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Un été dare d'art

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  • 18 juin
  • 16 min de lecture

Épilogue sylvestre (Terminus forêt - Retour aux forêts), Laurent Tixador - Parc de Procé, Le Voyage à Nantes 2025 © Philippe Piron _ LVAN
Épilogue sylvestre (Terminus forêt - Retour aux forêts), Laurent Tixador - Parc de Procé, Le Voyage à Nantes 2025 © Philippe Piron _ LVAN

Dossier réalisé par Julie Baron, Christophe Cesbron, Ilan Michel, Patrick Thibault Publié dans le magazine Kostar n°96 - été 2025


On appuie sur pause et on reprend l’itinéraire qui nous mène aux meilleures expos de l’été. Le Voyage à Nantes autour de l’étrange, Exporama à Rennes et les expositions autour du portrait. Angers, Cholet, Saumur, Château-Gontier… Escales à Saint-Nazaire, Pont-Scorff, Brest, Landerneau, Saint-Brieuc. C’est reparti.


Prune Nourry. Mothership. Esquisse, Le Voyage à Nantes 2025 © Prune Nourry _ LVAN
Prune Nourry. Mothership. Esquisse, Le Voyage à Nantes 2025 © Prune Nourry _ LVAN

L'étrange été

Le Voyage à Nantes a profondément transformé la ville, lui redonnant une image incroyablement vivante, chaleureuse, impertinente, toujours réinventée. Placée sous le signe de l’étrangeté, l’édition 2025 joue de malice pour surprendre. Alors, soyons curieux et laissons-nous déconcerter par l’insolite et l’inattendu. Texte / Christophe Cesbron


L’idée, c’est de révéler le potentiel et l’étrangeté d’une ville. Comme chaque année, le parcours 2025 investit certains espaces incontournables de la ville. Mais il en explore de nouveaux jusque-là non traités, comme le lycée Clemenceau, les escaliers de l’Hermitage ou la rue de l’Héronnière. Les artistes invités s’emparent de l’histoire et des formes des lieux qu’ils détournent, pour en révéler autre chose : une mémoire, un rêve, un récit, un mirage…

Avec bonheur, certains artistes proposent un geste iconoclaste. Iván Argote fait disparaître Louis XVI de sa colonne pour y faire grimper une autre figure. Son jeu de miroir interroge sur les symboles du pouvoir. Place Royale, Willem de Hann enlève les statues allégoriques de la fontaine pour les remplacer par ses sculptures hyperréalistes de Nantaises et Nantais d’aujourd’hui. Laurent Tixador transforme le design du tramway nantais, le transmutant en carriole de bois.

La plupart des œuvres revisitent l’histoire de la ville. Sur une des entrées du Lycée Clemenceau, Romain Weintzem installe trois figures en tenue de camouflage portant à la place de leurs armes des instruments de fanfare, faisant référence au groupe des SARS, fondateurs de la revue En route mauvaise troupe (1913). Cour de l’hôtel de Chateaubriand, Gloria Friedmann évoque autant l’histoire du Carnaval, que le passé colonial et esclavagiste de Nantes.

Procédant par hybridations, les artistes implantent des œuvres qui résonnent formellement et conceptuellement avec l’espace. La « Mothership » de Prune Nourry, sculpture en forme de coque de bateaux qui représente une femme enceinte allongée, semble émerger de la surface de la place Graslin. Les couleurs de Flora Moscovici révèlent poétiquement la façade du Central téléphonique de la rue de l’Héronnière. Jenna Kaes glisse, dans les salles de l’ancien Dispensaire Jean V, d’étranges installations troublantes et visionnaires. Les bijoux de la maison Pelletier Ferruel se greffent précieusement aux conifères du Jardin des Plantes.

C’est de la complexité d’une ville, de ses contradictions, de ses mouvements, de son histoire, de ses combats, de sa capacité à se repenser que naissent de nouvelles formes. Merci au Voyage à Nantes d’y contribuer.  

Le Voyage à Nantes 28 juin au 31 août 2025.


Digital Floralia, Miguel Chevalier © Thomas Granovsky
Digital Floralia, Miguel Chevalier © Thomas Granovsky

Les jardins virtuels de Miguel Chevalier

Entrer dans une exposition de Miguel Chevalier promet de vivre une expérience immersive, interactive, intense et poétique. Passée la première salle, on pénètre dans l’image, on la survole. Elle nous capte, nous happe, envahit l’espace, le rendant presque instable, mouvant. Projetées au sol, de grandes fleurs numériques bougent, flottent, semblent changer de direction en fonction de notre présence et nos déplacements.  

Plus loin, sur un mur courbe, panoptique, des plantes croissent, ondulent, fleurissent, se fanent, disparaissent dans des cycles impulsés par des systèmes algorithmiques génératifs. Intégrant l’idée de nature dans l’espace numérique, Miguel Chevalier développe depuis la fin des années 1980 un travail artistique qui explore les nouveaux langages informatiques. Il s’en approprie les codes, en saisit l’incroyable potentiel, travaille avec des programmistes. Il suit avec attention les évolutions des nouveaux systèmes pour créer des mondes virtuels, interactifs, évolutifs. Pour ses dernières œuvres, il utilise l’IA, élaborant des prompts complexes qui peuvent générer des réponses toujours plus virtuoses.  

Au-delà de l’aspect esthétique, poétique ou ludique, ses œuvres interrogent notre rapport au réel. Elles tendent à coder les mécanismes du vivant, pour impulser dans l’image des développements presque autonomes. Elles suivent des logiques dont on se demande si elles ne finiront pas par nous échapper.   C.C.

Digital Floralia, Miguel Chevalier Musée des beaux-arts, Angers, jusqu’au 18 janvier 2026.



Mes yeux dans ton regard

Dans le cadre de son été Exporama, Rennes présente 3 expositions exceptionnelles autour du portrait. Une manière de s’interroger, en bonne compagnie, sur le regard. Les 3 expositions se complètent et se répondent à l’infini. Alors, ouvrons grand les yeux. Texte / Patrick Thibault  


Les yeux dans les yeux © Florent Michel / Collection Pinault
Les yeux dans les yeux © Florent Michel / Collection Pinault

Regards pluriels

Plus de la moitié des 10 000 œuvres de la Collection Pinault traitent de la figure humaine. Le portrait est donc le thème choisi pour ce 4e rendez-vous entre l’institution et le Couvent des Jacobins à Rennes. Jean-Marie Gallais, le commissaire de l’exposition, a souhaité que chacun soit en terrain connu dès l’entrée. La première salle réunit donc les photos grand format de célébrités prises par Annie Leibovitz. Meryl Streep, Michael Jordan, Brad Pitt, la dernière photo de John Lennon vivant, dans les bras de Yoko Ono…  

L’exposition Les Yeux dans les yeux est donc grand public et elle sait capter le regard de tout visiteur. Mais, très vite, on comprend que cette galerie de portraits va nous questionner. Magnifiques peintures grand-format de Lynette Yiadom-Boakye, les mises en scène de la photographe Cindy Sherman… Chacun de ces regards nous délivre un message : saurons-nous le percevoir ? C’est donc une expo interactive et chacun peut compter sur son propre regard pour ressentir. Le portrait est un genre très codifié mais qu’en est-il à l’heure des selfies et des réseaux sociaux ? Qui regarde qui ? Le modèle ? Le photographe ? Le spectateur ? 

On croise le portrait fou de Jean-Michel Basquiat, Marlène Dumas, Luc Tuymans, puis ce sera la section intime. 90 œuvres, ça fait du monde mais la force de l’exposition, c’est de savoir déjouer le piège d’une infinie galerie de portraits au profit d’une multiplicité de regards. La diversité des artistes et de leurs univers, des médiums (photo, peinture, sculpture) bouscule les certitudes en permanence. Les regards traduisent des émotions, des tensions, des aspirations, de l’amour, de la violence aussi parfois. À l’arrivée, c’est bien le portrait pluriel de notre humanité qui est ici représenté.   

Les yeux dans les yeux, Portraits dans la Collection Pinault, Couvent des jacobins, rennes, 14 juin au 14 septembre.


États d'âme

Claire Tabouret - Makeup (orange and black), 2017 © Courtesy Bugada Cargnel, Parsi - DR
Claire Tabouret - Makeup (orange and black), 2017 © Courtesy Bugada Cargnel, Parsi - DR

En résonance avec l’exposition Les yeux dans les yeux, le Musée des beaux-arts présente le travail de Claire Tabouret à travers le prisme du portrait. L’artiste est de celles et ceux qui ont réinvesti le champ de la peinture figurative avec un franc succès. Son sujet, c’est l’humain. De nombreuses toiles réunissent des visages d’enfant. On y perçoit à la fois l’innocence et la gravité. Même dans ses tableaux de groupes, Claire Tabouret scrute la solitude. Autoportraits introspectifs, pleureuses, baigneuses, magnifiques chercheurs d’or… Ses toiles – puissantes – nous interrogent grâce à la force des regards et un vrai mystère. L’artiste, qui vit et travaille à Los Angeles, a choisi de faire dialoguer ses œuvres (peintures, sculptures et céramiques) avec la collection du musée. Lumineuse, l’exposition bénéficie du prêt de grands formats de la Collection Pinault. Claire Tabouret, qui avait fait l’objet d’une expo à la HAB Galerie, a intégré la collection permanente du Voyage à Nantes avec la sculpture Deux baigneuses.   

Claire Tabouret, Entre la mémoire et l’oubli Musée des beaux-arts, Rennes, 14 juin au 21 septembre.


Portraits crachés

Philippe Cognée - Autoportrait de profil, 2025 Courtesy Galerie Oniris - Rennes
Philippe Cognée - Autoportrait de profil, 2025 Courtesy Galerie Oniris - Rennes

Philippe Cognée est un artiste passionnant dont on suit le parcours avec enthousiasme. Son travail, qui part de la photographie pour la réinterpréter avec sa technique de cire chauffée, en fait l’un des artistes peintres les plus en vue de sa génération. Après une grande exposition personnelle, Galerie Templon à Paris, autour de paysages fragmentés (forêts et vues marines), il présente ici des portraits et autoportraits. Comme pour les autres sujets, les visages font ici l’objet de métamorphose. On aime particulièrement ce qui se dégage de ces portraits entre figuration et abstraction. La figure humaine passe ici par bien des états. « Le fait de gommer les signes permet à l’imaginaire de rentrer plus facilement dans le tableau », nous dit l’artiste. De ces visages qui s’effacent, on saisit l’essentiel. De cette peinture du trouble, jaillissent bien des questionnements et des émotions. Magnifique.   

Philippe Cognée, portraits Galerie Oniris, Rennes, 14 juin au 13 septembre.



Tisser le futur du monde

Assumpcio Espada - Des capsules de graines pour l'avenir
Assumpcio Espada - Des capsules de graines pour l'avenir

Le concours international des mini-textiles réunit 72 artistes. Il est organisé par le Musée de la tapisserie contemporaine d’Angers depuis 1993. Chaque artiste doit présenter une œuvre textile dont la taille ne doit pas excéder 12X12X12 cm. La thématique de cette année : Tisser le futur ! Installées par sections sur de longues tables serpentines, les œuvres condensent un monde porteur d’une réflexion prospective. Il faut se pencher, pointer son regard, se concentrer pour pénétrer chacun de ces petits univers. Le choix des matériaux (fibres de toute sorte, cheveux, perle, laine, papier, pulpes textiles, fils de fer, de laine, de papier ou de banane…), l’inventivité des assemblages (tissage, nouage, feutrage, agrafage, collage, musihiko), la diversité des approches aiguisent la curiosité. Beaucoup de ces petites œuvres ont un pouvoir d’attraction fascinant. La matière textile (par sa texture, ses couleurs, ses assemblages) les charge d’une force poétique et mystérieuse.   

Concours international des mini-textiles Musée Jean Lurçat, Angers, jusqu’au 4 janvier 2026.



C'est de la bombe !

Montage de l'exposition Sur les murs, la peinture !, Les ateliers des capucins © Mathieu Le Gall
Montage de l'exposition Sur les murs, la peinture !, Les ateliers des capucins © Mathieu Le Gall

Les Ateliers des Capucins sont un lieu fabuleux pour accueillir une exposition consacrée au street art. Sur les murs, la peinture !, en écho au slogan de 1968 Sous les pavés, la plage !, annonce l’ambition de l’expo qui, au-delà de montrer des œuvres, vise à les contextualiser, raconter une histoire et la dimension contestataire de l’art urbain. De la médiathèque au passage des Arpètes, c’est un véritable parcours. Un voyage de Brest à São Paulo avec toutes les générations et les diversités. Une section internationale réunit Banksy, Blade, Lady Pink et d’autres grandes figures du genre. Focus sur l’art urbain français avec les pionniers Gérard Zlotykamien et Jacques Villeglé, puis Hans Klemens, Ishem Rouiaï, Space Invader… Évidemment, il y a toute une partie sur la Bretagne, Brest et Rennes, où le graffiti progresse rapidement dès le début des années 80. Enfin, C215, Petite Poissone, Jef Aérosol et Carole B ont créé in situ, sur les murs des ateliers, des créations qui vont rester.   

Sur les murs, la peinture !, Les Ateliers des Capucins, Brest, 18 juin au 21 septembre.



Tintamarre !

Tintamarre cosmique © François Dufeil - Anthea Lubat / Le 4bis
Tintamarre cosmique © François Dufeil - Anthea Lubat / Le 4bis

Réjouissante exposition organisée par Le carré au Musée Robert Tatin et au 4Bis à Château-Gontier. Dans un esprit poétique, coloré et musical, elle réunit François Rufeil et Anthea Lubat. Intitulée Tintamarre cosmique, la proposition se développe telle une constellation tintinnabulante, malicieuse, joyeuse, dynamique, visionnaire. Au musée Tatin, les « sculptures/machines » de François Rufeil habitent l’espace, tels des organes métalliques et sonores. Ingénieuses, colorées, presque animales, constituées de tuyaux, cuves, pompes hydrauliques, elles activent d’étranges actions, développent des fonctionnements rêveurs. Au 4Bis, les dessins flottants d’Anthea Lubat viennent dialoguer avec un « orchestre » sculptural et sonore de François Rufeil. La légèreté du papier, des dessins, des couleurs semble explorer cet espace vide dans lequel circulent l’air, les flux, les ondes, le son, le rêve, la pensée. La rencontre des deux univers génère de belles résonances !  

François Dufeil / Anthea Lubat, Tintamarre cosmique, 4bis, Château-Gontier ; Musée Robert Tatin, Cossé-le-Vivien, 14 juin au 24 août.



Ces fantômes qui nous habitent

Julien Gorgeart - Traverser la nuit - Huile sur Toile - 140x200cm - 2024
Julien Gorgeart - Traverser la nuit - Huile sur Toile - 140x200cm - 2024

Avant d’être peintre, Julien Gorgeart pratiquait la photographie et la vidéo. Ses études aux Beaux-Arts l’ont mené vers la peinture. Les images qu’il produit à l’aquarelle ou à l’huile, souvent issues de clichés photographiques, construisent des récits parfois étranges, mettant en scène des paysages, objets, personnages dans des situations énigmatiques. Pour l’exposition qu’il a conçue pour le musée de Cholet, il s’est replongé dans les albums photos de sa famille, revisitant son histoire familiale, tentant d’en comprendre un épisode complexe, celui de la séparation de ses parents entraînant la perte d’un « frère », enfant de la DASS placé pendant 8 ans dans leur famille. C’est sans doute ce garçon fantôme qui hante et habite sa peinture, son rapport au monde et à l’art. Pour l’exposition, l’artiste met en dialogue ses peintures avec un choix d’œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire, et un film réalisé par son frère, dans une scénographie sensible et lumineuse.   

Habiter le vide, Julien Gorgeart, Musée d’Art et d’Histoire, Cholet, 26 avril au 21 septembre.



Fou de dessin

Kajikazawa dans la province de Kai © Hokusai-kan Museum. Obuse
Kajikazawa dans la province de Kai © Hokusai-kan Museum. Obuse

Impressionnante exposition que celle programmée cet été par le musée du Château, à Nantes. Elle propose au public une nouvelle approche de l’œuvre du génial dessinateur japonais Hokusai. Elle bénéficie de prêts exceptionnels du musée Hokusai-Kan d’Obuse avec certaines œuvres présentées pour la première fois en Occident.   Si jusqu’à présent les expositions d’Hokusai étaient systématiquement pensées en tentant de suivre la chronologie, celle conçue par le Château l’aborde de façon thématique, regroupant les œuvres en grands ensembles mettant en lumière les différents univers explorés par l’artiste : l’eau, les portraits, la nature, le paysage.   Insatiable observateur, dessinateur hors pair, coloriste raffiné, poète au graphisme aussi sûr qu’inventif, Hokusai a développé durant sa longue vie une œuvre prolifique. Son trait capte le regard. Ses compositions semblent se fondre dans le papier suivant des perspectives parfois renversantes. Plongées dans le noir des salles du musée, éclairées avec subtilité, elles se révèlent fascinantes. Avec intelligence, l’exposition se termine face à la dernière œuvre d’Hokusai, un rouleau de papier sur lequel apparaît le mont Fuji derrière lequel un fantomatique dragon s’envole dans une sombre fumée.   C.C.

Hokusai (1760-1849), chefs-d’œuvre du musée Hokusai-Kan d’Obuse, Musée du Château des ducs de Bretagne, Nantes, 28 juin au 7 septembre.


Musée pavillonnaire

Barbodoigt, 2022 - Faïence engobée et émaillée © Lamarche-Ovize
Barbodoigt, 2022 - Faïence engobée et émaillée © Lamarche-Ovize

Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize investissent le Pavillon des expositions à Saint-Brieuc. Ils entremêlent des œuvres issues de la collection du Musée d’art et d’histoire à leurs propres univers. Réinventant l’espace du Pavillon en y construisant une architecture plus domestique et ouverte, les deux artistes proposent un accrochage généreux, inclusif, non autoritaire. Ils essaient de retrouver l’esprit de William Morris (Arts&Crafts), et redonnent une dimension humaine, accessible à un art fait à la main, puisant ses références dans la nature et la culture populaire. Leurs œuvres (dessins sur papier, tapis, lampes, céramiques), où les motifs semblent pousser dans des dynamiques sans ordre ni hiérarchie, ignorent les frontières entre l’art et l’artisanat. Elles jouent, accompagnent, désacralisent, bousculent les œuvres muséales dans des proximités vivifiantes, colorées, ludiques. C’est généreux, joyeux, nécessaire, souvent drôle, malicieusement engagé.   

Les éclaircies, Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize Pavillons des expositions temporaires, Saint-Brieuc, 5 juillet au 21 septembre.


Part animale

Intitulée Animal !? , avec un point d’exclamation et un point d’interrogation, l’exposition du Fonds Hélène et Édouard Leclerc met en lumière la place que l’animal prend dans l’histoire de l’art. Elle interroge également les complexités de notre relation aux animaux. Jalonné de chefs-d’œuvre (on y croise des pièces de Rosa Bonheur, Bourdelle, Louise Bourgeois, Chardin, Degas, Goya, Kandinsky, Matisse, Annette Messager, Germaine Richier, Kiki Smith…), le parcours propose des approches aussi bien historiques et esthétiques que philosophiques. Les représentations animalières en disent beaucoup sur nos rêves, affabulations, fantasmes, violences, fascinations, projections, tabous. Nous sommes des animaux qui recherchons dans le monde animal autant de ressemblances que de différences. Si l’art s’est souvent servi de l’image animale, ce n’est pas seulement pour la domestiquer, la dominer, l’admirer mais pour chercher en elle quelque chose de plus inconscient, profond, magique.   

Animal !?, Fonds Hélène et Édouard Leclerc, Landernau, 14 juin au 2 novembre.


Installation de Justin Weiler à Pont-Scorff © Allison Borgo 
Installation de Justin Weiler à Pont-Scorff © Allison Borgo 

De la lumière

Depuis 30 ans, l’Atelier d’Estienne fait un travail formidable pour défendre l’art contemporain au service du plus grand nombre. À quelques kilomètres de Lorient, Pont-Scorff est une commune rurale qui a fait le choix de la culture. L’escapade estivale réserve un parcours dans le bourg et en périphérie. L’édition 2025 invite Justin Weiler et Sarkis. Diplômé des Beaux-Arts de Nantes et Paris, Justin travaille le verre et s’impose comme un maître de la lumière. Juste après son exposition parisienne à la galerie Romero Paprocki, on retrouve ses tableaux et stèles dans 5 lieux différents.   Pour Pont-Scorff, l’artiste inverse son protocole habituel : ici, la lumière de ses œuvres nous absorbe pour composer un paysage pictural en négatif. Toujours aussi fascinant, le travail de Justin Weiler dialogue formidablement avec les lieux, comme en écho lointain avec son œuvre pour la Bibliothèque Napoléon III du Palais de l’Élysée. Il habite ensuite de ses maisons de verre le Manoir Saint-Urchaut. Et, le souterrain de 75 mètres de long, construit pendant la Seconde Guerre mondiale pour protéger les blessés, est un véritable passage immersif dans l’œuvre de Justin Weiler. L’artiste a peint les murs et la visite se fait au son des musiques composées par Nicolas Bataille.   Né en Turquie en 1938, Sarkis présente son film Au commencement, La coulée. Avec peu de moyens, il vous entraîne d’une manière ultra-sensible dans son univers pour vous faire découvrir sa vision du monde. Face au travail de Justin Weiler, les œuvres se répondent, à l’infini.   

L’art chemin faisant, Justin Weiler/Sarkis, Atelier d’Estienne, Pont-Scorff, 22 juin au 21 septembre.


La porosité du lieu

Lou Masduraud, Self portrait as a fountain of you (détail), 2024. Vue d’installation Swiss Art Award, Bâle (Suisse), Projet Lauréat. Courtesy de l’artiste. Photographie © Gina Folly.
Lou Masduraud, Self portrait as a fountain of you (détail), 2024. Vue d’installation Swiss Art Award, Bâle (Suisse), Projet Lauréat. Courtesy de l’artiste. Photographie © Gina Folly.

Sculptrice de flux, de liens, de relations, Lou Masduraud investit le Grand Café à Saint-Nazaire. Elle le déshabille, le malmène, l’émancipe, le rend perméable. Ses gestes, sculptures, installations s’infiltrent dans le bâtiment, jusque sur les doigts des médiateurs. Elle traite le lieu comme un corps en relation avec le corps du spectateur et celui de la ville. Elle l’entrouvre, l’opère, en révèle l’histoire passée, en interroge la fonction institutionnelle et sociale, en dévoile la fragilité, la sensualité, le désir. Si le titre de l’exposition Ta crème immunitaire reste énigmatique, il induit à la fois l’idée du soin et de la nécessité d’une porosité à l’autre. L’espace d’exposition n’en sort pas indemne, parfois malmené, souvent détourné, revitalisé. L’artiste pouvait se le permettre avant la fermeture du lieu qui va connaître une longue phase de travaux. Prospective, critique, sensible, cette dernière exposition capte autant qu’elle trouble.   

Lou Masduraud, Ta crème immunitaire, Le grand Café, Saint-Nazaire, 27 juin au 26 octobre.


Scarlett Coten, Adrien, Brest, France, sous-titre : La disparition de James Bond, de l’ensemble M, 2023, Collection Frac Bretagne © Scarlett Coten, Crédit photographique : Scarlett Coten
Scarlett Coten, Adrien, Brest, France, sous-titre : La disparition de James Bond, de l’ensemble M, 2023, Collection Frac Bretagne © Scarlett Coten, Crédit photographique : Scarlett Coten

Être au monde

3 ambiances différentes mais complémentaires cet été au FRAC Bretagne à Rennes. La magie du Britannique Anthony McCall, véritable sculpteur de la lumière. Il la met en scène et le public, en se déplaçant, interagit avec l’œuvre. Toujours fascinant.   Puis, l’exposition collective Invisibles, qui réunit des œuvres de la collection du FRAC Bretagne pour mettre en lumière les formes d’invisibilisation. Qu’elles soient sociales, politiques, raciales ou écologiques. À l’image du physicien de la série britannique The Invisible Man, les invisibles trouvent dans cet état une force, un moyen d’exister autrement. Une exposition engagée qui révèle les marges. En résonance, l’œuvre Art Lovers, 2006, de Robert Barry sur le Mur du Fonds. Ce pionnier de l’art conceptuel propose ici à tout un chacun de percer les mystères de l’art qui n’est donc plus opaque.   

Anthony McCall, Robert Barry, 21 juin au 21 septembre.

Invisibles, exposition collective, 21 juin au 16 novembre. FRAC Bretagne, Rennes.


Complètement à l'Ouest

© Ben Zank
© Ben Zank

À Saint-Nazaire, depuis 5 ans, le festival Cargo, les photographiques diffuse dans différents quartiers de la ville un souffle passionnant. De la gare à l’esplanade, de la Galerie des Franciscains à la médiathèque en passant par la ligne de bus Hélice, le parcours présente six artistes photographes réunis autour d’une thématique prometteuse : À l’Ouest. À découvrir : les silhouettes bretonnes de Charles Freger, les chorégraphies photographiques malouines de Maïa Flore et Albane Gellée, L’Ouest ré-inventé de Jesper Boot, les images absurdes et poétiques de Ben Zank, l’approche documentaire d’Anne Rearik. Être à l’Ouest vaut le détour.   

Cargo, les photographiques Saint-Nazaire, jusqu’au 28 septembre.


La chambre des secrets

Pharmakon / Reboot, vidéo-performance, 2025 © Violaine Lochu et Tadzio
Pharmakon / Reboot, vidéo-performance, 2025 © Violaine Lochu et Tadzio

Violaine Lochu, connue pour ses performances polyphoniques depuis 2017, a monté à La Criée un drôle de rituel. Trois performeuses (dont elle-même) vocalisent comme des oiseaux, des bébés ou des divas. Au centre : une chambre fermée de capes-partitions inspirées des plantes de l’ouest de la France. Sur trois écrans, les voix montent comme la marée. Derrière ce happening explosif, une question : « De quoi aimeriez-vous guérir ? » L’artiste a recueilli 43 réponses de personnes en souffrance. Transposés en dessins ou chuchotés comme des secrets, les vœux ont été rendus à la terre, en Mayenne, région d’origine de l’artiste. Sans prétendre soigner, cet art permet une communion avec le public, poursuivie chaque semaine par les médiatrices du centre d’art, qui recueillent de nouvelles réponses à la question. Une cérémonie perchée, puissante, douce et sauvage. I.M.

Violaine Lochu. Pharmakon / Reboot La Criée, Rennes, jusqu’au 7 septembre.


L'œil en mouvement

Vue de l'exposition, Musée d'arts, Nantes © Kostar
Vue de l'exposition, Musée d'arts, Nantes © Kostar

Le Musée d’arts de Nantes propose, cet été, une exposition visuellement stimulante. À travers un choix de plus de 90 œuvres, elle trace une filiation entre l’art optique des années 60-70 et les recherches d’artistes actuels de l’art vidéo, numérique et informatique.   Dès les années 1950-60, des artistes abstraits s’intéressaient aux phénomènes optiques, tentant par des jeux de lignes, de formes, de couleurs, de perturber l’œil du spectateur. Développant des approches scientifiques, ils se nourrissaient de protocoles physiologiques et mathématiques, jouant sur des systèmes d’opposition, de combinatoires et de hasards. L’art cinétique n’a jamais cessé de se renouveler, trouvant de fabuleux développements avec l’évolution des systèmes numériques. Actuellement, l’art optique explore des stratégies « génératives ». Les trames abstraites délaissent les papiers ou la toile pour se projeter sur les écrans dans des espaces toujours plus virtuels et mouvants. Dense, hypnotique, parfois déroutante, toujours passionnante, l’exposition se vit comme une formidable expérience visuelle.   

Electric-Op, De l’art optique à l’art numérique, Musée d’arts, Nantes, 4 avril au 31 août.



Grand voyageur 

Fermain Bay, Guernesey, 2016 © Grégoire Eloy, Tendance Floue
Fermain Bay, Guernesey, 2016 © Grégoire Eloy, Tendance Floue

L'exposition de Grégoire Eloy conduit les visiteurs des côtes bretonnes aux glaciers des Pyrénées. La salle d’exposition, plongée dans l’obscurité, fait ressortir les tirages noir et blanc avec force et élégance. Le résultat est presque irréel. Autotidacte, cet ancien financier est devenu photographe documentaire à 32 ans, avec une constante : une collaboration étroite avec les scientifiques. Sa série The Fault en est un exemple saisissant. Le photographe accompagne une expédition géophysique en Italie pour cartographier une faille fossilisée, vestige d'un tremblement de terre vieux de 250 millions d’années. Le livre qui rend compte de cette aventure (RVB Books, 2017) permet, grâce à des pages détachables, de reconstituer cette faille à l’échelle 1:10. Fascinant.   

Grégoire Eloi, Troisième nature, Les Champs Libres, jusqu’au 21 septembre.





Les autres expos de l'été


29

Aurore Bagarry, De la côte vers l’Ouest ; Sarah Ouhaddou, Mounir Ayache, Pulsar ; H•Alix Sanyas & Bye Bye Binary, Leader Pride 2, Passerelle, Brest, jusqu'au 20 septembre.

Les Balades photographiques de Daoulas 2025, Abbaye de Daoulas, jusqu'au 30 novembre.


35

Fleurs révoltées, Acier hacké, Naomi Maury, 40mcube, Rennes, jusqu'au 21 septembre.

Pebble Ripple Park, Vincent-Michaël Vallet, Phakt, Centre Culturel Colombier, Rennes, 4 juillet au 13 septembre.

Relique, Camille Bellot et François Pottier, les 3 Cha, Châteaugiron, du 29 juin au 21 septembre.

Jardin des arts 2025, Parc d’Ar Milin’, Châteaubourg, jusqu’au 15 septembre.


44

In Silentio, Jeanne Vicerial & Claire Marin, Le Lieu Unique, Nantes, jusqu’au 31 août.

Dunking Island, Capucine Vever, Musée d’arts, Nantes, jusqu’au 21 septembre.

Histoires de rien, tempête de tout, prix des arts visuels–Clélia Berthier, Meg Boury, Margaux Moëllic et Igor Porte, L'atelier, Nantes, du 28 juin au 31 août.


49

Laura Orlhiac, Artothèque – Le RU, Angers, jusqu'au 27 septembre.

Jean-François Dubreuil, Centre d’art contemporain Bouvet Ladubay, Saumur, jusqu'au 26 octobre.

Naturalia II, Chroniques des ruines contemporaines, Jonk, Château, Le Plessis-Macé, 7 juillet au 2 novembre.

Fragments, Justin Palermo, Musée Joseph Denais, Beaufort-en-anjou, jusqu'au 2 novembre.


56

Festival Photo La Gacilly, So British !, La Gacilly, jusqu’au 5 octobre.

Marc Didou, Éloge de la craquelure, Musée des beaux-arts, Vannes, jusqu’au 4 janvier 2026.

L’art dans les chapelles, Morbihan, du 4 juillet au 31 août.


85

L’envers du décor, Inventaire avant travaux, MASC, Les Sables d’Olonne, jusqu’au 21 septembre.

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