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Breizh Café : un pont entre la France et le Japon


© Philippe Erard

Il est chez lui à Tokyo comme à Fougères où il est né. Ou encore à Saint-Malo. Kostar vous a parlé, en 2015, de cet homme “qui souffle sur le Breizh”. Depuis, cet ambassadeur du sarrasin, du cidre et des produits bretons n’a rien perdu de sa passion et de son appétit : il ouvre, chaque année, de nouvelles adresses. Retour sur le parcours, singulier, de Bertrand Larcher.


« Si je n’étais pas allé au Japon, je n’aurais sans doute pas ouvert de crêperie… » C’est là-bas en effet que tout commence. Et c’est là que Bertrand Larcher aime accueillir ces visiteurs bretons un peu perdus au pays du saké. Il est aujourd’hui chez lui, dans ce quartier de Kagurazaka où est née sa première crêperie en septembre 1996. Aujourd’hui, dans la rue, autant de personnes croisées, autant de salutations amicales.


Depuis 25 ans au Japon

Début 1995, Bertrand Larcher quitte avec Yuko, son épouse japonaise, la haute restauration genevoise pour « découvrir un autre monde, une autre culture ». Et c’est dans ce quartier populaire, un peu plus chic aujourd’hui, qu’il ouvre… Le Bretagne, son premier Breizh Café. Aujourd’hui, le Gwenn ha du flotte sur huit autres crêperies au Japon. Et sur bien d’autres dans l’Hexagone.

« On était en vacances à Saint-Malo. Ma femme me dit, un jour : “Tu sais, il n’y a pas de crêperie au Japon…” C’était vrai, bien entendu. Arrivé ici, j’ai d’abord voulu apprendre la langue. En immersion, comme on dit. En six mois, je me débrouillais. Je voulais m’inspirer, m’imprégner des codes de vie, des gens, partager leur souci du détail, de l’esthétique… »

C’est ainsi qu’il ouvre cette première adresse à Tokyo. Un pari a priori insensé dans un pays qui n’a pas la réputation d’être tendre en affaires. Quelques années plus tard, c’est à Omotesando, sur “les Champs Élysées japonais”, qu’il plante son décor de crêperie bretonne. Et, après Tokyo, ce sera Yokohama, Kawasaki, Kyoto…

Au Japon, Bertrand Larcher retrouve le sarrasin, ce fameux soba indissociable de la cuisine locale depuis des millénaires. Les Japonais, eux, découvrent ces “crêpes autrement”, une signature Larcher qui a fait son chemin. « Pour trop de gens encore, la galette n’est qu’une enveloppe. Qu’importe ce qu’on y met. Je me suis dit qu’il fallait donner à cette cuisine populaire une dimension gastronomique sans perdre les notions de partage et de convivialité… C’est une cuisine de plaisir. »

Crêperie de Cancale © Marie-Pierre Morel

Bertrand Larcher a conscience de bousculer. Il peut aussi agacer dans son pays d’origine où le succès suscite parfois quelques jalousies. Revenu sur “ses” terres, il n’est pourtant pas étranger à un regain d’intérêt pour la crêperie. Aujourd’hui, la galette roule même en rolls, cette formule apéritive désormais à la carte de ses crêperies parisiennes, à Saint-Malo, Cancale ou encore à Fougères, “sa” ville, où il a signé son retour en ouvrant une Maison du sarrasin.


8 hectares de sarrasin en bord de mer

La crise sanitaire n’a pas été sans conséquences pour le développement de ce qui n’est plus vraiment une petite entreprise. Le projet d’implantation aux États-Unis est en stand-by. Ce qui ne chagrine qu’à moitié Bertrand Larcher : « On en a profité pour développer notre réseau hexagonal. Une adresse sur la presqu’île, à Lyon, une nouvelle table au bord du canal Saint-Martin à Paris et, en 2022, une ouverture à Bordeaux… »

Même si le boss revendique un cœur d’artisan, les projets ne manquent donc pas. Adhérent de Slow Food, le défenseur (et promoteur) des produits bretons tenait, par exemple, à avoir “sa” ferme. C’est fait : les 8 hectares (sur 12 au total) donneront cette année entre 10 et 12 tonnes de sarrasin. Entre Cancale et Saint-Malo, sur cette route touristique familière à Léo Ferré qui y avait un pied-à-terre ou encore à Colette qui avait son refuge près de la plage de la Touesse, la ferme est ouverte aux visiteurs. Lesquels peuvent en profiter pour se restaurer.

« Cette période, un peu particulière, nous a permis de réfléchir à de nouvelles pistes de développement… » C’est ainsi que, dans ce décor bucolique et marin, Bertrand Larcher a ouvert, l’an dernier, son premier food-truck. « C’est un conteneur-crêperie… Au départ, ce devait être éphémère. En fait, je pense qu’on va pérenniser cette installation… » Un endroit où on pourra, comme dans ses Maisons du sarrasin, découvrir ces préparations gourmandes, déclinées avec et autour des produits bretons. Des tartes salées, des cakes et des glaces… au sarrasin bien sûr.


Crêperie Le Bretagne au Japon / Photo © Kostar

Autre initiative, la création de Kouer Breizhat, une structure associative qui s’est fixée pour objectif de promouvoir l’agriculture biologique en Bretagne et d’apporter un soutien financier à l’installation de jeunes agriculteurs. « L’agriculture bio, les circuits courts, la solidarité sont aujourd’hui une évidence. C’est aussi une nécessité. » Alors, Kouer Breizhat encouragera les productions de sarrasin et de cidre en Bretagne mais aussi la reconstitution de ces haies bocagères qui font le charme de nos paysages.


Au croisement des cultures


La Table Breizh Café / DR

Il n’y a pas que la culture du sarrasin et des pommiers à cidre. Avec son épouse, Bertrand Larcher a découvert un autre monde, une autre culture. Cette ouverture, on la retrouve au sein de ses équipes. Derrière les billigs de la rue de l’Orme à Saint-Malo, un jeune Japonais est aux fourneaux. Au Japon, on retrouve aussi bien un Québécois qui n’ignore rien des subtilités des cidres à la carte qu’un jeune Breton, parti à l’aventure aux antipodes, après des études d’arts graphiques à Nantes. « Je suis très attaché à cette mixité des cultures… J’aime faire voyager les gens avec ce que je propose à la carte mais j’aime aussi voir ces jeunes voyager et se lancer dans cette aventure avec nous… »

Commencée en 1996, l’aventure se poursuit avec aujourd’hui 120 collaborateurs ! Inutile de demander à Bertrand Larcher ce dont il est le plus fier. La table de Cancale et son étoile Michelin ? « C’est à Raphaël Fumio-Kudaka qu’elle revient… » Croisement des cultures encore. Si les Japonais ont découvert “la crêpe autrement” dans les Breizh Cafés, les Bretons (et les autres !) peuvent donc découvrir la gastronomie japonaise à Cancale mais également à Saint-Malo où Otonali, le restaurant izakaya, jouxte le comptoir Breizh Café et voisine, rue de l’Orme également, avec la Maison du sarrasin.

Saint-Malo reste le camp de base de Bertrand Larcher. C’est là qu’il a, en 2018, solidement ancré son Atelier de la crêpe. « Il n’existait pas de formation pour ce métier. Comme si la crêpe n’en méritait pas… Il y a un vrai savoir-faire à transmettre et il faut aussi mettre en valeur la créativité. » Une école internationale où il est également possible de se restaurer. « On me dit parfois que mes crêpes sont les plus chères de la ville mais, à l’Atelier, j’ai aussi les moins chères… », s’amuse le maître des lieux.

Avec désormais sept adresses à Paris, une à Lyon, une autre demain à Bordeaux, et ces 25 bougies soufflées, en octobre prochain, à Tokyo, Bertrand Larcher continue de grandir. Et voilà le gwenn ha du des Breizh cafés parti pour remplacer la célèbre guitare des Hard Rock cafés…




- Homard et moules de bouchots à la vinaigrette tozazu et algues, salades de choux frisé

- Turbo poêlé, coulis de daikon et salicornes. Purée de prunes séchées du Japon et pack-choi

- Homard à la vinaigrette de sésame et miso. Poulet jaune frit, légumes marinés à la façon Nanbanzuke

Photos DR

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