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Gloria Friedmann, Terre humaine

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  • 19 juin
  • 4 min de lecture


Interview / Patrick Thibault * Photo / © Martin Argyroglo _ LVAN Publié dans le magazine Kostar n°96 - été 2025


Le travail de Gloria Friedmann est présent dans les collections du monde entier. Sa pratique, qui questionne les rapports entre l’homme et la nature, en fait une artiste singulière. Elle est doublement présente dans Le Voyage à Nantes 2025.


Comment définissez-vous votre pratique artistique ?  

Je me sens comme quelqu’un sur un rond-point, à un carrefour. Je regarde autour de moi. J’essaie d’en parler et d’informer sur ce que je vois et l’état du monde.


D’où vient cette passion pour la terre et les animaux ?  

Je suis allemande et nous sommes proches de la nature, comme les peuples nordiques. J’aime le vivant, j’adore les animaux, je ne pourrais pas vivre sans.


L’homme est-il vraiment un animal comme les autres ?  

L’homme peut être formidable. Il est capable de sentiments, d’empathie. C’est assez extraordinaire et, en même temps, il est capable du pire. Comme je suis humaine, je suis proche des humains mais ça m’effraie, le côté meute. 


Sculpture, peinture, installation… votre œuvre est protéiforme mais elle a toujours la couleur de la terre. D’où vient cette terre ?  

De mon potager ! C’est une matière qui est ici très présente car elle souligne mes propos avec le titre de l’expo Combien de terres faut-il à l’homme ? J’ai commencé à travailler avec la terre il y a 20 ans et j’adore emmener ma terre, quelque chose de chez moi. Le visiteur n’en sait rien mais c’est un peu l’intimité de l’artiste. C’est important pour moi.


“L'homme peut être formidable. En même temps, il est capable du pire.”

Vous êtes devenue une artiste dans l’air du temps, non ?  

Au début des années 80, on disait de moi, « elle est bien naïve ». Quand j’ai commencé à évoquer des problèmes écologiques, on me regardait de travers. Je me trouvais un peu seule. Aujourd’hui, j’hésite à parler d’écologie – je préfère le vivant – car c’est devenu un business, un espace politique assez critiquable. Disons que je rejoins une actualité que je partage avec plus de gens.


L’exposition pose au visiteur les questions que vous vous posez, mais vous vous gardez bien d’y répondre… C’est essentiel, non ?  

J’essaie de ne jamais lever le doigt et dire je sais. Je ne voudrais pas être didactique. Je ne veux pas dire je pense que je pense que je pense, mais je sens que je sens que je sens. Je veux que ça reste ouvert. Le regardeur fait le tableau et les visiteurs font eux-mêmes l’expo.


Les artistes ont souvent tendance à se répéter mais il y a chez vous cette envie de chercher encore et toujours…  

C’est la base : il faut que je m’étonne moi-même. Si je me répétais, l’étonnement serait moindre. Ma pratique est liée à ce qui se passe dans le monde. Je pars du principe qu’il vaut mieux être informé que fermer les yeux. Il faut savoir ce qui se passe. Je m’intéresse à la politique, à ce qui m’entoure, ce qui avance. C’est essentiel.


Vous réutilisez certaines pièces en les re-contextualisant, est-ce que ça veut dire que votre point de vue change ?  

Ce ne sont pas des choses finies. C’est une opportunité que je prends. Ici, à Nantes, je raconte autre chose. Le propre de l’art contemporain, c’est que la lecture change. Vous exposez un Picabia seul et ensuite avec un Manet, la lecture est autre.


Parlez-nous de votre parcours de femme artiste. 

Je me considère comme artiste. Dans l’art, la sexualité n’est pas pour moi la chose la plus importante. Je ne me suis jamais posé la question. Je n’ai jamais travaillé sur la féminité, je n’ai pas d’œuvres très féministes. Pour moi, ce qui compte, c’est l’humain et ça inclut tout le monde. Contrairement à ce qui se passe, j’aimerais qu’on arrête la guerre entre les hommes et les femmes.


“Dans l'art, la sexualité n'est pas pour moi la chose la plus importante.”

Qu’est-ce qui vous effraie le plus dans le monde d’aujourd’hui ? 

Il est difficile de répondre à cette question. Le côté politique, les guerres, c’est effrayant. On n’ose parler de rien, on se tait alors qu’on doit pouvoir se parler librement. Si je reviens au propos de l’exposition, on est en train de détruire lentement et doucement le terrain qu’on habite et dont on profite au maximum. Tous les jours, quelque chose nous tombe dessus. 


Et qu’est-ce qu’on peut faire ?  

Des gens s’occupent de ça mais ils n’ont pas le pouvoir de l’argent. Au début, les Zuckerberg, Google étaient de gentils garçons dans leurs garages, c’était presque touchant. Aujourd’hui, ils changent le monde et sont aux côtés de Trump. Ils ont des programmes pour nous qu’on ne soupçonne même pas. Je ne sais pas où on va. Où va la démocratie ? Où va l’humanité ? Vivre une vie humaine, c’est très dangereux !


Qu’est-ce qu’on peut se souhaiter ?  

On parle beaucoup d’aller vers quelque chose de meilleur. Alors, souhaitons que ce côté-là soit renforcé. Il va falloir qu’on l’aime cette terre. Et quand on aime quelqu’un, on s’en occupe bien !  


Combien de terres faut-il à l’homme?, HAB Galerie, Nantes, jusqu’au 28 septembre.

L'absurdistan, Cour de l’hôtel de Châteaubriant, Nantes, 28 juin au 31 août.

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