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Une ville ailleurs : Chicago par Frédéric Bélier-Garcia



Texte / Frédéric Bélier-Garcia * Photos © JC (sauf mention) Publié dans le magazine Kostar n°32 - octobre-novembre 2012



À l’occasion de la création de La Mouette de Tchekhov, l’homme de cinéma, d’opéra et de théâtre et actuel directeur du Nouveau Théâtre d’Angers vous invite à marcher dans les pas de Michael Jordan, Les Blues Brothers et d’Al Capone. Bienvenue à Chicago !


Chicago est une ville, et le souvenir de villes. Comme la mémoire, elle est faite de persistances et d’amnésies. Chacun peut y faire son chemin selon la pensée qu’il va y chercher. Chacun y vivra son scénario personnel. Elle est de ces villes qui méritent moins un guide, que des contes.

J’ai travaillé un an à Chicago. En 1991, une autre vie. On y regardait dans les bars le ciel étincelant de Bagdad au soir de la première guerre du Golfe. J’y enseignais les philosophies de Descartes et Spinoza à l’Université d’Illinois. J’habitais dans le village ukrainien, occupé déjà alors par les Portoricains. J’ai cru participer, un an durant, à la grande aventure du monde. L’Amérique produit cet effet stupéfiant. Il suffit d’y être pour penser en être. Il y a vingt ans encore, quand vous alliez écouter du blues dans South Side, le gigantesque ghetto qui occupait alors la moitié sud de la ville, un homme en arme vous accompagnait du parking au club pour entendre le vieux Johnny Lee Hooker, Muddy Waters. Des usines en briques, issues du folklore de la prohibition, enfumaient la ville d’un parfum chocolat. Michael Jordan et les Bulls y gagnaient leur premier titre. Et Cabrini Green, un HLM le long de Chicago avenue, était un block de haine grillagé aux portes de l’Amérique blanche. Le rap, le crack, la haine raciale devaient incessamment rompre la digue. Le siècle a basculé et rien a ressemblé à ce qui devait être. À coups de “tolérance zéro”, de loi anti-tabac, de guerre à la drogue, d’épuration reaganienne et de prospérité “clintonienne”, l’Amérique a pris un autre tour, plus safe. Les années 1990 et 2000 ont, pour certains, donné raison au livre prémonitoire d’Henry Miller, Le Cauchemar climatisé, et transformé le centre-ville (downtown) de nombreuses cités américaines en grandes surfaces de la bouffe, climatisées, énucléées, fétides. Mais qui pourrait regretter la violence, la drogue, et le bon temps de la ségrégation. Pourtant, Chicago trouve son fameux patrimoine immatériel dans cette histoire industrielle, polluée et criminelle qu’une politique municipale vengeresse d’espaces verts et de mieux-disant culturel n’arrive pas encore à effacer.


“Chicago est la ville de la défunte classe ouvrière américaine et de toutes ses mythologies enfouies.”

La “Second City”, comme aiment à la baptiser dédaigneusement les New-Yorkais, a toujours pâti de son statut provincial par rapport à NYC, l’incomparable. Balayée par les vents des grands lacs, Chicago est une ville dont on vient, mais où l’on ne va pas. Elle demeure ce ventre urbain de l’Amérique, qui peut vous fasciner dans son contraste avec la facticité de la côte ouest et l’idéalité de New York. Chicago est la ville de la défunte classe ouvrière américaine et de toutes ses mythologies enfouies. Il y a le Chicago rutilant du grand incendie (“great Chicago fire”) qui fit table rase de l’ancienne métropole pour y dresser le terrain de jeu prodigieux des grands architectes européens du début de siècle (de Frank Lloyd Wright à Mies van der Rohe) qui y bâtirent les premiers gratte-ciel. Il y a le Chicago boucanant, la gloire des abattoirs, la légende du crime organisé et de ses divinités (le bar d’Al Capone, là où est tombé John Dillinger dans Lincoln Park…), celui de la venimeuse splendeur de la ségrégation qui poussa les artistes noirs de Louisiane et du Mississippi à installer la capitale du blues en ces neiges étrangères.

Il existe différentes portes littéraires, musicales, cinématographiques pour entrer dans ces villes. J’en proposerai deux. Barry Gifford, écrivain de son état – plus connu en France comme scénariste de David Lynch – a écrit un livre intitulé, Une éducation américaine (13e note éditions) qui dessine un Chicago émerveillé dans le souvenir d’un jeune garçon des années 60. Les années 70 et 80 ont vu émerger un nouveau Chicago, groggy par la crise mais réveillé par un énervement culturel qui s’auto-célèbre Les Blues Brothers. Équipe toute chicagoanne, composée de John Belushi et Dan Aykroyd, issus du théâtre d’improvisation de Chicago qui a alimenté les grandes heures de Saturday Night Life avec Bill Murray. John Landis, indigène émérite, rassemble dans cette comédie musicale Cab Calloway, Aretha Franklin, John Lee Hooker, et tout le pathos lyrico-rebelle de ce Chicago fin de siècle avant le grand clean.

Tous ces Chicago scintillent encore quand vient le soir sur Lake Shore Drive.




Chicago... go !

Il y a la mythologie d’une ville. Chicago, capitale industrielle et capitale du crime organisée. Le cinéma en a fait ses entrées. Et puis il y a une ville, riche d’un passé architectural et culturel, qui vit au rythme du XXIe siècle. Bienvenue dans la ville de la Mano Nera, d’Al Capone mais aussi de Boeing, Motorola, Hertz ou… Mc Do !


Y aller

Le plus simple est de partir de Paris où de nombreuses compagnies assurent des vols directs (American Airlines, British Airways, Iberia…). US Airways peut être une alternative mais il faudra compter avec une escale à Philadelphie ou Charlotte… Les tarifs varient selon les périodes, difficile de trouver un aller-retour en dessous de 500 €.

S'y loger

Tout dépend de la longueur du séjour. La solution peut être de louer un appartement : les prix varient (www.airbnb.com) d’une trentaine d’euros par nuit à plus de 130 pour un loft. La ville dispose d’un parc immobilier à sa taille mais plus on se rapproche du lac (à l’est de la ville), plus ils sont chers. Le Best Western (sur South Michigan) peut être un bon compromis avec des chambres (selon période) à partir de 80 €.

Circuit Kostar

Chicago n’est pas Los Angeles mais si vous tenez à jouer les Julia Roberts dans Pretty woman, allez faire un tour sur Magnificient Mile, les “Champs Élysées” de la ville. Nombre de bâtiments sont devenus emblématiques. Il faut monter au sommet de la Willis Tower (ex Sears Tower, inaugurée en 1973) : 108 étages, 442 mètres et une vue à couper le souffle.

Côté musées, on retiendra : l’Art Institute Chicago, avec des collections d’impressionnistes mais aussi d’art américain ; bien sûr le MCA (Museum of Contemporary Art), “emballé” par Cristo en 1969, qui présenta les premières expos de Frida Kahlo, Antoni Tàpies ou… Jeff Koons.

Bâtie sur les rives d’une rivière et bordant le lac Michigan, des “water taxis” permettent de visiter différents quartiers de la ville et des croisières sur le lac sont proposées. Malgré sa densité et sa verticalité, Chicago reste une ville verte : le Millenium Park qui s’étend sur une ancienne zone industrielle est lui aussi dédié à l’art contemporain et à l’architecture. On y retrouve le travail de Renzo Piano, Jay Pritzker ou Anish Kapoor.



Photos © Marc Grinsell

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