top of page
Rechercher

Jean-Benoit Lallemant, écran total


Texte / Antonin Druart * Photo / Adrien Duquesnel pour kostar Publié dans le magazine Kostar n°48 - décembre 2015-janvier 2016

À l’heure où la profusion d’images noie le champ visuel, ou Google se réapproprie la réalité, le travail de Jean-Benoit Lallemant fait office de bouée réflexive évitant d’affluer dans ce flou artistique sans fin.

S’il a grandi en Amazonie et part pour un tour de Chine après ses études, Lallemant le stakhanoviste est français. Né à Melun, il suit donc ses parents dès le berceau dans une coopérative agricole au Brésil. De retour en terre natale, il plonge dans la peinture à l’huile à l’âge de 13 ans, initié par un maître de l’hyperréalisme. Plus tard, c’est à la fac d’arts plastiques qu’il fera ses premières armes en tant que plasticien. Voilà pour la petite histoire. Le reste appartient peut-être déjà à la grande.

En effet, en mettant en scène les relations entre l’écran (celui de la toile, de la télévision, de l’ordinateur, celui qui obstrue, celui qui aveugle ou qui ramène à un ailleurs) et nos vies en réseaux (relationnel, informatique, marchand, terroriste), Jean-Benoit est sans doute le dernier héraut de la “peinture” historique.


“Je ne suis pas un artiste numérique, je ne vais pas réinventer la souris.”

« Je ne suis pas un artiste numérique, je ne vais pas réinventer la souris. » Ainsi, s’il détourne non sans ironie les codes et les outils du binaire (moteur de recherche, pixel, curseur, filtres), il privilégie la perception sensible ou l’analyse encyclopédique de notre temps. Quitte à se faire aider par un informaticien, comme Kevin Lafaye, avec qui il reproduit, à l’aide d’un algorithme, les 1.777.216 combinaisons possibles d’une image en noir et blanc de 4 x 6 pixels sur un rouleau de papier de 150 mètres, présenté comme un volumen antique. « Cet ouvrage théâtralise l’étendue du champ visuel […] et met en scène le caractère messianique des algorithmes. »

Autre récurrence dans son œuvre, son utilisation de la toile de lin, cet écran de l’ancien temps, surface propice à la peinture à l’huile, qui ne doit sa planéité qu’au mur sur lequel elle est accrochée. Il remet en cause cet état de fait en lui imposant du volume, la déformant chirurgicalement en écho aux frappes des drones militaires ou intensifiant sa masse en compressant son matériau brut, la paille de lin, pour en faire des briques, matrices d’un mur à venir.


bottom of page