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Victor Julien-Laferrière : cordes sensibles



Interview / Patrick Thibault * Photos / © Jean-Baptiste Millot Publié dans le magazine Kostar n°84 - février-mars 2023



Jeune violoncelliste, Victor Julien-Laferrière se passionne pour la direction d’orchestre. Il a d’ailleurs créé l’Orchestre Consuelo avec lequel il se produit à La Folle Journée. Juste avant, il sort un album réunissant deux sonates de Brahms pour le label Mirare. C’est un artiste emblématique de la jeune génération. À suivre.


Vous collectionnez les prix dont le prestigieux 1er prix du concours Reine Elisabeth à Bruxelles 2017, ça fait premier de la classe, non ?

Totalement mais c’est la raison d’être des concours. Sur les bios, on essaie d’apparaître comme les tout premiers de la classe alors qu’il y aurait matière à rédiger des contre-biographies avec tout ce qu’on a raté.


Vous êtes d’une famille de musiciens mais comment est né cette passion pour la musique ?

J’ai été stimulé et encouragé. Je rêvais de commencer la clarinette comme mes parents. Il n’y a jamais eu de rupture dans ce rapport à la musique. Je crois que j’ai toujours voulu travailler en groupe même si j’ai essayé le piano puis le violoncelle mais il n’y a pas eu d’élément déclencheur. Chaque fois que j’essayais, c’était possible.


Vous avez toujours eu envie de diriger ?

En fait oui. C’était ma première vraie passion musicale, enfant, vers 8-9-10 ans. C’était une sorte de blague, je voulais être chef d’orchestre. Je passais beaucoup de temps à écouter des répétitions de l’orchestre de l’Opéra de Paris où travaillait mon père. À 12-13-14 ans, j’ai réuni des groupes de condisciples pour créer de premiers orchestres. On jouait Mozart, Mendelssohn, Vivaldi. Je prenais le violoncelle un peu par-dessus la jambe.


Être chef d’orchestre, qu’est-ce que c’est pour vous ?

La grande problématique, c’est faire gagner du temps, de l’argent, coordonner, prendre un grand nombre de décisions pour rendre les choses possibles. Au-delà de ce rôle logistique, il y a bien sûr l’artistique. Fédérer un groupe de musiciens pas forcément destinés à devenir un collectif autour d’une vision artistique commune.


Racontez-nous l’histoire de Consuelo, votre ensemble…

On a fait nos premiers concerts en 2019. Je voulais consacrer mon temps à la direction d’orchestre, dans le répertoire symphonique que j’aime plus que tout. Ça s’appelait l’Orchestre des amis de Brahms, un nom pas terrible. On a pris le nom de Consuelo début 2021. À chaque projet, on a engrangé de l’expérience. On va avoir une chouette année 2023. On commence par Variations Classiques à Annecy, puis La Folle Journée et Les Sommets musicaux de Gstaad.


“La Folle Journée, ce bouillonnement réjouissant, c'est enivrant.”

La Folle Journée, c’est un peu chez vous maintenant ?

Je ne le dirais pas comme ça mais c’est toujours un grand plaisir d’y revenir. Cette atmosphère, la fourmilière, ce bouillonnement réjouissant, c’est enivrant. On ne trouve ça qu’à La Folle Journée ou alors dans les autres événements programmés par René Martin.


Avant le plaisir du concert de clôture diffusé sur Arte l’an passé, quels sont vos souvenirs de La Folle journée ?

Je me souviens de la toute première, en 2009, avec Les Dissonances pour un programme Bach qui mêlait musique de chambre et orchestrale. J’ai dû retourner ensuite en 2012 et 2013 avec Adam Laloum et Les Esprits qu’on venait de créer.


Que jouez-vous à La Folle Journée ?

Un programme autour du disque : les deux sérénades de Brahms, opus 11 et 16. Il les a écrites avant 30 ans et elles sont des jalons importants de sa production symphonique. Elles sont peu programmées, ce que je m’explique assez mal car ce sont deux chefs-d’œuvre. Nous avons aussi un programme Mozart avec Anne Queffélec.


“Le violoncelle, c'est presque un rapport d'égal à égal.”

En dehors de la musique, qu’est-ce qui vous inspire ?

Je suis curieux de nature et pour beaucoup de choses. Est-ce que j’exploite cette curiosité ?, c’est une autre question. Mais l’Histoire, la littérature, la politique, la nature, ça fait partie de ma vie. Le sport aussi. Je suis fan de tennis et d’athlétisme.


Comment gère-t-on son activité de soliste en dirigeant un orchestre et réciproquement ?

Pour moi, c’est une activité globale qui se décline avec plusieurs rôles. Le répertoire du violoncelliste est immense. La direction est une suite logique. Les œuvres commandent le rôle. C’est le répertoire qui m’a amené à la direction. Pouvoir réunir des musiciens pour jouer et ressentir la même passion ensemble, c’est sublime.


Vous êtes de cette jeune génération qui rend la musique classique plus actuelle. Comment fait-on pour abolir les frontières et les clichés ?

Le chemin que j’ai choisi pour affronter cette problématique, c’est la programmation de festivals. Celui que j’ai créé à Sens, Les Sensationnelles, dans l’Yonne, par exemple. Je m’applique à créer des liens avec des scolaires, un conservatoire, des ehpad, des hôpitaux…


Je me demande toujours comment on fait pour vivre avec un violoncelle ?

C’est un instrument qui pose toujours des problèmes physiques. Ça n’est pas anodin de s’y atteler. C’est une problématique au quotidien pour ne pas se faire mal à l’épaule et au dos. Mais le violoncelle a aussi l’avantage de la stabilité. C’est presque un rapport d’égal à égal. Voyager avec devient un art pour les questions de transport, de douane…


Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter en ce début d’année ?

Si vous êtes assez sympa pour me souhaiter quelque chose, je dirai de continuer la variété d’activités musicales. C’est un équilibre très instable, il est donc difficile à faire perdurer. Mais j’ai envie et besoin de cette variété de répertoires et d’expériences.


Jeudi 2 février à 19h, vendredi 3 à 16h30, dimanche 5 à 14h15. La Folle Journée de Nantes, du 1er au 5 février.





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