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Maelstrom, un héros très discret



Interview / Arnaud Bénureau * Photo / Ahosera Publié dans le magazine Kostar n°37 - octobre-novembre 2013



Et si la prochaine déferlante électro prenait sa source à Nantes ? En produisant Louisahhh !!!, projet signé sur le label de Brodinski, le jeune homme de 33 ans, dont déjà presque vingt passés en studio ou derrière ses platines, risque d’affoler les clubs du monde entier. Rencontre avec l’un des acteurs de la nouvelle révolution électronique.



Normalement, nous n’aurions pas dû commencer ainsi. Mais, en plein cœur de l’été, le magazine Mixmag a publié un article…

Sur la nouvelle scène française.


Oui, comme quoi avec Brodinski, Gesaffelstein ou encore les gars de Sound Pellegrino, vous participez à la nouvelle révolution électro…

C’est un truc de journalistes.


Cela vous fait-il quand même plaisir ?

C’est évident. Dans la mesure où, malgré le relatif succès de cette bande, la presse n’a pas toujours suivi.


Si l’on excepte peut-être les labels Bromance et Sound Pellegrino…

Oui et non. Une certaine presse les suit, mais une autre partie, comme Pitchfork ou Resident Advisor, n’est pas prête à les écouter. C’est dommage, car il y a des choses qui pourraient les intéresser. L’article de Mixmag souligne bien que la musique électronique n’est pas uniquement issue de la disco ou de la house filtrée.


Cette nouvelle révolution n’est-elle pas un argument marketing ?

Beaucoup d’artistes commencent à avoir de la notoriété et de la visibilité. Et tous font des choses différentes. Ça, c’est nouveau ! Le son de la French Touch était homogène. Celui de la French Touch 2.0, c’était de la turbine. Même si certains artistes avaient un son, l’esthétique d’ensemble était cohérente.


“Je viens de la rave, des hangars, des camions…”

Vous parlez de notoriété et de visibilité. Sur une photo récente, on vous voit mixer aux côtés de Brodinski et Gesaffelstein. Vous êtes le moins connu des trois…

Brodinski et Gesaffelstein sont des amis avec lesquels je travaille régulièrement. Mais dans cette scène, j’ai une spécificité. Je viens de la rave, des hangars, des camions… Musicalement, Brodinski est né avec Internet. Gesaffelstein est dans le krautrock, la new wave, l’électro allemande et américaine. Mon parcours est complètement différent.


Justement, comment êtes-vous arrivé là ?

Ado, c’est le premier truc que j’ai écouté.


Au regard de votre âge, vous n’êtes même pas passé par la case Nirvana…

Si, parce que mes potes en écoutaient. Mais ce n’est pas ma première émotion musicale.


Par quoi passe cette émotion ?

Elle relève de l’expérience. À 14 ans, je suis dans un hangar. Il y a des lasers. C’est Laurent Garnier. C’est Acid Kirk. À Nantes, il y avait les mecs de Citron Vert qui faisaient de supers soirées. C’était tellement fort que c’est devenu évident pour moi.


Quels mots décriraient cette première expérience ?

Une forme de liberté créative et sociale dans l’acte de faire la fête. Ça fait un peu cliché, mais lorsque l’événement est bien organisé, il y a un réel sentiment de communion. Un rapport à l’autre et au monde s’installe.


Malgré tout, le passage à l’acte a-t-il été si évident ?

À l’époque, il n’y a ni Internet ni magazines spécialisés. Il faut tout apprendre par soi-même. Je me rappelle avoir acheté un sampler et avoir passé presque une semaine à comprendre comment sortir un son. Ce n’était pas aussi évident, ludique et ergonomique qu’aujourd’hui.


“Avec ma musique, ça demande un certain savoir-faire pour amener le public là où vous le souhaitez.”

Le fait d’être issu de la rave fait-il de vous quelqu’un à part ?

Ça ne fait pas de moi quelqu’un à part, mais ça donne à ma musique sa spécificité.


Une musique sombre. Est-ce facile de faire danser sur des morceaux plutôt dark ?

Avec de la house, vous allez plus facilement toucher un public non préparé. Avec ma musique, ça demande un certain savoir-faire pour amener le public là où vous le souhaitez.


Vous êtes Nantais et pourtant on ne vous voit nulle part…

Tout à fait.


Comment l’expliquez-vous ?

C’est un choix conscient. Ma vie veut ça. Je suis père de famille. Sortir reste mon activité professionnelle. Quand je suis à Nantes, je n’ai pas envie de ça. J’adore cette ville. J’adore être ici. Mais pas pour des raisons liées à mon métier.


Considérez-vous Nantes comme une ville électro ?

Non.


Que lui manque-t-elle pour le devenir ?

Au moment des free parties, de la rave, il y a eu une grosse effervescence qui s’est rapidement arrêtée. Aujourd’hui, il manque un club de 800 places avec une programmation pointue.


“Je travaille en journée et peu la nuit. De 9 heures à midi et de 13h30 à 17h30. Dit comme ça, ce n'est pas très sexy.”

Et pourtant, certains se bougent…

Oui, il y a de bonnes soirées. Mais il n’y a pas de lieu.


Le regrettez-vous ?

En montant Le Sucre à Lyon, Agoria a voulu palier à la disparition des disquaires et créer une communauté autour d’un lieu. J’ai découvert ça à Paris, au Social Club. Au-delà de tout ce que l’on peut en penser, c’est un endroit où beaucoup d’artistes sortent et où il y a un échange entre des personnes issues de scènes différentes. À Nantes, ça n’existe pas.


Du coup, votre date à Scopitone avec Louisahhh !!! est importante…

Je suis heureux et je suis content d’y jouer avec Louisahhh !!!


Vous avez déjà produit deux titres de Louisahhh !!! et un album est annoncé. À son propos, tous les compteurs s’affolent. Avez-vous la pression ?

Forcément. Ça fait plaisir de savoir que ce disque est attendu. C’est motivant et ça donne envie de travailler.


Pourquoi avoir attendu si longtemps pour mettre en place une collaboration si poussée ?

Ça ne s’était jamais vraiment présenté de cette manière-là. Elle est venue à la maison. En une semaine, on avait les deux premiers morceaux. Pour elle, c’est enrichissant. Pour moi aussi. J’ai appris à bosser les voix, à travailler avec quelqu’un d’autre.


Cette présence dans votre studio vous a-t-elle perturbée ?

Les premiers jours, c’est bizarre tant le studio est un endroit très intime.


Justement, à quoi ressemble votre quotidien ?

Je travaille en journée et peu la nuit. De 9 heures à midi et de 13h30 à 17h30. Dit comme ça, ce n’est pas très sexy, mais il faut que je sois tout le temps dans mon studio. Et ce même s’il ne se passe pas grand-chose. Je conçois que de l’extérieur, les gens puissent trouver bizarre d’être en studio toute l’année et de ne sortir que trois titres tous les six mois.


Même si, finalement, vous travaillez en journée, aimez-vous la nuit ?

J’aime ça. Mais c’est le fait qu’il y ait de la musique à ce moment-là qui me l’a fait aimer. Je l’aime aussi pour ce qu’elle rend possible comme liberté.


Maelstrom & Louisahhh !!!, le 20 septembre 2013, Stereolux, Nantes.

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