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Anne Berest, tout commence en Finistère

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  • 17 sept.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 sept.


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Texte Fabienne Ollivier * Portrait © Pascal Ito Publié dans le magazine Kostar n°97 - octobre-novembre 2025


Coup de projecteur sur la pointe bretonne dans le monde littéraire cet automne. Anne Berest part dans son Finistère à la rencontre de sa lignée paternelle, une saga sur quatre générations sur fond d’un siècle d’histoire sociale française.


Tout commence en 1909 dans la capitale de l’artichaut, à Saint-Pol-de-Léon… Eugène (l’arrière-grand-père) crée le premier syndicat agricole du Léon – La Bretonne – pour contrecarrer les décisions arbitraires des négociants de l’époque… Son fils prénommé aussi Eugène (le grand-père), étudiant à Paris dans les années 40, prendra part aux mouvements lycéens de contestation contre l’occupant, avant de revenir enseigner les lettres dans un Brest à reconstruire, il en deviendra maire puis député du Finistère… Puis Pierre (le père), engagé dans les mouvements trotskistes autour de mai 68, devenu universitaire au plateau de Saclay, mathématicien spécialiste des « bifurcations »… il sera le premier à s’établir en région parisienne.


“Ce qui me passionne, c'est d'utiliser les outils romanesques à travers les gens qui ont vraiment existé”

« Et puis après, il y a ma génération, la première où pour nous, la Bretagne, ce sont les vacances », explique l’auteure qui a passé ses étés à la plage du Dossen. « La première génération pour qui la gare Montparnasse est un point de départ. Et non plus un point d’arrivée. C’est presque une étude sociologique que je fais à travers ces quatre générations, en étudiant à chaque fois ce que ça change dans la vision des uns et des autres. Et quel rapport j’ai avec le pays de mes ancêtres, et comment il vit en moi. »  

Finistère raconte une Bretagne loin des clichés (les bols prénoms, les crêperies touristiques et les chansons paillardes n’ont pas vraiment la cote). C’est plutôt l’histoire d’une Bretagne militante autour de personnes toutes engagées à leur manière selon des contextes historiques bien documentés. Les petites histoires s’inscrivent dans la grande, à renfort d’anecdotes ou de légendes (comme celle du marieur « Bazh Valan », enfin expliquée au monde dans ce livre). Mais c’est peut-être la question de la psychogénéalogie qui fascine le plus Anne Berest. « C’est un sujet inépuisable puisqu’on a beaucoup d’ancêtres. Ce qui me passionne, c’est d’utiliser les outils romanesques à travers les gens qui ont vraiment existé, pour illustrer cette question de ce que j’appelle les transmissions invisibles, ce que nos ancêtres nous transmettent dont nous n’avons pas conscience. » Serait-elle finalement le personnage au centre de son œuvre ? « Je me prends comme une matière expérimentale puisque c’est celle que je connais le mieux. Je suis un personnage du livre, mais mon désir n’est pas de raconter ma petite vie et ce qui m’arrive, mais que chacun se retrouve en moi, ce qui n’est pas la même démarche… Ce n’est pas de l’autofiction mais plutôt ce que j’appellerais du roman vrai. »  


“Ce n'est pas de l'autofiction mais plutôt ce que j'appellerais du roman vrai.”

Anne Berest est aussi scénariste – un film qu’elle a coécrit avec Rebecca Zlotowski, Vie privée  avec Jodie Foster, sort ce mois de novembre  –, mais la définition qu’elle avoue préférer d’elle-même est celle d’écrivaine. Après Gabriële coécrit avec sa sœur Claire sur l’histoire de son arrière-grand-mère (épouse du peintre dada Francis Picabia), après La carte postale où elle enquêtait sur ses ancêtres juifs de l’Est, Anne Berest continue donc d’expérimenter ce passé familial avec ardeur. Elle avait pensé intituler ce dernier roman Penn ar Bed, avant même qu’une lectrice ne l’éclaire sur cette traduction de Finistère en breton qui signifie littéralement le « début de la terre », et non la fin. Une belle concordance d’idée certes mais qu’importe selon elle : « Finistère, c’est un mot qui évoque à tout le monde quelque chose de très fort ».  

Finistère, Anne Berest, éditions Albin Michel


Le Finistère © Fabienne Ollivier
Le Finistère © Fabienne Ollivier

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