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Carte blanche à David Rolland



Texte / David Rolland * Photos / © Frederic Iovino * Portrait / © Régis Routier Publié dans le magazine Kostar n°78 - décembre 2021-janvier 2022



Ses Happy Manif font un tabac depuis quelques années déjà. À l’occasion de sa nouvelle pièce dansée, Infirmières, Kostar donne carte blanche au chorégraphe David Rolland. L’occasion d’entrer dans son process de création.


« Très jeune, au petit déjeuner, j’ai été frappé par le réflexe maternel qui était d’ouvrir la page Obsèques du journal local. « Oh monsieur Dupond, comme je l’aimais bien, et madame Dupont, elle était si gentille… Ah, monsieur Durant, ça ne m’étonne pas, il n’allait vraiment pas bien ces temps-ci. » Ma mère était infirmière en radiothérapie, elle accueillait quotidiennement les mêmes personnes pour les soigner contre le cancer. Cependant, quand je passais dans son service, en sous-sol de l’hôpital, je retrouvais toujours une équipe composée uniquement de femmes souriantes et positives.

Avant de devenir chorégraphe, j’étais pharmacien. Dans toutes les officines dans lesquelles j’ai travaillé, il y avait toujours cette même infirmière, passant rapidement, récupérant un traitement pour un patient, ou quelque matériel médical et repartant en courant en criant « mettez ça sur mon compte ».

Cette création part donc de cette mémoire et de l’intuition du titre Les infirmières. Cette intuition a très vite été accompagnée du souhait de proposer le portrait de 4 danseuses aux qualités chorégraphiques contrastées : Élise Lerat, Valeria Giuga en alternance avec Marie-Charlotte Chevalier, Anne Reymann et Fani Sarantari.

Si je ne date pas précisément la naissance de cette idée de spectacle, qui me trotte dans la tête depuis un certain temps, je sais que c’est en 2016, lors de la construction avec le plasticien Dominique Leroy de la scénographie de Circuit (performance immersive pour un seul spectateur) que je décide que ce décor mouvant deviendra l’écrin des infirmières. Décor mouvant ? 10 grands drapés blancs se baladent avec lenteur comme par magie sur l’espace du plateau et dessinent des espaces : une série de chambres, un hall d’hôpital ou une scénographie de comédie musicale…

En 2016 également, les personnels de santé sonnent à nouveau l’alarme sur leurs conditions de travail et l’appauvrissement de la qualité des soins. Je n’ai alors que le titre du spectacle en tête et toute l’équipe me fait confiance sur cette intuition, sans en savoir beaucoup plus, je les en remercie ici… J’ai à nouveau demandé à Anne de Sterk, avec qui j’avais déjà collaboré sur deux  spectacles, si elle voulait bien apporter sa poésie sonore et son regard sur la danse proposée.

“J’ai voulu une écriture chorégraphique qui part du geste médical et s’appuie sur une liste de 16 actions mimées, propres à chaque interprète et orchestrées selon des déplacements précis.”

La production de la pièce débute en 2018, pour une première en novembre 2021. La crise sanitaire qui a frappé depuis, si elle n’a pas modifié le propos et la forme de la pièce, invite peut-être à une autre lecture.

Avec Les infirmières, je souhaitais proposer un hommage singulier fait de portraits dansés, d’histoires de gestes minutieux et de chorégraphies survoltées, le tout dans ce sublime décor en mouvement. Raconter le rapport au corps des personnels de santé : le travail d’équipe, l’univers cloisonné, les tâches répétitives, l’attention à l’autre, le rapport à la mort, l’irruption dans l’intimité du patient, l’engagement physique ou aussi une forme d’humour réconfortant.

J’ai voulu une écriture chorégraphique qui part du geste médical et s’appuie sur une liste de 16 actions mimées, propres à chaque interprète et orchestrées selon des déplacements précis. Avec les interprètes, nous avons rencontré plusieurs infirmières, loué un lit médical pour apprendre comment asseoir ou lever un patient. Une infirmière de prison nous a même appris comment immobiliser un patient en décompensation.

Dans un jeu de répétition d’une même séquence, ces gestes se déclinent selon différents exercices de style. Ces variations ont notamment pour but d’évoquer les états traversés au quotidien par les infirmières : l’épuisement, la connivence ou la solitude. Dans cette pièce, le mouvement oscille du minimalisme au loufoque, du chirurgical à l’engagement physique total, de la valse à la funk, en passant par des rituels réconfortants, des façons d’être ensemble pour se rassurer, s’échapper ou exulter.»


Infirmières, Le Carré, Château-Gontier, 11 janvier ; Stereolux dans le cadre du festival Trajectoires, 22 janvier.

Donne-moi la main (Happy Manif, Le Grand R, La Roche-sur-Yon, 9 décembre ; Festival Nijinskid, Onyx, 27 janvier ; THV, Festival Zone de Turbulences, Saint-Barthélémy d’Anjou, 4 mars.

Circuit, Onyx, Saint-Herblain, 13 mars.



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