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Mélanie Leray, extinction du domaine de la lutte



Texte / Julien Coudreuse * Photo / Gildas Raffenel pour Kostar Publié dans le magazine Kostar n°32 - octobre-novembre 2012


Comédienne convertie à la mise en scène, Mélanie Leray a réveillé en deux pièces notre goût du théâtre. Sans que l’on sache ce qui séduit le plus de sa capacité à mettre le doigt là où notre monde dévisse, de son goût des écritures contemporaines, de la précision de ses mises en scène, ou de sa direction d’actrices.


« Mettre en scène, c’est comme une vie parallèle, comme des mondes dans lesquels on entre. J’y suis venu tard car j’ai beaucoup tourné comme comédienne. Tant au niveau financier qu’au niveau de la pression, c’était bien plus cool d’être actrice. Mais intellectuellement, c’est moins riche. » Leaves, sa précédente pièce, parlait du monde « par le biais de ceux qui ne veulent pas y vivre ». Contractions, sa dernière création, montre comment une femme prend le pouvoir sur une autre par la seule force des mots, et la prive lentement de sa liberté d’agir, de penser, dans le but d’accroître les performances de l’entreprise qu’elle représente, pire, qu’elle incarne.


“Pourquoi une personne choisit-elle de consentir, de transiger ou bien de résister ?”

« Pourquoi une personne choisit-elle de consentir, de transiger ou bien de résister ? À quel moment ose-t-on quitter l’entreprise pour laquelle on travaille pour s’inventer une vie autrement difficile mais différente ? ». Mélanie Leray pose ce type de questions, et se garde bien de juger celle qui, au fil de la pièce, se laisse broyer, « prise dans ce rouage implacable, cette machine – l’entreprise – à formater ». La perversité du mécanisme par lequel elle consent aux humiliations qu’on lui impose laisse pantois, tant on s’y reconnaît.

« J’avais lu le livre de Florence Aubenas Le Quai de Ouistreham. Ça m’intéressait beaucoup la façon dont elle parlait des femmes et du monde du travail, qui renvoyait à ce frottement entre la vie sociale et la vie organique – faire un enfant, être amoureux. En parlant de ce livre, on m’a orientée vers la lecture d’un texte du jeune auteur britannique Mike Bartlett, Love Contract, qui est à la base de la pièce. » Le face-à-face, âpre et tendu, des deux figures féminines en présence – interprétées par Elina Lowensöhn (découverte dans les films de Hal Hartley) et Marie Denarnaud (révélation dans Les Corps Impatients de Xavier Giannoli), l’utilisation astucieuse de la vidéo(-surveillance) qui dévoile des actes et des émotions que le texte ne dit pas, la succession haletante de scènes répétitives jusqu’à l’inéluctable, participent à la réussite de l'ensemble.


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