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Un été dare d'art


Photo-souvenir : Daniel Buren, Au détour des routes et des chemins, 7 travaux in situ, 2022 - station n° 3, Île d'Arz Photo : Illés Sarkantyu © Daniel Buren, ADAGP, Paris


Pouce, c’est l’été. Et Kostar reprend la route et les chemins pour retrouver les meilleures expositions de l’été. Suivez-nous, on vous guide…



Comment expliquer le succès d'Hypersensible ?

L’exposition du Musée d’arts de Nantes consacrée à la sculpture hyperréaliste connaît actuellement un grand succès public et bat des records de fréquentation. Qu’en penser ? Comment l’expliquer ?

Texte / Christophe Cesbron * Photos / Vues de l'exposition © Musée d'arts de Nantes - Photo. C. Clos et Kostar

Retrouver le réel ? Né dans les années 1960 aux USA, l’hyperréalisme connaît aujourd’hui un renouveau d’intérêt autant du côté du public que de certains jeunes artistes qui en réactualisent les codes. Les expositions se succèdent (Lyon, Musée Maillol, Nantes, Ron Mueck à la Fondation Cartier à Paris). Si dans les années 60, le mouvement s’oppose à l’art abstrait et même au Pop Art, on peut penser que notre confrontation contemporaine et frénétique au numérique, aux espaces virtuels et autres flux dématérialisés, nous redonne une envie de réalisme, de corps, de chair.

Une envie d’humanité ? Plus que la peinture hyperréaliste, c’est la sculpture qui a le vent en poupe. Elle a une présence matérielle étonnante. Qu’elle soit en bronze, plâtre, résine, silicone, elle est travaillée avec tellement de finesse, dans ses détails et dans ses couleurs, qu’elle devient chair, corps. Rien à voir avec les sculptures de marbre idéalisées que l’on trouve habituellement dans les musées. Là, sa force, sa beauté, son obscénité naissent de sa présence crue, brute, sans concession, avec tous ses défauts, ses rides, veinules, poches, taches, poils… On s’en sent proche. Dans le Patio du Musée d’arts, les sculptures « plus vraies que nature », arrêtées dans des postures, des gestuelles, des attitudes parfois quotidiennes, banales, drôles ou introspectives, ont une présence incroyable, parfois dérangeante, souvent touchante. Elles nous questionnent sur notre propre réalité et notre humanité.

Réalité / Représentation ? Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? Ce personnage est-il une sculpture ou un gardien de salle, est-ce une visiteuse ou une œuvre ? Et moi, qui suis-je dans cet espace muséal ? La sculpture hyperréaliste renvoie une troublante image miroir qui parfois fait rire, parfois emplit d’empathie, parfois fait mal. Ni dieux, ni déesses, ni héros, ni héroïnes, les corps sculptés sont des corps banals, anonymes, habillés ou nus, nous faisant face, ou semblant se détourner de nous, figés. C’est aussi simple que complexe, beaucoup moins littéral que ce que l’on pourrait croire. Si l’on peut ressentir une forme de proximité avec ces corps sculptés (et souvent on a envie de les toucher), il n’en demeure pas moins vrai que ce ne sont que des sculptures, des matières inanimées, des leurres. Voilà posée la question de l’art, de son pouvoir de représentation, de sa force de fascination, de ses possibilités de perturbation, de sa capacité à révéler ou mentir.

Hypersensible, Un regard sur la sculpture hyperréaliste, Musée d’arts, Nantes, jusqu’au 3 septembre.




Les icônes meurent aussi

Retour dans les années 1960 pour cette troisième grande exposition de la collection Pinault à Rennes. Après « Debout ! » (2018) et « Au-delà de la couleur » (2021), les œuvres de l’homme d’affaires breton prennent leur quartier dans l’ancien Couvent des Jacobins.

Texte / Ilan Michel * Photos / © 11h45 Martial Raysse. De gauche à droite : Belle des nuages, 1965 / Nu jaune et calme,1963 / Bien sûr le petit bateau, 1963 / Snack, 1964 / Made in Japan, 1963 © Martial Raysse. Adagp, Paris. Pinault Collection Barbara Kruger / Untitled (I shop therefore I am), 1987 © Barbara Kruger / Pinault Collection

Avec un brin de nostalgie, cette grande fresque historique (occidentale) regroupe 80 œuvres du Pop Art et du Nouveau Réalisme, en passant par l’art conceptuel, pour saisir le fameux esprit des années 1960… Rêves d’émancipation sexuelle, lutte pour les droits civiques, conflits géopolitiques et société de consommation sont autant de thématiques dont les artistes soulignent l’ambivalence. La première salle donne le ton : Richard Avedon photographie Marilyn Monroe le regard dans le vide et Andy Warhol exposant sa blessure (quasi-christique) après les trois coups de pistolet décochés par Valerie Solanas, tandis que Richard Hamilton, pionnier du Pop Art anglais, reprend la photo de Mick Jagger menotté pour détention de drogue et tentant d’échapper à l’appareil d’un paparazzi (Release, de la série Swingeing London 67). Dans la galerie suivante, « Made in France », baignée par la lumière du cloître, les portraits de femmes au maquillage tape-à-l’œil signés Martial Raysse, accrochés comme dans des rayons de supermarchés, ramènent la figure humaine au statut de signe pop, glamour et décoratif. « Les Prisunic sont les nouveaux musées de l'art moderne », aurait dit l’artiste né sur la Côte d’Azur. Si tout est produit en série, les plastiques, les nus féminins, pourquoi pas l’art ? C’est la position qu’adopte Elaine Sturtevant qui reproduit avec malice les sérigraphies de fleurs et les Marilyn de Warhol… Copies de copies, remakes ou usurpations ? Si l’exposition tire jusqu’aux années 1980, c’est pour rendre hommage aux héritiers et aux héritières de l’esthétique du Pop qui reprennent les armes de la publicité pour mieux la détourner : une grande salle est dédiée au couple d’artistes britanniques Gilbert & George qui mettent en scène les conséquences d’une soirée bien arrosée ou l’iconographie religieuse des vitraux d’églises, tandis que Barbara Kruger ajoute cette injonction en Futura sur fond rouge : I Shop Therefore I Am [J’achète donc je suis]. Fin du rêve américain ? Pour retrouver l’insouciance du Swinging London, il reste la BO commandée pour l’occasion à Étienne Daho.

Forever Sixties, œuvres de la collection Pinault, du 10 juin au 10 septembre, Couvent des Jacobins, Rennes.



Prière de toucher

À l’heure où notre relation au monde est filtrée par les écrans, revenir aux sens est devenu un acte salutaire. Si la pandémie a joué le rôle d’électrochoc, rares sont les musées qui ont pris cette question à bras-le-corps. Les Beaux-Arts d’Angers, le Musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine et l’artothèque d’Angers s’y attèlent sans jouer la carte du participatif.

Texte / Ilan Michel * Photo / Bruit Bleu - Cécile Le Talec © David Riou

Le parcours des Beaux-Arts mêle trompe-l’œil, sculptures praticables, mode et design… C’est l’expérience sensible du matériau qui prime ici, au risque d’évacuer la portée politique de certaines pièces. Dès l’entrée, un grand portique cloisonne l’espace, recouvert de sisal, fibre issue de l’agave exploitée en Tanzanie durant l’époque coloniale, alors que deux petites filles tressent le cartel matiériste qui l’accompagne (Kapwani Kiwanga). Tout proche, d’autres fibres, capillaires cette fois-ci, flirtent entre glamour et étrangeté – dont la veste-perruque du couturier Martin Margiela est le plus bel exemple. Au détour du chemin, on découvre d’élégantes tuiles d’amiante vitrifiée, signées par le Studio GGSV, rare design prospectif de l’exposition. À travers le grand brise-lame ondulé qui sépare la salle d’exposition en deux, la Robe Céline – Yves Klein semble se détacher d’une peinture thermosensible bleu nuit aux mystérieuses inscriptions. C’est l’œuvre de Cécile Le Talec qui explore les langages sifflés du monde entier dans des installations immersives. Coup de cœur du solo show présenté au Musée Jean-Lurçat : un panorama de laine tissée (recto-verso) par les ateliers d’Aubusson, dont les reliefs dorés font apparaître un spectrogramme de chants d’oiseaux… L’artothèque présente un accrochage de dessins plus sage, dont on retient la pochette cristal perforée aux « piqures auréolées de bleues » (Dominique De Beir) et les strates de bic rouge de Cécile Benoiton qui font du papier un volume rocheux traversé par une faille géologique – et si l’œil pouvait toucher ?

I’ve got a feeling, Les 5 sens dans l’art contemporain Du 26 mai 2023 au 7 janvier 2024, Musée des Beaux-Arts d’Angers

Cécile Le Talec Du 26 mai 2023 au 7 janvier 2024, Musée Jean-Lurçat de la Tapisserie contemporaine

Perceptions Du 26 mai au 17 septembre 2023, Artothèque d’Angers



Le réveil des statues

Après une édition 2022 en demi-teinte, Le Voyage à Nantes espère retrouver des couleurs cet été. En célébrant les statues de la ville et en invitant d’autres venues d’ailleurs, il semble que la ligne verte s’enrichisse et vaille le détour.

Texte / Patrick Thibault

Photos / Maen Florin Pacific. esquisse pour la fontaine de la place royale © lvan

Johan Creten, La Mouche morte. Esquisse, 2022-2023 © Creten Studio

Le Voyage à Nantes avait déjà ajouté des statues dans la ville. Avec Philippe Ramette, son Éloge du pas de côté, place du Bouffay. Mais aussi Cours Cambronne, face à la statue du général qu’on finissait par ne plus voir. Alors, cet été, on réveille les statues nantaises. Olivier Texier réalise des copies détournées pour les libérer et leur faire découvrir la ville. Parmi les invitées, l’intrigante et très grosse Mouche morte de Johan Creten au Jardin des plantes, les visages en céramique de Maen Florin, les variations de Marion Verboom place et jardin Sainte-Croix, The Humans de Olaf Breuning sur la nouvelle place du Commerce. n European Thousand-Arms de l’artiste chinois Xu Zhen (le visuel de l’affiche) ne manquera pas d’intriguer, rue d’Orléans. Ce bloc de 19  statues classiques est comme une parade pop dansante. Avant d’avoir vu le résultat, on est intrigué par Pacific, l’installation de Maen Florin dans la Fontaine Royale. L’artiste y implante une vingtaine de sculptures marines en céramique qui témoignent d’un monde en transformation. n On attend beaucoup de la participation de Hans Op de Beeck sur la scène du Théâtre Graslin. Son installation vidéo Parade présente un défilé qui intrigue et fascine. Des personnages qui marchent au ralenti, traversant l’espace au son d’une valse. Comme à son habitude, une réflexion sur le sens de la vie et de la mort. À la HAB Galerie mais aussi au Château des Ducs, l’artiste camerounais Barthélémy Toguo présente une double exposition qui ne manque pas d’interroger l’Histoire et l’actualité avec des œuvres d’une présence plastique incroyable. n Enfin dans le cloître de la maison de l’Immaculée (6, rue Malherbe), la collection de masques anciens de la Maison Peignon réalisés par Eugène Peignon entre 1864 et 1894. Ils sont incroyables, d’une beauté frappante…

Le Voyage à Nantes, 1er juillet au 3 septembre.


Flora Moscovici : “Et la couleur fut”

Invitée à la Chapelle du Genêteil pour la dernière exposition avant les travaux de transformation du lieu, Flora Moscovici investit l’espace par la couleur, proposant une immersion subtile, douce, mystérieuse, envoûtante.

Texte / Christophe Cesbron * Photo / DR


Comment procédez-vous quand vous intervenez dans un nouveau lieu ?

Mon approche est contextuelle. Je viens, je visite, je regarde, je m’imprègne, je cherche. Je veux être attentive au lieu, à son histoire, à ce que j’y ressens. Ici, je n'ai pas fait d'esquisses mais j'ai passé beaucoup de temps à faire des recherches, à lire des documents sur les peintures murales romanes. Je me suis aussi intéressée à l’autre partie de la chapelle, où l’on trouve encore les traces des couleurs des anciennes peintures murales. Beaucoup de chapelles de la région étaient couvertes de peintures polychromes et ont été badigeonnées de blanc au XIXe siècle.

Vous avez recouvert de couleurs certaines parties de la Chapelle. Comment procédez-vous ?

Je suis intervenue sur des éléments de la Chapelle qui ne font pas partie de l’architecture d’origine : le grand pan de mur en placoplâtre qui ferme l’accès au chœur, le plancher en bois (recouvrant le carrelage) et les bancs. Ces éléments disparaîtront avec la restauration. Je travaille avec de la chaux colorée. Je mène une longue recherche sur les différentes teintes que je vais utiliser pour qu’elles vibrent avec la pierre, la brique, la transparence des vitraux, la qualité de la lumière. Je souhaite que la couleur révèle le lieu. J’aime qu’elle vive avec l’espace. Au mur, j’ai peint avec un grand spalter, d’une nacelle. Au sol, j’ai utilisé un pulvérisateur agricole et de la chaux plus diluée. La chaux s’approche de la matière, de la texture calcaire des fresques, j’en aime la matité.

Votre proposition ne se dévoile pas directement. Il faut un certain temps pour l’appréhender…

Il faut que l’œil s’adapte petit à petit au lieu. L’espace n’est éclairé que par la lumière naturelle qui traverse les vitraux. La vision qu’on en a change en fonction de l’heure et de la météo. Quand on arrive, on découvre la peinture sur le grand mur qui nous fait face. C’est comme un pan flou et morcelé de couleurs, un espace qui se révèle par fragment. La vision du sol change suivant le déplacement des visiteurs. J'ai aussi peint quelques bancs en bois. J’aime l’idée que les gens s’assoient, prennent le temps, se laissent immerger par la couleur et la qualité de la lumière. 

Flora Moscovici, Passage vers le chœur, jusqu’au 27 août, Chapelle du Genêteil, Château-Gontier-sur-Mayenne.


Jeremy Deller et Alan Kane, Folk Archive, 1999-2005. Collection British Council © Jeremy Deller et Alan Kane ; Ed Hall, Banderoles, 1984-2023 © Ed Hall et Jeremy Deller. Exposition Art is Magic, une rétrospective de Jeremy Deller, du 10 juin au 17 septembre 2023, Musée des beaux-arts, La Criée centre d'art contemporain, Frac Bretagne, Rennes. Crédit photo : Aurélien Mole

So british

3 lieux pour un artiste dans le cadre d’Exporama, le temps fort rennais de l’art contemporain. Et pas n’importe quels lieux puisqu’il s’agit du Musée des beaux-arts, du Centre d’art contemporain La Criée et du Frac Bretagne. Tapis rouge déroulé à Jeremy Deller, un artiste britannique particulièrement créatif qui fait feu de tout bois. Puisqu’il est né dans les années 60, ses trois expositions rennaises font écho à celle de la Collection Pinault. On y retrouve un fort penchant pour la couleur. Deller est lié à la musique et à la performance et son œuvre a un côté pop assumé. C’est sans compter sur un humour so british qui fait des ravages, allié à un sens de la revendication. Les trois expositions n’en font qu’une : elle est foisonnante comme une sorte de caverne d’Ali-Baba. À chacun sa porte d’entrée. Le comble serait de ne pas trouver la clé. J.B.

Jeremy Deller, Musée des beaux-arts, Centre d’art contemporain La Criée, FRAC Bretagne, Rennes, jusqu’au 10 septembre.


Grandeur nature

Marée Métal 2023 © Jacques Perconte

Impressionnant et fascinant ! Pionnier de l’art informatique, Jacques Perconte utilise la compression vidéo pour créer des paysages mouvants et abstraits. L’exposition Marée Métal, qu’il présente cet été au Lieu Unique, réunit des vidéos sur six grands écrans qui permettent à chacun de rentrer dans des tableaux de paysages en mouvement. L’une d’elle a été réalisée sur l’estuaire de la Loire. On est saisi par l’art et la manière de l’artiste. Sa méthode de production n’appartient qu’à lui, dans le seul but de restituer la magie de la nature. Si c’est réussi, c’est d’abord parce que Jacques Perconte prend un temps infini pour regarder le monde avec sa caméra au point de le ressentir profondément. Les images vibrent de millions de couleurs et sa vision d’un monde en mouvement est unique. P.T.

Jacques Perconte, Marée métal, du 23 juin au 3 septembre, le lieu unique, Nantes.




Saint-Michel de Brasparts, magie bretonne

Un an après l’incendie dans les Monts d’Arrée, la réouverture du Mont Saint-Michel de Brasparts se prépare. La chapelle emblématique, entièrement rénovée, sera dotée d’un nouveau mobilier signé Ronan Bouroullec.

Texte / Fabienne Ollivier Photo / © Vincent Zeroual

Aucun doute quant à son identité, le Mont Saint-Michel de Brasparts est bien celui des Bretons. Culminant à 381  mètres à Saint-Rivoal dans le Finistère, il offre une vue panoramique sur les crêtes, les marais et les tourbières des Monts d’Arrée, et, s’il n’est pas dans les nuages, sur les horizons maritimes lointains. Dominant cette lande légendaire, là où se situeraient les Portes de l’Enfer, il fût d’abord un lieu de culte druidique voué au Soleil (des cérémonies y seraient célébrées…). Une chapelle dédiée à l’Archange Saint-Michel y est ensuite construite au XVIIe siècle, elle attire d’abord les bergers des environs et aujourd’hui les visiteurs de tout bord. Emblème de toute une région, le site dévoile toute sa magie et sa lumière à toute personne qui en fait l’ascension quel que soit le temps.

Le 18 juillet 2022, tous les yeux se rivent vers la chapelle, alors que le mont est ravagé par les flammes d’un été ultra-caniculaire. Du jamais vu en terre bretonne. La chapelle tiendra t-elle bon ? Un miracle, l’intervention des pompiers pour la sauver in extremis… L’histoire dira ce qu’elle retient mais la chapelle restera d’aplomb alors que tout autour ne sera plus que désolation. Elle a tenu mais elle a souffert. Comme il l’a fait pour Notre-Dame de Paris, le milliardaire François Pinault décide immédiatement de faire un don conséquent : 550 000 euros pour restaurer la bâtisse et l’environnement d’un lieu cher à son cœur de Breton. Le chantier commence dès l’automne pour une rénovation à l’identique et à l’ancienne. Le toit sera entièrement refait avec les plus belles des ardoises anciennes de la région. n Le designer aux origines finistériennes Ronan Bouroullec vient aussi prêter mains fortes à ce projet extraordinaire. « Ce lieu est très beau dans son dénuement. Je souhaitais conserver l’extrême simplicité de l’espace, le silence, la qualité de la lumière », confiait-il dans les colonnes de Ouest-France le 12 juin dernier. « Mon travail est de réussir à produire une atmosphère avec harmonie et justesse, avec un langage simple. » Avec le concours d’artistes-artisans locaux, il réalise le nouveau mobilier liturgique composé notamment d’un autel en pierre, d’une croix et d’un buisson de lumière. Tout juste un an après l’incendie, le site rénové sera de nouveau accessible cet été. Le 18 juillet ? Impatience !

Chapelle Saint-Michel de Brasparts, Saint-Rivoal



Jouer avec le feu

Bernard Dejonghe, Fusions / DR

« Je fabrique du vide, du vide massif », raconte Bernard Dejonghe. Le sculpteur de 81 ans a taillé le verre dans la masse, lissé les surfaces à la meuleuse. Ce travail de titan impressionne, discret, méditatif et d’une exigence rare aujourd’hui. La main est celle de l’artisan mais l’esprit est celui d’un poète qui anime la matière d’une vie propre. En ce jour de printemps, la clarté révèle les arêtes des volumes cristallins. Au rez-de-chaussée de la villa italienne, les pièces alignées 5 par 5 semblent avoir évolué de l’une à l’autre, du cercle au carré. Observées en perspective, leur cœur reste invisible jusqu’au moment où, sur la terrasse, un enfant traverse le champ et en révèle les aspérités. Lors de la dévitrification, des voiles blancs apparaissent, lignes de fracture, « mini tremblements de terre », confie l’artiste. Suspendues aux murs, les céramiques en grès ont l’apparence de dos de tortues aux éclats empruntés à l’iris. La terre richement émaillée est cuite dans un four à bois japonais – résultat incertain, improvisé, si proche du jazz. I.M.

Bernard Dejonghe, Fusions, Domaine Départemental de la Garenne Lemot, Gétigné, jusqu’au 1er octobre. Concert d’Henri Texier, dimanche 23 juillet à 17h.


Fenêtres ouvertes


Photo-souvenir: Daniel Buren, Au détour des routes et des chemins, 7 travaux in situ, 2022 - station n° 3 photo : Illés Sarkantyu © Daniel Buren, ADAGP, Paris

On dit que les habitants de l’Île d’Arz n’aiment pas tout ce tintamarre et cette médiatisation autour des interventions de Daniel Buren. C’est dire si c’est un succès et on s’y presse. Depuis “les colonnes de Buren” dans la cour du Palais Royal à Paris jusqu’aux “anneaux de Buren” sur l’île de Nantes, les interventions in situ de l’artiste sont reconnues dans le monde entier. On retrouve dans le Morbihan cette volonté de s’inscrire dans le paysage dans le but de le révéler plutôt que de se l’approprier. Avec des matériaux simples et toujours son système de bandes de la même dimension, il propose un parcours sensible sur sept points tout autour de l’île. Un voyage qui fait un trait d’union avec le parcours in situ du Domaine de Kerguehennec. Au bout du conte, à Arz comme ailleurs, Daniel Buren invite le promeneur à voir le paysage différemment ou à le voir tout simplement. C.C.

Daniel Buren, Au détour des routes et des chemins, 7 travaux in situ, Île d’Arz, jusqu’au 30 octobre 2023.


Dare d'art à Fontevraud

Fabien Mérelle, Une perre derrière soi © Fabien Mérelle

Fontevraud l’été, c’est un parcours d’art dans l’abbaye et les jardins. Un rendez-vous avec l’art contemporain. Lauréat de la résidence Plantagenêt, Fabien Mérelle a donc pour mission de faire dialoguer son œuvre avec les gisants du chœur de l’abbatiale. L’artiste, qui a pour habitude de s’inspirer de son quotidien, met ici en scène les membres de sa famille. En parallèle, on trouve huit installations originales. Des œuvres de Pierrick Naud, Sylvain Lecorre, Vincent Mauger, Nicolas Daubanes, Michaela Sanson-Braun, Vincent Olinet, Hélène Delépine ou Jean-Baptiste Janisset. n Après Monet l’an passé, le Musée d’art moderne poursuit avec Rembrandt. Autant graveur que peintre, le maître flamand est présent avec un riche ensemble d’eaux fortes. “La gravure à l’eau forte au XVIIe siècle, c’est Rembrandt”, déclarait un directeur des estampes du Rijksmuseum d’Amsterdam. L’intelligence de l’exposition, c’est de ne pas réunir les œuvres par thème mais par moyens esthétiques (clair-obscur, hachures, matières, expressions, traits, accumulations, cadrage…). J.B.

Parcours d’art dans l’abbaye et les jardins, du 17 juin au 24 septembre, Fontevraud.


Voyage, voyages

Paul Duncombe - Manicouagan / 2022 Planet Labs Inc.

Les expositions du festival Scopitone seront comme un cadeau de fin d’été. Il va falloir attendre mais le programme fait envie. Programmées cette année par Mathieu Vabre, elles traitent des explorations d’artistes et des voyages. En collaboration avec le Festival Maintenant, Scopitone produit une création de Paul Duncombe qui réunit art et science autour du cratère météoritique inondé de Manicouagan au Québec. En vis-à-vis, un projet de Sébastien Robert sur les aurores boréales. Des œuvres poétiques signées Magalie Mobetie ou David Bowen qui, grâce à un capteur dans l’océan pacifique, reproduit dans l’espace d’exposition l’intensité des vagues. Toutes ces installations posent la question de l’évolution du monde et celle des déplacements de l’homme et ses conséquences. On a un faible pour Artificial Botany, magnifique installation immersive du collectif Fuse qui utilise l’intelligence artificielle pour révéler la beauté des herbiers. P.T.

Scopitone, Stereolux, Nantes, 13 au 17 septembre.


Ligne rouge

Bas relief, Pierre-Alexandre Remy, 2012 © Pierre-Alexandre Remy

Suspendue aux poutres de l’impressionnante charpente de la Chapelle des 3Cha, la grande ligne métallique peinte en rouge de Pierre-Alexandre Remy. Elle dessine dans l’espace, au-dessus de la tête du visiteur, une circonvolution pensive et joueuse, une partition légère et fluide, une cartographie aérienne qui tourne sur elle-même. Intitulée « Bal[l]ade », la pièce multiplie les sens de lecture. Née du relevé d’une promenade autour de Chateaugiron, elle retrace la boucle d’un parcours, révélant quelque chose de l’ordre d’une impression, d’un sentiment, d’une marche, d’un chant. Elle accompagne la traversée et la pensée du visiteur, jouant, résonnant avec l’architecture, l’échelle et l’élévation du lieu. Pour cette œuvre, Pierre-Alexandre Remy a travaillé avec un groupe d’élèves de l’école de musique qui a composé une pièce musicale que l’on peut écouter le temps de rejoindre la P’tite Galerie de l’Office de tourisme où l’exposition se poursuit. C.C.

Pierre-Alexandre Remy, Bal[l]ade Les 3Cha, Chateaugiron, 8 juillet au 17 septembre.


Photo

Portrait d'hommes masqués négatif sur verre Anne Catherine

Passionnant ! Le photographe Mathieu Pernot expose son travail mais intervient ici aussi en tant que commissaire d’exposition. En fait, il mêle son travail aux collections du Musée de Bretagne. C’est une manière de raconter le métier de photographe et l’histoire de la photographie, de la fin du XIXe siècle jusque dans les années 1970. Comme à son habitude, Mathieu Pernot mène l’enquête sur les traces de la photographie de studio aujourd’hui quasiment disparue depuis l’arrivée du numérique. Il est allé voir et photographier ce qui restait des anciens studios, ce qui l’amène à en explorer les usages et fonctions. Autrefois associée aux événements importants de la vie, la photographie de studio nous amène à voir une galerie de portraits hallucinante. Le portrait d’un monde qui n’est plus mais dont les protagonistes nous regardent les yeux dans les yeux. J.B.

Mathieu Pernot, La vie en photographie, Musée de Bretagne, Rennes, jusqu’au 3 décembre


Invitation au voyage

Laura Bottereau & Marine Fiquet, Elle & L (extrait) © Adagp, Paris 2023

L’été, Nantes profite du Voyage… à Nantes pour montrer les lauréats du Prix des arts visuels. Depuis quelques années, l’exposition qui leur est consacrée est montée en gamme grâce au regard extérieur d’un.e commissaire qui apporte sa lecture. Pour 2023, c’est Septembre Tiberghien qui présente Des soleils mouillés, un titre inspiré par Baudelaire qui renvoie à son poème L’Invitation au voyage. Et c’est une exposition de lauréates qui se veut solaire et mélancolique dans un monde en mutation. Laura Bottereau & Marine Fiquet (en portrait dans le Kostar précédent, n°85) questionnent leur adolescence. Marjorie Le Berre et son collectif jouent sur l’invisible avec des éléments qui apparaissent et disparaissent au cours de l’exposition. Dans une vidéo, Léa Viretto fait le parallèle entre le carnaval et les soulèvements populaires. J.B.

Des soleils mouillés, L’Atelier, Nantes, 1er juillet au 3 septembre.


Au café de la jeunesse perdue

Jean-Luc Blanc, Orion, 2022. Huile sur toile, 81 x 65 cm. Courtesy de l'artiste et Art : Concept, Paris © ADAGP, Paris, 2023

Sans ordre apparent, cette exposition tient de la mémoire involontaire – celle qui amène Proust à se laisser envahir par le goût du thé et de la madeleine... Pour le moins éclectique, elle mêle le souvenir aux sensations : couvertures bigarrées (Anne Bourse), peintures de super-héros (Jean-Luc Blanc), phrases creuses de l’assistante vocale de Microsoft (Sylvie Fanchon), silo agricole (Gyan Panchal)… si cette énumération crée en vous des associations d’idées, alors vous êtes au bon endroit. Du tissu à la trame du récit et de la mémoire, il n’y a qu’un pas, franchi par la commissaire Anne Bonnin qui accorde une belle place aux deux livres dactylographiés de Raffaella della Olga, proches du recueil de motifs textiles. Dans la petite salle du centre d’art, les lignes d’écriture répétitive et les mailles de coton de Pierrette Bloch (artiste proche de Pierre Soulages) dessinent le temps en ritournelle. Pour rendre sensible la relation entre ces rencontres de hasard, la forme du roman serait certainement plus adaptée. I.M.

Souvenir Nouveau Le Grand Café, Saint-Nazaire, jusqu’au 10 septembre.


Le Voyage à Pont-Scorff


Nicolas Daubanes, La grotte de la Luire, 2019, Incrustation d’acier incandescent sur verre, 110x160cm, ©P.Meyer

Dans la petite commune de Pont-Scorff (dans le Morbihan), l’Atelier d’Estienne mène depuis presque 30 ans un véritable travail de sensibilisation, de médiation et de diffusion de l’art contemporain en milieu rural, à travers toute une série d’actions, d’expositions, de résidences d’artistes. Chaque année, le point fort se déroule l’été sous la forme d’une manifestation intitulée « L’art Chemin faisant », entraînant le visiteur dans différents espaces de la ville à la découverte d’un ensemble d’œuvres, d’installations contemporaines dialoguant, infiltrant les lieux et les têtes des visiteurs pour les guider vers un possible ailleurs. “Curaté” par Juliette Belleret, le parcours invite cette année neuf artistes d’horizons différents à investir le riche patrimoine historique, architectural et naturel de la ville et initier, dans le corps du visiteur, un pas de côté, un pas suspendu, propice aux questionnements, à l’étonnement, à la réflexion, à la contemplation. Les artistes : Anna Coulet, Martin Creed, Nicolas Daubanes, Manon de Boer, Mario Garcia Torres, Stéphane Guglielmet, Emma Jacolot, Eric Minh Cuong Castaing, Jean Soubirou. C.C.

L’Art Chemin faisant Pont-Scorff, du 25 juin au 17 septembre.


Être au monde


Burning horizon / Video © Ali Ibrahim Öcal

C’est une des belles surprises de l’été : l’exposition de l’artiste turc Ali Ibrahim Öcal au RU-Repaire Urbain à Angers. Qu’il s’agisse de peinture, photographie, sculpture, installation ou vidéo, l’artiste se révèle particulièrement doué pour créer des univers qui séduisent mais intriguent et pointent les injustices sociales et climatiques. On est happé par son mur de peintures bleues qui font face à l’entrée. On est impressionné par cette construction d’un paysage montagneux fait de terre et différents matériaux sur une longue table. Sa vidéo est saisissante. Il y a chez cet artiste qui expose pour la première fois en France une sensibilité qui questionne celle des visiteurs. En complément, le Château d’Angers présente quatre installations de l’artiste en hommage à son compatriote Sarkis. P.T.

Ali Ibrahim Öcal, Réalité – mise en scène – possibilité, Le RU, Repaire Urbain, Angers Shepherd’s sea urchins / Greetings to Sarkis, Château, Angers. Jusqu’au 17 septembre.

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