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L’espace public comme terrain de jeu


Extension sauvage, Land Part par Laurent Pichaud © Sophie Pichaud



Qu’est ce qui différencie une œuvre présentée dans l’espace public d’une œuvre qui l’intègre dans son processus créatif ? Cet été, trois événements – Les Tombées de la Nuit, à Rennes, Le Voyage à Nantes et Extension Sauvage, à Bazouges-la-Pérouse – se penchent sur la question, qui est aussi celle de la place du spectateur et de la modification des formes de la représentation.


Depuis plusieurs années et la réorientation de son projet, le festival Les Tombées de la Nuit affiche son ambition de proposer au public un parcours dans la ville qui en modifie sa perception. Pour cela, l’événement rennais s’appuie sur ce qu’il identifie comme « les trois forces en action dans le festival : l’artiste, le spectateur et l’espace public. » Le point de friction recherché entres ces trois éléments trouve un écho pertinent dans le sous-titre adopté par Le Voyage à Nantes et Estuaire, « La ville renversée par l’art », qui dit son « intention de sublimer le parcours géographique par des interventions de créateurs dans les plis et replis de [la ville]. » La problématique d’Extension Sauvage, dont la première édition se tiendra les 30 juin et 1er juillet dans les jardins du Château de la Ballue, à proximité du Mont Saint-Michel, est un peu différente. Imaginé et porté par la chorégraphe Latifa Laâbissi, il s’attache à articuler « danse et paysage » au travers de pièces créées in situ, ou adaptées en tenant compte des spécificités de ce lieu insolite de représentation.


“Si l’on considère le paysage comme une interprétation d’un espace donné, à quels croisements d’interprétations et de points de vue peut aboutir une danse dans un paysage choisi ?”

« Si l’on considère le paysage comme une interprétation d’un espace donné, à quels croisements d’interprétations et de points de vue peut aboutir une danse dans un paysage choisi ? » Inventer une forme artistique dans un environnement donné, détourner un espace, urbain ou rural, de son usage premier, dans l’espoir, comme l’affirment Les Tombées de la Nuit, de « nous surprendre, remuer, émouvoir, rêver, rire, et tenter d’embarquer [le public] vers l’ailleurs, la marge, l’inconnu, la rareté, l’intime, l’anomalie, le risque, l’équilibre instable, la bascule des genres et des frontières… », tel est l’un des enjeux de ces trois événements, en ce point convergents.

Pour chacun d’eux, nous avons sélectionné deux œuvres à nos yeux symboliques de cette appropriation par les artistes de l’espace public dans lequel leur proposition artistique est présentée. Un échantillon non exhaustif de ce que l’art peut révéler de lieux que l’on croyait familiers, qui interroge les spectateurs sur leur perception d’une œuvre selon le contexte et la forme adoptés pour sa représentation.



Les Tombées de la Nuit

The Playground – Groupenfonction

PLaygrounds © DR

Lancée à la tombée de la nuit, dans un lieu secret, cette performance entraîne neuf visiteurs successifs qui vont peu à peu entamer, autour d’une pulsation rythmique continue, un désir de danse auquel se superpose un chant choral. Dans ces séries d’étreintes, de chants et de mouvements, la transformation est en marche, brute, non dramatique, faisant naître et s’exprimer des émotions qui vont entrer en résonance affective avec le public, pour rebâtir une étrange communauté liant spectateurs, interprètes et ville. L’espace public s’affirme ici comme un lieu de partage ; cette joyeuse avant-garde invente de nouvelles manières de concevoir des modèles relationnels autour des pratiques artistiques.


Cinematic Show – Compagnie X/TNT 

Cette « promenade cinématique » met en scène des acteurs infiltrés dans l’espace public, jouant des situations qui mettent en valeur ou transposent le réel par des intrusions ciblées que le spectateur observe à distance. Grâce à l’utilisation de jumelles, le spectateur doit poser et cadrer son regard comme l’œil d’une caméra. À la fois isolé du monde et plongé dans son détail, il construit sa propre vision et sa propre narration, bâtissant un parcours cinématique qui doit autant au mouvement des corps et des objets qu’à sa propre déambulation. À la recherche constante du décalage poétique et du contre-pied, les activistes de la Cie X/TNT revendiquent, autour de la forme classique de la déambulation, la prise en main de l’espace urbain comme véritable espace de jeu. n



Le Voyage à Nantes

Playgrounds – Commissariat Patricia Buck, programmatrice arts plastiques du lieu unique, et Rafaël Magrou, architecte, critique et commissaire indépendant

De jeunes équipes d’architectes ont été invitées à plancher sur l’aménagement décalé ou le détournement de terrains de jeux, offrant au public la possibilité de s’engager dans des compétitions ludiques selon des règles revisitées. Ainsi, la fontaine de la place Royale se mue en Mont Royal(e) et reprend les formes du mont Gerbier-de-Jonc – source de la Loire – invitant les grimpeurs à l’escalader. La structure, poétique et praticable, invite à l’ascension et à l’exploration presque spéléologique de l’installation, déplaçant l’espace urbain dans un paysage ouvert à l’imaginaire. Autre lieu, autre structure, au Parc des Chantiers, un arbre à basket devient un nouvel équipement en libre accès. Le jeu collectif est reconnaissable au premier coup d’œil : des paniers de basket montés en arborescence permettent une pratique du basket-ball avec des équipes croisées, démultipliées, aux âges différents grâce aux hauteurs variables des paniers.



Festival Extension Sauvage

à Combourg et au Château de la Ballue, à Bazouges-la-Pérouse


Le dernière semaine de juin - Grand Magasin

Création in situ. Le duo Grand Magasin propose d’arpenter les jardins du château de la Ballue pendant six jours puis, le septième, de présenter en public un compte-rendu de la promenade. Depuis 1982, Grand Magasin « prétend, en dépit et grâce à une méconnaissance quasi totale du théâtre, de la danse et de la musique, réaliser les spectacles auxquels [ils rêverait] d’assister, et à croire possible que d’autres partagent cet enthousiasme... »


Land Part - Laurent Pichaud

Créé en 2001, Land Part inaugure une démarche en extérieur du théâtre et la mise en pratique de questions : que devient, que peut un corps dansant sans l’abri du théâtre ? Que fait l’œil du spectateur en l’absence de cadre de scène ? Qu’est-ce qu’écrire avec ou pour un contexte ? 

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