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“Le moi dernier” par Pierrick Sorin, épisode 48


Keran Globe Trotters Pierrick Sorin. Miroir à effet optique - 2015 Création pour le hall d’accueil de la société Keran - Nantes Modèle femme : Arzu Dogan / Photomontage : Charlie Mars

Texte et photos / Pierrick Sorin * Photomontage / Charlie Mars Publié dans le magazine Kostar n°48 - décembre 2015-janvier 2016

Le mois dernier… J’ai passé dix jours à Pékin pour donner vie à une exposition personnelle dans une vaste galerie d'art. Xuan-Li, femme aisée et propriétaire des lieux, portait souvent de beaux habits achetés à New York ou Paris. J’ai bien mangé, là-bas. En tapotant sur son tout nouvel i-Phone, Xuan-Li commandait des oursins et des petits crabes bien frais qui nous étaient livrés dans l’heure. On fréquentait les meilleurs restaurants de la ville. Un jour, Xuan-Li m’a invité à une visite “privée” de la Cité interdite. « Very private, only for VIP », she said. Cheminant dans le jardin impérial, je lui fis part de ma surprise : « Very private ? Mais on est au moins un millier à se balader ici… !? » Elle rétorqua : « Oui, mais en temps normal, on serait 60.000 ! » En Chine, tout est à une autre échelle ! On a aussi crapahuté sur la fameuse Muraille, au pied de laquelle fleurissent de luxueuses villas contemporaines, très zen. Comme la Cité interdite, la Muraille ne respire pas l’authenticité. Impression un peu manifeste de “refait à neuf” ; mais bon, faut bien rénover…

“Etrons au fil du temps, brunissent les toilettes, maculent la faïence, à deux doigts d'ma zézette.” Carlas Flögbul, poète Norvégien méconnu aux accents drôlatiques

J’ai retrouvé ensuite ma petite vie nantaise, j’ai fait quelques emplettes, j’ai été aux toilettes… Un œil dans la cuvette : j’ai constaté qu’elle était toujours aussi “entartrée”. Assis sur la lunette, je me suis récité les vers d’un poète (Carlas Flögbul, Norvégien méconnu aux accents drôlatiques). « Étrons au fil du temps, brunissent les toilettes, macule la faïence à deux doigts d’ma zézette. » Flögbull gagne-t-il vraiment à être connu ? Le lendemain, en rangeant un placard, je suis tombé sur une bouteille d'acide chlorhydrique. Sans conviction notoire, j’en ai versé une bonne rasade dans le trou maculé. Deux heures plus tard, à ma grande stupeur, celui-ci avait retrouvé sa blancheur d’antan. Ce fut pour moi une grande joie, tant pour ce sentiment de pureté retrouvée, que pour le plaisir d’avoir découvert une bonne recette ménagère. J’ai œuvré par ailleurs à la création d’un dispositif optique pour le hall d’accueil de l’entreprise Keran – Aménagement du territoire, version respect de l’environnement. L’entreprise est fraîchement installée à Nantes, dans un vaste et beau bâtiment tout neuf. J’ai créé pour ce lieu un dispositif optique : un grand miroir face auquel on peut réajuster sa cravate tout en regardant des petits personnages “holographiques” qui trottent avec maladresse sur un vrai globe terrestre en rotation.

J’ai aussi préparé une exposition qui égayera un autre hall d'accueil, celui des Champs Libres, grand établissement culturel au cœur de Rennes.

Petit tour à Paris aussi, comme souvent, où je fus hébergé dans une suite luxueuse du côté des Champs-Élysées. Plus que les trouvailles décoratives de Stark, ce sont les toilettes qui ont encore retenu mon attention. Des toilettes de compète, affublées de gadgets. La fonction “massage” m’a quelque peu interloqué. Un petit jet puissant, aux saccades réglables, vous chatouille l’anus. Plus qu’à un dispositif sanitaire, c’est bien à un sex-toy déguisé que j’ai eu affaire. Voilà, ce fut un mois plaisant… 

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