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La culture tombe le masque : Emmanuel Grand



Terminus Belz avait fait sensation. Avec Sur l’autre rive, son quatrième roman policier, Emmanuel Grand revient à l’Ouest. À Saint-Nazaire et dans le pays de Retz pour des retrouvailles. Un roman d’atmosphère, aussi noir que sensible.


Texte / Emmanuel Grand * Photo © DR

La descente paresseuse d'un fleuve lent et méandreux

Sur l’autre rive est mon quatrième roman. Un polar, comme les précédents, différent des autres comme à chaque fois. Chaque roman est une aventure et chaque aventure est singulière. Elle commence comme tout voyage par le choix d’une destination. Pour Sur l’Autre rive, alors que le théâtre de mon précédent livre se situait au Congo Kinshasa, j’ai choisi la moins exotique qui soit, l’embouchure de la Loire, Saint-Nazaire et le pays de Retz, un retour au familier, à l’enfance, un retour aux sources. Si écrire est un voyage, ce roman était un voyage dans le temps.

J’ai vécu dix-huit ans en Vendée, à Challans, après quoi je suis “monté à Paris” pour mes études. Je ne suis revenu dans ma ville qu’une fois ou deux depuis lors. La dernière, c’était en 2016. Invité par des lycéens à parler de mon premier livre Terminus Belz, j’ai eu l’occasion d’y passer plusieurs heures, le temps de déambuler dans la ville, observer les bâtiments, prendre une bière dans un café. Je me souviens d’une sensation diffuse et voluptueuse faite d’une extrême familiarité avec tout ce qui m’entourait, les rues, les immeubles, les perspectives que je connaissais par cœur, des détails que personne ne remarque parce qu’ils sont imperceptibles et probablement sans intérêt sauf pour moi. Mais cette familiarité était doublée d’un indéniable sentiment d’étrangeté car cette ville qui était la mienne et où j’avais tant de souvenirs appartenait désormais à d’autres gens, d’autres destins. Elle m’avait tourné le dos pour accueillir d’autres histoires. C’était une expérience très particulière que j’ai eu envie de raconter.

Ce retour au pays est devenu un des thèmes du roman. Julia, la sœur de Franck, revient à Trignac dans sa famille qu’elle a quittée douze ans auparavant. Ainsi pendant deux ans, je me suis promené dans ce pays de Retz, au gré des tribulations de mes personnages, des fêtes, des virées sur la côte, des balades sur les plages, des piqueniques et des matchs de foot. En mars 2020, j’avais déjà terminé les deux tiers du texte et la suite de l’année a été plutôt sereine pour moi. Écrire est un travail monacal, une vie de reclus. J’étais assigné à ma table de travail. Par le fait du confinement, j’avais plus de temps à consacrer à mon livre, moins de distractions, moins d’échappatoires. Assigné sept jours sur sept au voyage romanesque que je m’étais choisi. Quel sort plus enviable pour un romancier ? J’ai terminé le texte l’été dernier. C’était un été magnifique. J’aime écrire en été, quand l’air est doux, les journées interminables. Le temps s’allonge et le voyage littéraire prend la forme d’une déambulation, d’une promenade sans horaire, de la descente paresseuse d’un fleuve lent et méandreux. Dans mon précédent roman, c’était le fleuve Congo, dans Sur l’autre rive, c’est la Loire.


Sur l’autre rive, Emmanuel Grand, Albin Michel.



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