top of page

Romain Bonnet, des touches de voyage en Asie

  • signature 1
  • 18 sept.
  • 5 min de lecture

ree

Interview / Patrick Thibault * Photos / © Kathleen Junion Publié dans le magazine Kostar n°97 - octobre-novembre 2025


Son travail a été récompensé d’une étoile au Guide Michelin. Dans son restaurant nantais Omija, Romain Bonnet décline une cuisine gastronomique créative et précise. Ses plats sont une invitation au voyage avec un souci prononcé pour l’équilibre des saveurs.


Comment est-ce que vous définissez votre cuisine ?  

C’est une cuisine française avec des touches de voyage en Asie. Le but, c’est de mettre en avant la gastronomie et les techniques traditionnelles françaises avec des twists qui viennent d’ailleurs, sans oublier la cueillette sauvage.


D’où vient cette passion pour la cuisine et quel a été votre parcours ? 

Depuis ma 3 e, je veux devenir cuisinier mais c’était mal vu. Mes parents m’ont poussé à faire des études. J’ai choisi agro-alimentaire. En licence, j’ai su que c’était la cuisine qui m’intéressait. Je me suis retrouvé chez Loïc Pérou au Manoir de la Régate. Ensuite, au Manoir de la Boulaie, chez Laurent Saudeau. Je suis passé ici – un an – du temps de La Raffinerie. J’ai postulé dans des 3 étoiles et suis arrivé chez Pierre Gagnaire, au Balzac. 


“Nous avons ici des produits de terroir exceptionnels”

Vous aviez donc quitté Nantes pour Paris… 

Et comme j’avais toujours eu envie de travailler pour la maison Troisgros, pour l’acidité, je me suis retrouvé dans l’antenne parisienne à l’Hôtel Lancaster. Mais j’ai toujours voulu ouvrir mon restaurant. Lorsque Nicolas Bourget m’a appelé pour me dire qu’il vendait La Raffinerie, je n’ai pas hésité longtemps. Surtout que nous voulions revenir à Nantes. 


Pourquoi Nantes ?  

Parce que nous avons ici des produits de terroir exceptionnels. Les maraîchers, la mer… C’est juste du bon sens de travailler avec toute cette matière. Puis, il y a 6 ans, il n’y avait pas une telle offre de restauration. Je me suis dit que je pouvais trouver ma place.


Lorsque vous reprenez La Raffinerie, vous l’appelez Omija…  

J’ai voulu un nom qui corresponde à ce que j’allais faire. Un nom, c’est comme un titre de livre qui va donner envie de venir ou interroger. Omija est une baie coréenne que j’avais découverte chez Monsieur Gagnaire. Elle réunit le salé, le sucré, l’acide, l’amer et le piquant. Elle exprime ce que je veux faire ressentir dans mes plats. 


“Rester raisonnables pour que le restaurant soit accessible”

C’était donc comme une promesse ?  

Oui. J’avais appris les bases, c’est-à-dire le sucré et le salé à mes débuts, le piquant avec Laurent Saudeau, la mer avec Pierre Gagnaire, l’acidité avec Julien Roucheteau.


Il y a 6 ans, vous n’étiez pas aussi porté sur l’Asie que maintenant… 

Quand on ouvre son restaurant, si on a une trésorerie de dingo, on peut faire tout de suite ce qu’on veut. Mais si, comme moi, on n’a pas un puits de pétrole dans son jardin, on fait évoluer l’établissement à son rythme. Quand on n’est pas connu, il est difficile d’attirer en cuisine les talents conformes à ses attentes. 


D’où vient cette passion pour le Japon et la cuisine asiatique ? 

Des mangas. Et on mange beaucoup dans les mangas ! Je suis allé au Japon avant l’ouverture de mon restaurant. J’ai aimé ce respect de l’ancien et de la tradition, en harmonie avec la modernité et la nature.




Artichaut Camus de Bretagne cuit à l'étouffé, Miso d'orge et algues sauvages du CroisicCanard de la maison Burgaud mariné au Kazu, hiyashi Chuka à la tomate




Vous avez obtenu votre étoile au Guide Michelin cette année, qu’est-ce que ça change ?  

Rien dans notre façon de faire au quotidien. Puisqu’on l’a eue, c’est sans doute qu’on était déjà au niveau. Mais les clients n’ont pas la même approche. Je le vois même avec mes collaborateurs et ma famille, c’est un rayonnement. Même les fournisseurs, ils ne nous regardent pas pareil.


L’étoile vous a permis d’augmenter les tarifs…  

Oui, un peu. Parce qu’on était « super pas cher » pour ce qu’on proposait. L’étoile permet de rééquilibrer mais on essaie de rester raisonnables pour que le restaurant soit accessible.


On est dans une période où les chefs cuisinent parfois moins de viande et moins de poisson. Vous, vous revendiquez les menus chasse…  

Oui, parce que j’estime que les gens peuvent avoir les habitudes alimentaires qu’ils veulent. Je n’ai rien contre les végétariens et végétaliens. Je m’applique autant sur les légumes que sur le reste mais je ne veux rien m’interdire. Ma cuisine part toujours d’une envie, en fonction des saisons. J’adore, par exemple, la saison des asperges, de l’artichaut aussi.


“Ma cuisine part toujours díune envie, en fonction des saisons”

À vouloir tout cuisiner, vous vous privez d’une spécificité ? 

Mais pourquoi vouloir une spécificité ? Moi, j’ai envie d’être aussi bon avec tout. Ce midi, j'ai travaillé de manière traditionnelle un filet de canard mais il a été mariné au saké, ce qui le twiste. Je l’ai accompagné d’un bol de ramen, de tomates fraîches et huile de cébette. On a un mélange de tradition française et d’Asie puisqu’il n’existe pas de jus de viande en Asie.


Comment voyez-vous votre cuisine évoluer ?  

Ça serait prétentieux de prévoir. J’ai beaucoup évolué dans ma cuisine en 6 ans, et notamment les deux dernières années. J’aimerais être encore plus précis. J’aimerais me dégager du temps pour être plus pédagogue. Le personnel qui vient, c’est pour travailler avec une personne. Il faut être exemplaire. J’aimerais déléguer plus, les accompagner et les faire grandir davantage.



Comment concevez-vous votre rapport aux producteurs et fournisseurs ?  

Là aussi, c’est une question de rapports humains. Si des producteurs ont les meilleurs produits mais ne sont pas humainement intéressants, je ne travaillerai pas avec eux. Je peux citer les légumes de la Fermette du bois olive à Bouaye. Avec eux, chaque année, on envisage de nouvelles plantations. Les légumes d’Olivier à Saint-Hilaire-de-Riez, les canards de la maison Burgaud à Challans, les pigeons de la famille Terrien à Saint-Laurent-des-Autels, la vache nantaise de Benoît Rolland…


Comment concilier cohérence et créativité dans un menu ?  

C’est d’abord de la réflexion. On garde nos menus entre un à deux mois. C’est plus zen sur la mise en place. Mais, il faut toujours être dans l’anticipation. Mes menus sont réfléchis. Il me reste un mois avec le menu actuel mais, pendant mes vacances, j’ai déjà pensé au menu d’octobre. Surtout, il faut s’interdire de reprendre un plat qui a bien marché l’année précédente. Il faut changer pour ne pas tomber dans la routine.


“Une cuisine qui nous raconte une histoire”

Qu’est-ce qui est le plus important ?  

Je recherche une cuisine qui ne soit pas forcément identitaire mais qui nous raconte une histoire. Il faut faire rêver les gens, c’est pour ça que j’aime les touches de voyage. Quand on paie 100 € pour un menu du soir, il faut faire vivre aux clients quelque chose de différent. Et ce n’est pas que dans l’assiette. On travaille beaucoup l’accord mets-vins…


Sur votre carte des vins, on note un franc soutien aux vins de Nantes…  

C’est du bon sens. Il y a plein de belles choses en Muscadet et dans les différentes appellations Loire. On essaie de faire des salons, des visites de cave. Et je propose toujours à l’équipe. Je ne veux pas que quelqu’un soit pris au dépourvu quand un client pose une question.


Qu’est-ce qui est le plus compliqué ?  

Quand j’ai commencé, je n’étais pas chef d’entreprise mais chef de cuisine. Personne ne nous explique ça. C’est compliqué de réussir à être performant en cuisine tout en gérant l’aspect comptable et les ressources humaines. Mais je suis maintenant davantage dans les relations humaines et dans l’envie de transmission pour fidéliser mes équipes.  


Omija, 54 rue Fouré, Nantes

Commentaires


bottom of page