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Le moi dernier, par Pierrick Sorin, épisode 98

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Dernière mise à jour : il y a 2 heures


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Texte / Pierrick Sorin * Photo / Pierrick Sorin - montage / Karine Pain Publié dans le magazine Kostar n°98 - décembre 2025-janvier 2026


Paris. Place du Palais-Royal. Au-dessus de la porte d’entrée d’un imposant bâtiment, un type tient un discours à l’adresse des passants. Il est derrière une fenêtre vitrée. Il semble habité par la profondeur de ses propos. Toutefois, on ne l’entend pas. Les bruits de la rue couvrent peut-être ses paroles, ou alors… son micro ne fonctionne pas. Rapidement, il sent que personne ne s’intéresse à lui. Il cesse de parler. Il attrape une bombe de crème Chantilly, décroche son micro et transforme celui-ci en une sorte de glace italienne. L’air maussade, il lèche et pourleche la boule crémeuse de cet objet technique, ici détourné de sa fonction première. Puis, usant de sa bombe Chantilly, il trace sur la vitre des yeux, une bouche… Le micro, remis en place, tient lieu de nez. Il lèche les yeux de crème, raclant la vitre de sa langue. Soudain, sentant quelqu’un s’approcher, tel un gamin coupable de quelque bêtise, il prend la fuite. Un nouveau venu, jumeau du fuyard, prend sa place. La mine tout aussi sombre, il nettoie la vitre et place contre elle, face aux passants, le tableau le plus connu du monde : La Joconde. Il prend fièrement la pose à ses côtés. Mais aussitôt, tout comme l’œuvre adulée, il se fait canarder à coups d’œufs remplis de peinture. Tableau sous le bras, il prend la fuite sous des explosions de couleur qui transforment la vitre en une peinture abstraite. Survient alors un nouvel arrivant…  


“Élever le “potachisme” au rang des Beaux-Arts”

Ces petites scènes font partie d’une succession de quinze actions artistiques que j’ai récemment réalisées. J’étais derrière une plaque de verre, face à une caméra. Depuis quelques semaines, et pour dix mois au moins, elles sont diffusées du matin au soir, derrière une vitre, en hauteur, sur la façade de l’impressionnant bâtiment qu’occupe désormais, au cœur de la capitale et à deux pas du Louvre, la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Lors de l’installation de mon « œuvre », un ami me fit cette remarque : « Tu es sans cesse sur une frontière ténue entre plaisanterie potache inventive et art « digne de ce nom » ; « ça interroge la limite entre les deux, c’est assez troublant… » Cette remarque, que nul critique n’a jamais exprimée à mon endroit, m’a semblé très juste. Elle est sans doute à l’image de mon travail qui consiste souvent en cette tentative : élever le « potachisme » au rang des Beaux-Arts. Quoi qu’il en soit, je vous invite à faire un tour du côté de la place du Palais-Royal et à lever le nez face à l’entrée de la Fondation. La visite du lieu vaut par ailleurs le déplacement. Des centaines d’œuvres sont réparties sur 6 500 m2, au sein d’une Exposition Générale illustrant la diversité de la collection de la Fondation Cartier. Les espaces eux-mêmes, conçus par Jean Nouvel, sont assez spectaculaires. Bref, on ne s’ennuie pas !  

Exposition Générale, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, jusqu’au 23 août 2026.

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