top of page
Rechercher

Marina Viotti : « Les divas, ça n'a plus lieu d'être ! »



Interview / Vincent Braud * Photos / © David Ruanoquad et Anne-Laure Lechat Publié dans le magazine Kostar n°85 - avril-mai 2023


Elle est sur la scène de la Scala, à Milan, pour les Contes d’Hoffmann. En juin, on la retrouve à l’Opéra Bastille dans le Romeo et Juliette de Gounod que met en scène Thomas Jolly. Avant ce 1er mars dernier et les Victoires de la musique, Marina Viotti s’était déjà fait une jolie place sur les plus grands plateaux lyriques. Elle sera à Nantes, en clôture des Art'Scènes, et chantera dans l’auditorium d’un lycée. Rencontre avec une artiste décidément étonnante (*).


“La Victoire de la musique, talent lyrique 2023, est attribuée à… Marina Viotti !” En cette soirée du 1er mars, à quoi ou à qui pense-t-on ? Au chemin parcouru, au nom que l’on porte ?

Pour moi, c’était déjà une surprise. On m’avait tellement dit que j’avais peu de chances. Il y avait si peu de temps que j’étais arrivée sur les scènes françaises. Après, c’est la reconnaissance de mes pairs. La reconnaissance d’un parcours pas facile, un peu atypique. Ça m’a demandé beaucoup de travail. C’est aussi la reconnaissance de ceux qui m’ont aidée et continuent de m’accompagner sur ce chemin.


Première pensée ?

Je me suis dit : “Mais non ! Je n’ai pas préparé de discours…” Et puis j’ai vu défiler devant moi les gens, ma famille, mes amis… tous ceux qui ont été des piliers pour moi. Des visages et beaucoup d’émotion.


Parlons un peu de ce parcours… de ce chemin parcouru pour arriver à Paris seulement en 2022

Le Liceu a été, en 2017, ma première grande scène européenne, puis le Grand Théâtre de Genève, le Bayerische Staatsoper de Berlin, et la Scala en 2020… juste avant la pandémie. La Périchole en 2022, je la dois un peu à la chance car ça n’est pas moi qui était prévue à l’origine. J’avais chanté beaucoup d’airs mais jamais le rôle. C’était pour moi la perspective de travailler avec Laurent Pelly, Marc Minkowski et tant de copains. Et puis c’est un rôle qui est dans ma tessiture, qui correspond à ma personnalité… Un rôle parfait pour moi en ce moment. Ça restera une production qui va me marquer pour toute ma vie. Aller travailler tous les jours avec autant de joie, c’est rare.


“Chanter et jouer, c'est pour ça que je fais ce métier...”

En cette fin mars 2023, ce sont les Contes d’Hoffman à la Scala. Une reprise pour vous…

Je les ai déjà chantés mais ce qui est bien avec Offenbach, c’est qu’il y a plein de versions différentes. Et beaucoup de choses nouvelles, pour moi, dans cette version. Il n’y a aucun dialogue parlé, c’est quand même une grande différence. L’idée de base est aussi totalement différente. Vocalement, je suis dedans mais il faut se réinventer complètement. C’est ça qui est génial dans l’opéra aujourd’hui.


Il y a bien sûr votre voix mais aussi ce que la comédienne apporte à ce rôle…

Chanter et jouer, c’est pour ça que je fais ce métier. Si ça n’était pas le cas, je ferais des récitals et j’enregistrerais juste des disques. L’opéra est vraiment le lieu où on peut développer des capacités d’actrice. On nous demande de reprendre une chorégraphie de Beyoncé, de combattre à l’épée… J’ai même fait du cirque. J’en ai fait des choses ces dernières années. C’est ce qui m’enrichit et qui m’intéresse.


La question est un peu bateau mais comment passe-t-on des Contes d’Hoffmann pour la Scala à Roméo et Juliette à Paris ?

C’est toujours bien dans une carrière d’avoir des rôles de premier plan et de pouvoir alterner avec des rôles plus secondaires, plus faciles. Ça permet à la voix d’avoir des moments de repos sans être pour autant à l’arrêt. En ce moment, à la Scala, je suis quatre heures sur scène, avec cinq airs, ça n’est pas la même pression.


Quand on parle de Roméo et Juliette, et plus généralement d’opéra, on pense à Maria Callas. Vous y pensez vous même ?

Pas du tout. Maria Callas n’est pas mon modèle de vie. C’est une personnalité qu’on ne peut qu’admirer mais elle représente tout ce que je ne veux pas devenir. Ça me terrifierait d’être une icône délaissée, seule dans mon appartement avec mes chats. Je préférerais être épanouie dans ma vie. C’était une autre époque. Grâce à la Callas et à Pavarotti, l’opéra est un peu sacralisé et, en même temps, connu dans les classes populaires. Les divas, ça n’a plus lieu d’être. Il faut aller à la rencontre du public, dépoussiérer ce monde-là qui est amené à mourir. Ici à Milan, on entend encore ces comparaisons. Mais si on produit une fantastique Norma, avec une voix merveilleuse, on va vous dire “oui mais c’est pas la Callas”.


“Maria Callas n'est pas mon modèle de vie...”

On l’a compris, le mausolée, ce n’est pas pour tout de suite et c’est tant mieux. Après la Scala, on vous retrouve à Nantes, ce 11 mai, dans l’auditorium d’un lycée, avec un chœur de lycéens. Ça fait partie du job ?

Ça fait partie des missions que je me donne depuis ma sortie de l’école. Il faut chanter sur des grandes scènes, d’accord, mais on a aussi un rôle d’ouverture aux autres, de passeur, un rôle de transmission. C’est aussi enrichissant et c’est ce qui va nous faire grandir. Ça permet aussi de rencontrer un public différent et ça m’intéresse vraiment.


L’an dernier, vous avez consacré un disque à Pauline Viardot. Un disque qui fait déjà référence. Cette année, c’est un tout autre répertoire que vous nous présentez.

Pas vraiment car, dans ce nouveau disque, il y a aussi un clin d’œil à Pauline Viardot. Avec mon partenaire, Gabriel Bianco (à la guitare), on présente des chansons populaires et classiques, espagnoles et françaises. Il y a du Fauré, du de Falla, du Massenet, du Brel, du Buena Vista Social Club…


Le trait d’union, ce sont des histoires d’amour…

C’est le thème universel, on y revient toujours. L’amour sous toutes ses formes : la jalousie, l’espoir, les désillusions. L’amour de la nature aussi, l’amour passionnel, maternel. On passe d’une berceuse de Fauré à une autre de de Falla, c’est dit différemment mais c’est un peu les mêmes couleurs et les mêmes émotions, d’une culture à l’autre, d’une langue à l’autre…


“Le Hellfest ? J'y ai vendu des t-shirts...”

Ça restera entre nous mais qu’elle est le rêve secret de Marina Viotti ?

J’ai plein de rêves mais mon objectif, c’est de trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Avoir du temps pour moi. Mon rêve, c’est me dire que je suis une bonne chanteuse mais que je suis heureuse dans ma vie personnelle. Je rêve aussi d’être de ceux qui auront amené un peu de changement dans l’univers de la musique classique parce qu’on en a tous besoin. Trouver de plus en plus d’œuvres improbables, faire des concerts semi-classiques, de pop et de rock, je serais très contente.


Voilà qui nous amène tout droit aux musiques que vous aimez. Vous qui avez débuté touché au heavy metal, si je vous dis Hellfest ?

Le Hellfest ? J’y suis allée 5 ans de suite. J’y ai vendu des t-shirts, j’y ai fait plein de choses… Ce serait chouette que je puisse un jour y revenir. La musique est forcément plurielle et n’a pas de frontières. C’est un peu comme le sport, ça peut réunir des gens de milieux sociaux et d’âges différents. Revenir au Hellfest avec mon programme Melankhôlia, avec des airs de Metallica et John Nolan, ce serait génial, non ?



Invitée des ArtScènes

Marina Viotti est l’invitée de la soirée de clôture des ArtScènes, lycée Nelson Mandela, à Nantes, le 11 mai. Un récital exceptionnel où elle sera accompagnée de chœurs des lycéens. Imaginé par Thierry Pillon, ce festival d’initiatives autour de la transmission propose des master-classes, des projections de films, des rencontres et des concerts.


(*) Entretien réalisé, en toute décontraction, 4 heures avant la première des Contes d’Hoffmann à la Scala.

bottom of page