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François Tanguy, l’humanité tout simplement



Interview / Vincent Braud et Patrick Thibault * Photos / Yann Peucat pour Kostar Publié dans le magazine Kostar n°38 - décembre 2013-janvier2014


Le spectacle aurait pu s’appeler Noces et Banquets mais c’est Passim qui est sorti de la Fonderie. Aux fourneaux, François Tanguy et le Théâtre du Radeau. Un metteur en scène dont on parle beaucoup mais qui s’exprime peu.


François Tanguy est un homme de parole. Et de paroles. Si, au soir de la première de Passim, il vous prend par l’épaule pour vous dire « à demain, 13 heures », il sera au rendez-vous. Mais il n’y vient pas seul : Charles Péguy, Paul Celan, Robert Antelme et bien d’autres compagnons de route restent à portée de main et de regard. Si le metteur en scène n’aime pas les interviews, s’il n’est jamais bavard sur son travail, il est intarissable pour évoquer ces rencontres qui ont compté pour lui et qui tissent discrètement, inconsciemment et indéfiniment son travail. Alors, l’échange peut commencer. Et le temps est comme suspendu.

« Nous ne nous sommes jamais répétés, ce n’est pas à notre âge que nous allons commencer…» François Tanguy aime reprendre ce texte de Péguy. Comme pour mieux rappeler que l’Histoire, elle, a une fâcheuse tendance à le faire. Lorsqu’il s’agit du seul sujet qui vaille à ses yeux – l’humanité – il convoque à chaque fois de nouveaux témoins. Un spectacle mis en scène par François Tanguy ne ressemble à aucun autre. Alors, inutile de parler plus précisément de Passim. Un spectacle, c’est un voyage, une traversée et des rencontres. De textes, de musiques et d’images. Entre cris et chuchotements, monologues et étranges conciliabules… Les mots glissent et se croisent à l’instar des éléments du décor, et le canapé rouge sans fond peut se transformer en un étrange castelet.


“Pourquoi déterrer tout ça ? Parce que c'est devant nous...”

Lorsqu’il parle d’Histoire, François Tanguy évoque « trois cas de figures ». « Robert Antelme qui revient des camps, passé par le stalag et le goulag, Julius Margolin qui revient du goulag… Paul Celan, lui, de retour de Tchernobitch et il parle en allemand… Il y a un sens en 1947, enfin, de l’abomination… Il refait le chemin dans la langue de ceux qui ont détruit son nom, ses parents, ses amis, il inscrit dans la langue qui a décapité ses tulipes… » S’en suivent une nouvelle citation de Celan et un silence. « Alors pourquoi déterrer tout ça ? Ben, c’est pas pourquoi, parce que c’est devant nous, face à face, face contre face. La parole peut le moindre. »

Ce sont les drames, les massacres de l’Histoire dont parle le théâtre de François Tanguy. Il rappelle ce titre de la Pravda de 1937, « abattre les chiens enragés trotskistes », revient à la Révolution puis à Napoléon avant d’évoquer Guerre et Paix de Tolstoï. « Une épopée qui traverse tout ça, courant d’air qui était une aspiration à la liberté et qui s’est retrouvé en dictature impériale. »


“C'est pas une utopie, c'est une décision...”

Remontent alors des souvenirs plus personnels à Vitry-sur-Seine. « Quand on était petit, mon père était au parti communiste, c’était comme ça. On avait des disques qu’on écoutait sur un microphone, les soldats de l’Armée Rouge tout ça, il y avait Les bateliers de la Volga, Le Chant des forêts qui était une pièce affreuse de Chostakovitch. Quand t’es enfant, tu es pétrifié d’émotion… Tout ce labeur, cette souffrance qui s’exprimait, pour nous, c’était poignant. » Le père, Dédé, surveillant général, la mère, Jeannette, assistante sociale, « on ne les a pas vus, enfin à peine, parce que c’était jour et nuit. » Au travail s’ajoutaient les réunions de cellules, le syndicat, le cinéma de quartier. Et, comme si cela ne suffisait pas, « ils ont fait du théâtre avec Jacques Lassalle ».




Passim

Après la création lors du festival Mettre en Scène au TNB à Rennes, Passim, la nouvelle production du Théâtre du Radeau sera représentée en décembre à la Fonderie (Le Mans), du 5 au 14. Et puisque 2014 sera l'année du Théâtre du Radeau en Pays de la Loire, le spectacle sera en tournée au Grand R (La Roche-sur-yon) du 14 au 17 janvier, au lieu unique (Nantes) du 22 au 30 janvier, avant Le Théâtre (Saint-Nazaire) en septembre et à d'autres dates qui seront annoncées prochainement.

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