesz était dans un lieu, il récupérait les bandes des instruments utilisés en même temps dans un autre lieu, et remixait le tout en direct. Le public choisissait d’aller dans un des deux lieux, et à la fin du concert, on permutait. Pour que chacun voit le live, et son traitement électronique.

Après quoi vous avez lancé le cycle des Nuits Américaines. Quel bilan en tirez-vous ?

Nous avons imaginé ce projet d’association de musique électronique et d’œuvres du répertoire en nous concentrant sur les musiciens minimalistes américains, qui ont beaucoup influencé les musiciens électroniques. Même si les deux univers se sont apprivoisés, au final, il n’y a pas eu de véritable intervention d’un musicien électronique sur une œuvre. Qu’il s’agisse d’Arandel ou de Murcof, le traitement électronique s’est limité aux arrangements, à la texture de la musique jouée.

Quel artiste à vos yeux s’est le plus approché du mix parfait entre musique classique et musique électronique ?

Francesco Tristano peut-être, du trio Aufgang. Il a une solide formation classique, et la dynamite avec son groupe ou en solo, par exemple en interprétant au piano des classiques techno. Il en a d’ailleurs fait un album, Not for Piano.


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