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La culture tombe le masque : Louis Barreau



Le Sacre du Printemps de Stravinsky chorégraphié par Louis Barreau, c’était en janvier pour le Festival Trajectoires. Une représentation en apesanteur au Quatrain à Haute-Goulaine, réservée aux professionnels qui ne manqueront pas de le programmer pour la saison prochaine. Vous y retrouverez cinq danseurs portés par la musique et une chorégraphie inspirée qui confirme le talent de Louis Barreau.



Texte / Louis Barreau * Photo / Le sacre du printemps © Didier Olivré/Thibault Montamat / Portrait © Patrick Garçon

Être ensemble en musique et danse

Le dialogue entre la danse et la musique est au cœur de mes projets. Je crois pouvoir dire que ce que je cherche à faire en tant que chorégraphe est de donner à voir la musique dans l’espace-temps, par l’intermédiaire du corps en mouvement. Bien sûr, il se passe et se joue bien d’autres choses lorsqu’il y a “danse”, mais c’est, jusqu’à présent, toujours d’ici que ça commence pour moi.

À l’origine de chaque pièce, il y a une œuvre musicale et sa partition, que j’aime appeler “support de base”. Ce support est écouté et analysé attentivement. En m’appuyant sur cette analyse, généralement enrichie par l’apport parallèle d’autres sources (naturelles, artistiques, littéraires…), j’imagine à la table une structure de composition (faite de principes spatiaux, relationnels, temporels…). C’est une sorte de première couche, à la fois fondatrice et sans forme ni contenu définis. La forme et le contenu apparaissent avec les danseurs·euses, qui imbibent et remplissent la virginité de la structure. La matière charnelle issue de leurs corps dansants se mélange à la structure de composition ; elles s’induisent et se transforment sans cesse l’une et l’autre. Nous cherchons et faisons des allers et retours. L’ensemble des éléments rassemblés forme une pièce.

À grands traits et schématiquement, c’est jusqu’à présent presque toujours ainsi que je chorégraphie.

Dans mon travail, le·la danseur·euse doit penser la musique comme une globalité tout en étant en mesure de la parcelliser pour intégrer ses subtilités. Il doit avoir la disponibilité nécessaire pour se relier à plusieurs instruments, à des éléments rythmiques, mélodiques ou harmoniques particuliers, à des nuances, à des silences... Il·elle doit pouvoir osciller, avec une agilité virtuose, entre des éléments purement structurels (comptes, carrures, modules…) faisant appel à une intense concentration cérébrale, et une perception sensible, une intégration physique, de ces éléments mentaux. Cela est exigeant, car il·elle doit constamment s’ajuster en associant sa pensée et son mouvement. La pensée doit devenir un mouvement et vice versa. Si le tout formé par l’esprit et le corps s’échappe, il·elle peut se retrouver perdu·e dans l’immensité parfois vertigineuse de la structure chorégraphique. J’ai une grande gratitude pour tous·tes les interprètes qui, aux côtés de la musique, me nourrissent et m'inspirent tant. Sans leur collaboration, mon travail ne pourrait pas se réaliser physiquement.

Nous sommes parvenus à composer cette pièce en abordant, patiemment, les 160 pages de la partition musicale de Stravinsky. 160 pages d’une intense musique devenue une intense danse à 5. Rester ensemble jusqu’au bout est essentiel pour moi et cela s’est renforcé face aux séparations notamment physiques, morales et sociales imposées par la situation sanitaire, séparations désastreuses à mes yeux, comme à ceux de beaucoup d’entre nous.

Depuis plus d’un an, avec quelques brèves périodes de répit, la distance nous est imposée. Distance terrible entre nous toutes et tous et, encore maintenant hélas, distance dévastatrice entre nous et nos lieux de nourriture, d’échange et de rencontre, si essentiels à notre réalisation individuelle et collective. À l’opposé de cette distance, j’ai souhaité que la communauté formée par chaque individu soit comme un seul et même tout. Un tout vibrant rendu possible par la force sensible de chacun·e.

Quand nous pourrons rétablir le contact réel dans les salles de spectacle (et les autres espaces collectifs), la communauté du SACRE refera ensemble l’expérience vivante de la puissance de la musique et de la relation. Cette expérience vivante sera partagée avec le spectateur, en même temps que des millions d’autres expériences vivantes, proposées partout par nos camarades artistes. Toutes ces expériences se réaliseront ici et maintenant, dans ce présent d’espace et de temps où nous sommes ensemble, et qui bat, pulsé par les résonances du passé et le potentiel encore silencieux du futur. Ici et maintenant, le lumineux présent d’espace et de temps où nous sommes ensemble, et c’est essentiel, absolument essentiel. 


compagniedanselouisbarreau.fr En salles, fin 2021 et 2022



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