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Benoît Careil : “Un élu ne peut pas changer seul la politique culturelle.”


Interview / Patrick Thibault * Photos / Keno


Membre et manager du groupe Billy Ze Kick, Benoît Careil devient adjoint à la culture après la fusion des listes PS et EELV/Front de Gauche. Il affiche une volonté de rupture et de changement par rapport à ses prédécesseurs et a négocié l’organisation des États généraux de la Culture qui aboutiront à la nouvelle politique culturelle rennaise.


Quels sont vos rapports à la culture ?

J’ai un parcours professionnel et passionnel avec la musique et les arts. Dans un secteur de la musique très indépendant et populaire. Dans les années 80, j’étais objecteur de conscience au sein du service culture de l’université Rennes 2 qui était en train de se construire. Ça m’a permis de bâtir une réflexion politique sur la culture.


Quels sont les atouts de Rennes en matière culturelle ?

Ce sont les Rennais et les Rennaises avec un grand nombre d’artistes émergents ou confirmés, de techniciens et acteurs culturels expérimentés, 60.000 étudiants et des milliers d’enseignants, d’universitaires et de passionnés d’art et curieux. Il y a un potentiel entre le public et des créateurs, de rencontres et de collaborations.


Vous êtes un adjoint vert, allez-vous appliquer le programme culturel des verts ou un programme culturel commun avec les socialistes ?

Je vais mettre en place le programme commun de compromis négocié entre les deux tours. Mes valeurs restent celles de l’écologie politique, et donc une volonté de donner plus de place à la diversité culturelle, de mieux respecter les droits culturels des personnes et de favoriser la coopération et la co-construction.

“Un élu ne peut pas changer seul la politique culturelle.”

Ces états généraux de la culture en 2015, n’est-ce pas une occasion manquée de passer à l’action tout de suite ?

Un élu ne peut pas changer seul la politique culturelle. Il a besoin des acteurs culturels, des artistes et d’un mouvement de la population pour construire ensemble ce changement. Je veux que le TNB et l’Opéra s’impliquent avec les compagnies, les groupes de rock, les plasticiens et que tous ensemble, on pense l’avenir de la vie culturelle à Rennes.


Qu’est-ce qui est différent entre une politique culturelle initiée par les socialistes et une politique culturelle initiée par des écologistes ?

Nous, écologistes, pensons qu’une politique de la diversité culturelle ne peut pas être mise en application uniquement par les institutions. Les acteurs culturels, des associations, des professionnels de l’éducation populaire, des collectifs d’artistes et d’habitants sont des partenaires importants pour couvrir l’ensemble de cette diversité et répondre à la diversité de la population.


Ça ne l’était pas ?

Si, mais 65 % du budget culturel est affecté à neuf grandes institutions et le reste est réparti sur les actions culturelles.


On en vient à ces grosses structures et ces festivals dont vous avez dit qu’ils ne se renouvellent pas…

Je me pose des questions sur la pertinence de certains événements à durer 15, 20, 30 ans, sans renouvellement des équipes et du projet artistique. Le problème, c'est cette monotonie d’une année culturelle qui se renouvelle à l’identique. Pour avoir travaillé sur la place de la fête dans la société, je sais que l’ennui est le meilleur ami de l’ivresse. Les personnes ont besoin d’être surprises, dérangées et de se décaler dans un nouveau regard sur leur vie quotidienne. C’est le rôle de l’art, des invitations à la vie culturelle, et quand ça commence à ressembler à la vie quotidienne, ça ne joue plus son rôle.


Vous visez Les Trans

Les Trans ça reste un très bon festival. Un festival qui repose sur les découvertes, à l’écoute de toutes les nouveautés du moment dans un esprit de convivialité en favorisant l’accès pour tous répond à des valeurs que j’apprécie. Mais ils sont très très lents à renouveler leur équipe.


“Je me pose des questions sur la pertinence de certains événements à durer 15, 20, 30 ans, sans renouvellement des équipes et du projet artistique.”

Qu’est-ce qu’on a envie de changer quand on arrive au pouvoir ?

(silence)


Ce qui coûte cher ?

Ça n’est pas de baisser les subventions de ceux qui en reçoivent le plus. Ce dont on a envie, c’est d’augmenter les subventions de ceux qui en reçoivent peu et qu’on considère très importants dans la vie culturelle.


Il va donc y avoir une hausse du budget de la culture ?

Non. Il y aura un redéploiement des budgets de la culture.


Mais ce n’est pas possible…

On est malheureusement dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le redéploiement nécessitera de baisser les subventions à d’autres mieux lotis. Ça peut aller jusqu'au non renouvellement de conventions qui ne rentrent plus dans les priorités de la nouvelle politique culturelle. Ça ne va pas se décider dans mon bureau. La co-construction permettra de définir les priorités, les chantiers…


Ça ne va pas être simple…

Chez les écologistes on ne croit pas à la croissance, à la durabilité d’une société qui dépenserait de plus en plus. On défend une vision sobre et frugale de la société. Je suis convaincu qu’une vie culturelle avec plus de faire ensemble et de participation de chacun, là où il est, est plus riche de bien être et de vivre ensemble qu’une collectivité fière de ses institutions de référence, rayonnant au niveau national et international.


À vouloir mettre tous ces acteurs en commun, ne risque-t-on pas de tomber dans le consensus mou ?

Il y a ce risque, oui, mais le danger c’est que la création artistique s’uniformise, s’autocensure, se freine dans sa fantaisie et ses prises de risque. Le monde de l’art ne se limite pas à la politique culturelle. Il y a une logique de service public qui dépasse les stratégies privées. Je ne suis pas l’élu des artistes et acteurs culturels, je suis l’élu de tous les Rennais.


“Je crois que Rennes peut retrouver son rayonnement si on donne plus de place et si on sait mieux accompagner les artistes locaux et les porteurs de projets émergents.”

Quel vision avez-vous de la politique culturelle de Nantes et Angers ?

Nantes a longtemps cherché sa démarche propre de politique culturelle. Elle l’a trouvée en portant une politique publique à la fois populaire et exigeante dans les disciplines qu’elle porte, Royal de luxe, les Machines et les Géants… Angers, je connais mal. Quand je faisais de la musique avec BZK, on allait au Chabada et on avait l’impression d’être dans une oasis… Il y a aussi le CNDC, remarquable.


Des projets de collaborations ?

Nous n’avons plus le choix de tourner le dos à la coopération avec Angers Nantes Opéra. L’ambition d’exister au niveau national et européen en tant qu’opéra et les contraintes budgétaires nous y obligent. Vers la fusion ou une collaboration, je ne sais pas encore. Peut-être sera-t-il nécessaire de réfléchir à un rapprochement entre les deux orchestres mais ça ne dépend pas que des villes. On a déjà avancé sur l’enseignement supérieur.


Si j’ai bien compris, vous êtes de ceux qui pensent que Rennes avait une meilleure vitalité dans les années 80 ?

Le rayonnement des acteurs rennais dans les années 80, autour des musiques actuelles mais pas que, n’était pas dû aux institutions mais à la vitalité et à la créativité des acteurs. Je crois que Rennes peut retrouver son rayonnement si on donne plus de place et si on sait mieux accompagner les artistes locaux et les porteurs de projets émergents. Mais il y a 20 ans que les partenaires de la Ville ne sont plus renouvelés et je pense qu’on ne permet pas à cette créativité de s’épanouir.


Où va-t-on vous croiser cette saison ?

Au festival I’m from Rennes, à l’Opéra, et aux Transmusicales


Rennes, le 25 août 2014


La politique culturelle de Rennes en un tweet

Moderne, rebelle et esthétique !


5 dates clés


1981

Concert des Cure à l’Espace à Rennes


1982 Son premier concert avec Les Passants, groupe new wave à l’université Rennes 2


1994 Le tube de l’été, le scandale de l’automne (Mangez-moi ! Mangez-moi !)


1998 Ouverture du jardin moderne dont il prend la direction


2008 Décès brutal de la violoniste des Oisives

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