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Loïc Touzé, la mélodie du geste


Interview / Vincent Braud * Photo / Mahaut Clement Publié dans le magazine Kostar n°48 - décembre 2015-janvier 2016

Voilà un chorégraphe qui ne craint pas le paradoxe. Loïc Touzé a longtemps considéré que la danse et la musique ne marchaient pas du même pas. Et pourtant, il baptise sa nouvelle création Fanfare. Voilà qui mérite des explications.



C’est étonnant ce titre. Où êtes-vous allé le chercher ?

Je ne cherche jamais un titre, c’est lui qui s’impose au fil du travail. Au départ, cette création devait s’appeler 19 mélodies mais, à force d’écouter ces mélodies de Chopin, je me suis dit que c’était d’une grande tristesse.


C’est assez rare que vous parliez musique…

C’est vrai. Je pense que la danse et la musique sont rarement en phase. Pour moi, la danse dégage sa propre musicalité. Or, souvent, la musique écrase le geste. Ce n’est que mon point de vue. Maud Le Pladec, parmi d’autres, ne partage pas cette analyse.


Il y a un peu plus d’un an, on vous a pourtant proposé de travailler avec des musiciens…

Oui et ce fut une grande chance. Dans le cadre de ManiFeste 2014, le festival de l’IRCAM, j’ai eu le privilège de travailler avec des compositeurs contemporains. J’y ai croisé Exaudi, un ensemble vocal britannique absolument étonnant.


C’est donc durant cet été 2014 que le projet est né ?

Pas vraiment. Le processus est plus lent. Mais le travail sur cinq petites pièces avec des compositeurs contemporains a sans doute fait bouger les lignes. Pour autant, la place de la musique, dans Fanfare, n’est pas où on l’attend.


“Je travaille toujours en auscultant ce que j'ai fait.”

Il y a votre rapport à la musique et votre rapport au toucher…

Chez moi, les danseurs ne se touchent pas. J’ai un rapport compliqué avec le contact. Le contact n’est pas simple, pas anodin. C’est quelque chose de très fort. Pour moi, le rapport à l’autre m’intéresse dans ce qu’il traduit d’un rapport au monde.


Dans ce processus de création, qu’est-ce qui vous a inspiré ?

Souvent, il y a une rencontre avec un texte. Très jeune, Rilke a écrit de très belles pages sur le théâtre. Dans ses Notes sur la mélodie des choses, il parle aussi des rapports humains et il a cette phrase : « Toute discorde vient de ce que les hommes cherchent leur élément commun en eux, au lieu de le chercher derrière eux, dans la lumière, dans le paysage au début et dans la mort. » Je me sens très proche de son analyse.


Vous dites « danser, c’est voir ». On revient toujours au regard ?

Bien sûr. Voir l’espace qui nous entoure, voir notre histoire, faire appel à notre mémoire pour mieux voir le présent… C’est ce que j’essaie de faire dans mon travail.


Comment se présente cette nouvelle création ?

Cette pièce vient après Ô montagne. Il n’y a pas de notion de suite dans mon travail mais je travaille toujours en auscultant ce que j’ai fait. Je m’interroge sur les manques et je pars du geste pour faire émerger un récit. Il y a peut-être, ici, quelque chose de plus factuel, quelque chose qui tient du rébus. Mais il y a peu de musique dans Fanfare. Il faut la chercher dans la mélodie du geste.


Fanfare

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