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20syl, artiste 2.0


Interview / Matthieu Chauveau * Photo / Mathieu le Dude Publié dans le magazine Kostar n°47 - octobre-novembre 2015

Installation pour Scopitone, carte blanche pour la région des Pays de la Loire avec Le U – Rampe Sonore, il semble difficile de passer à côté de 20syl, en cette rentrée. Avec ces deux projets, le musicien nantais (Hocus Pocus, C2C) s’éloigne des formats classiques de concerts pour s’imposer comme un artiste hybride.


Comment est née l’idée du U ?

Le skate, c’est un peu ce qui m’a amené à la musique. L’idée de la rampe m’est venue des mouvements répétitifs des skateurs, qu’on peut associer au côté répétitif des musiques électroniques. Je voulais aussi sortir la rampe de son contexte habituel, en l’emmenant dans des salles de concert et, inversement, transformer l’idée qu’on peut se faire d’une salle de concert.


Comment fonctionne cette rampe ?

C’est une rampe de skate classique, sur laquelle on projette une application musicale. Un peu comme sur une tablette, sauf que le skateur remplace le doigt. La rampe devient à la fois un tableau animé et un contrôleur sonore, une sorte de sampleur ou de synthétiseur géant.


Les nouvelles technologies, ça vous intéresse ?

Je ne suis pas un geek absolu, mais j’aime savoir ce qu’on peut tirer de la technologie d’un point de vue créatif. Le mapping (NDLR. projection vidéo sur une structure en relief) et le délire de la captation de mouvements, ce sont des choses que j’avais en tête depuis longtemps.


Le U dépasse le domaine musical… Vous considérez-vous comme un musicien, ou plus que cela ?

J’essaie d’être dans la recherche, de tester différentes choses avec les savoir-faire que je me suis construits. Je ne suis ni un vrai musicien, ni un vrai graphiste. Ceci dit, j’ai conscience que si j’ai la possibilité de toucher à tout aujourd’hui, c’est grâce à la musique. Mais ce n’est pas mon aspiration première. D’ailleurs, je ne suis un virtuose sur aucun instrument. Je suis plus à l’aise quand il s’agit de bricoler des choses, un peu comme un artisan.


“Le skate, c'est un peu ce qui m'a amené à la musique...”

Vous êtes également diplômé des Beaux-Arts…

Oui. Ça a surtout été déterminant pour le temps libre et la liberté que ça m’a donné pour travailler mes projets musicaux. J’ai pu monter mon label, On and On, sortir des disques, faire des tournées. Aux Beaux-Arts, je ne parlais jamais de tout ça. Ça me semblait loin de l’art contemporain et du design ! C’est seulement le jour de mon diplôme que j’ai tout déballé. J’ai présenté l’ensemble de mon travail : les maxis, les breakbeats, les affiches, dont j’avais signé les visuels. Les profs ont un peu halluciné. Ils se sont dits : « ok, il est déjà lancé ! »


Quelle a été votre passion première : la musique, ou les arts visuels ?

Le dessin, d’abord. Pendant longtemps, je voulais être prof de dessin. Je faisais de la musique, mais pas de manière hyper assidue. Le gros déclic, c’est quand j’ai eu mon premier sampler, et mes premiers ordinateurs. J’ai découvert un champ de possibilités qui me semblait infini et je m’y suis plongé.


Hocus Pocus, C2C, 20syl… Comment ces projets s’articulent-ils entre eux ?

Hocus Pocus, c’est né d’une passion commune pour le hip-hop. Ensuite, on s’est rendu compte que C2C nous offrait un panel musical très intéressant. On ne se donnait aucune limite : rock, bossa, jazz… C’était vraiment freestyle ! Les deux EP Motif que j’ai sortis sous mon propre nom, c’est beaucoup plus personnel. C’est le reflet de ce que je fais quand je suis tout seul dans mon studio.


C2C a connu un succès international. Vous n’avez pas eu peur que le projet prenne le dessus sur tout le reste ?

On n’a jamais peur qu’un projet fonctionne ! On le prend comme un cadeau quand ça arrive. Surtout que, contrairement à ce qui a été dit, C2C n’a jamais été un projet calculé pour être une machine commerciale. C’est un truc qu’on a fait tranquillement chez moi. D’ailleurs c’est drôle parce que, dans Kostar, vous nous avez suivis depuis le début, avec un article qui montrait comment se passait l’enregistrement de l’album…


“C2C n'a jamais été un projet calculé pour être une machine commerciale...”

Vous semblez garder la tête froide…

Ce qui nous permet de garder les pieds sur terre, c’est qu’on a connu toutes les étapes. Ça fait 15 ans qu’on a la chance de faire de la musique un métier. On a tout connu, du café-concert au Zénith, et aux plus gros festivals d’Europe. On a vu par où il fallait passer pour arriver à quelque chose d’assez important. Ça nous a fait réaliser que tout ça ne tombe pas du ciel.


Votre actu, c’est aussi L’échappée, l’installation que vous avez réalisée avec Aurélien Lafargue pour Scopitone.

Oui, j’ai composé la bande-son. Il s’agit d’une projection sur le rempart sud du Château des ducs de Bretagne, que l’on invite à franchir par une métaphore esthétique. J’ai essayé de créer une dynamique dans la musique, avec des choses très vaporeuses, contemplatives, et d’autres plus directes.


S’emparer de l’espace public, c’est aussi un élément essentiel de la culture hip-hop qui vous a façonné…

Oui, il y a un petit coté graffiti 2.0. Mais le vrai graffiti, c’est beaucoup plus engagé. Il y a une revendication, l’idée de marquer son territoire, de dire qu’on existe. Là, le propos ne va pas aussi loin. C’est beaucoup plus poétique. Ça reste un spectacle éphémère, avec de la légèreté.


À l’inverse, cette installation pourrait s’apparenter à de l’art contemporain… Vous vous verriez un jour, par exemple, travailler avec le Voyage à Nantes ?

Si ça rentre dans le cadre de mes savoir-faire, je pourrais faire des propositions un peu décalées, liées à mon parcours. La rampe s’inscrit un peu dans cette démarche. Je n’ai pas la prétention de dire que c’est une pièce d’art contemporain, mais il me semble que c’est une proposition qui pourrait être pertinente pour le public du VAN.


On est loin des concours de turntablism (NDLR. scratch sur vinyles) qui ont fait la réputation de C2C !

Oui (sourire), quoique… Des ponts se font de plus en plus : des installations autour du disque, du scratch. Le turntablism, c’est quand même une discipline de pointe qui s’adresse à une niche, au même titre que l’art contemporain. Et, souvent, ça se rapproche de l’expérimentation.


© Aurélien Lafargue

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