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Rone, électro numbeR.one


Interview / Matthieu Chauveau * photos / Olivier Donnet Publié dans le magazine Kostar n°59 - février-mars 2018


Erwan Castex, alias Rone, est une figure incontournable de l’electronica hexagonale des années 2010, qu’il ouvre à d’autres genres musicaux. C’est plus que jamais le cas sur Mirapolis, quatrième album marqué par la présence de nombreux invités, que l’anti-David Guetta aux indévissables lunettes rondes défendra seul sur scène, entouré de ses machines.



Mirapolis est un album riche en invités et ce dès la pochette, signée Michel Gondry. Comment s’est faite la rencontre ?

Je suis un grand fan et on a souvent comparé nos travaux pour leurs côtés oniriques. Mais c’est lui qui m’a contacté et j’ai été touché de savoir qu’il connaissait et aimait mon travail. Mes morceaux lui ont inspiré quelque chose d’architectural. Je lui ai demandé d’ajouter des couleurs pour illustrer cette sensation que j’avais d’élargir ma palette sonore avec ce disque. Ça a donné cette ville psychédélique qui a, à son tour, influencé ma musique. Cette pochette a été comme l’ultime pièce d’un puzzle. Elle m’a permis de terminer l’album et de trouver ce nom, Mirapolis, en clin d’œil à Metropolis et à l’ancien parc d’attractions du même nom devant lequel je passais souvent, enfant.


Comment s’est fait le choix des musiciens invités, venus d’univers variés, de Baxter Dury à Saul Williams ?

Parfois naturellement : Saul Williams est passé dans mon studio presque par hasard et a improvisé sur un de mes morceaux en le découvrant. Le guitariste Bryce Dessner, je venais de travailler avec son groupe The National… Pour d’autres, j’ai vraiment réalisé de petits fantasmes. J’écoute Baxter Dury depuis des années. J’ai tout de suite pensé à lui pour poser sa voix grave, en spoken word, sur les notes de piano répétitives de Switches. S’il avait été encore vivant, j’aurais pris Serge Gainsbourg !

“Je suis un musicien électronique qui fait de la musique tout court.”

Pourtant, l’album a été composé plutôt en solitaire…

C’est vrai. Il y a eu une première phase d’isolement. J’avais besoin de me couper du monde. Je suis allé chercher ça dans des petites chambres d’hôtel près de la mer, en Bretagne. Mais très vite, j’ai eu envie de collaborer avec des gens pour emmener les morceaux ailleurs, les enrichir.


Cette envie d’être entouré, est-elle liée au concert remarqué que vous avez donné l’an passé à la Philharmonie de Paris ?

Oui. Cette expérience a vraiment réveillé mon envie de travail collectif. Quand je fais des concerts électroniques, je suis seul avec mes machines. Tout à coup, la Philharmonie m’a proposé une carte blanche. Plutôt que d’être accompagné par un orchestre symphonique, j’ai préféré créer quelque chose de plus personnel en invitant des artistes que j’aime : mon ami auteur de SF Alain Damasio, le batteur John Stanier du groupe Battles, le trio à cordes Vacarme, avec Carla Pallone de Mansfield.TYA…


Vous êtes célébré aussi bien par la presse spécialisée que par Didier Varrod. Où vous situeriez-vous dans la galaxie électro ?

J’aime l’idée qu’on ait du mal à me coller une étiquette mais je me revendique quand même musicien électronique. Mes instruments sont des machines, des ordis, des synthés, je l’assume complètement. Mais plus ça va et plus j’ai une vision large de ce que je fais. J’ai, de toute façon, l’impression que la musique électronique s’est diluée un peu partout aujourd’hui : dans le rap, la pop… En fait, je suis un musicien électronique qui fait de la musique tout court. Je peux aussi bien jouer au Berghain à Berlin à 3h du matin qu’à la Philharmonie de Paris à 20h. C’est une sacrée chance !


Votre premier morceau est sorti il y a exactement 10 ans. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Il s’est passé pas mal de choses mais j’ai l’impression d’être toujours en train d’apprendre. J’ai aussi la sensation d’avancer, de suivre – ou plutôt de créer – un chemin. Je prends de plus en plus de plaisir à jouer sur scène. Pour mes premiers live, j’avais un trac fou. La peur représentait 90% de ce que je ressentais avant de jouer. Là, ça devient de plus en plus un jeu. C’est même devenu agréable (sourire).

“Je me suis un peu débarrassé des codes de la musique électronique et de la techno en particulier.”

L’écoute de Mirapolis donne l’impression d’une évolution vers un son plus panoramique, cinématographique…

C’est vrai. Je me suis un peu débarrassé des codes de la musique électronique et de la techno en particulier. J’ai de la chance parce que je suis sur un label, InFiné, qui me donne une totale liberté. C’est très agréable de me dire que, sur le prochain album, je pourrai faire ce que je veux, pourquoi pas des musiques traditionnelles bretonnes (rire) ! Un de mes modèles, c’est le producteur Brian Eno qui a pu faire des choses très différentes dans sa carrière, tout en suivant un fil.


I, Philip, le morceau d’ouverture de Mirapolis sonne d’ailleurs très Eno.

Je le prends comme un compliment !


S’éloigner de l’électro pure, n’est-ce pas aussi prendre des risques pour la scène ?

Quand j’étais en studio, je ne me posais pas la question, je faisais la musique que j’avais envie de faire. Une fois le disque terminé, j’ai eu un petit coup de flip en me demandant comment recréer ça sur scène. Au final, c’est super intéressant parce que je réinvente les morceaux en les jouant tout seul avec mes machines. Je les électronise, en quelque sorte. Mais sur certaines dates, des invités de l’album viendront me rejoindre…


Qu’est-ce que ça fait d’être connu avec un nom issu d’un malentendu (NDLR. Rone vient de l’écriture erronée, sur un flyer, de R . One, phonétiquement Erwan) ?

C’est vrai que j’ai été baptisé presque par accident. Je trouve ça plutôt marrant. On ne choisit pas son prénom, ce sont nos parents qui le font pour nous. C’est un peu la même chose avec Rone. Cela m’a aussi évité de perdre trop de temps à chercher un nom.





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