top of page
Rechercher

Blandine Lucas : l'amour se cultive dès le potager



Interview / Matthieu Stricot * Photos / Yann Peucat pour Kostar Publié dans le magazine Kostar n°84 - février-mars 2023



Tombée dans le chaudron de la cuisine dès le plus jeune âge, la Rennaise Blandine Lucas pratique une cuisine d'inspiration méditerranéenne, construite autour du légume sous de multiples déclinaisons. Dans son restaurant Essentiel, au bord du Canal Saint-Martin, elle souhaite insuffler à ses convives le plaisir de la découverte, à travers une gastronomie accessible.


Comment vous est venu le goût de la cuisine dans votre jeunesse rennaise ?

En tant que petite-fille de restaurateur-hôtelier, j'avais un pied dans la marmite. Toute jeune, je prenais déjà beaucoup de plaisir à découvrir la gastronomie dans de jolis établissements. Pour moi, la cuisine était donc une évidence. Pour mes parents, c'était plus difficile d'accepter que leur fille se dirige vers une voie autre que générale, dans un secteur difficile qui était à l'époque quasi-exclusivement masculin. Mais je n'ai jamais regretté ce choix.


Comment avez-vous rejoint la prestigieuse école de cuisine Ferrandi, à Paris ?

Après être passée par un IUT Techniques de Commercialisation dans lequel je ne prenais aucun plaisir, j'ai rejoint une école de cuisine post-bac avant de parvenir à intégrer l'école Ferrandi qui compte des chefs exceptionnels dont plusieurs Meilleurs ouvriers de France. Chaque promotion ne comptant qu'une dizaine d'élèves, l'école pouvait nous proposer des stages personnalisés, en prenant en compte le niveau et le caractère des chefs.


Quelle importance ont eu vos expériences chez les grands chefs ?

Pendant une dizaine d'années, je suisi partie me former auprès de plusieurs chefs étoilés (Ze kitchen galerie*, Apicius** ou Château de Bagnols*). C'est dans ce dernier que j'ai rencontré Philippe Labbé. S'en est suivie une longue collaboration dans plusieurs établissements tels que La Chèvre d’or, à Eze Village, ou le Shangri-la, à Paris. En m'attaquant à de très belles maisons étoilées dès le début, j'ai pu acquérir une grande rigueur dans l'organisation, que ce soit dans les bases de la cuisine ou la sélection de produits. Car, avant de faire de la cuisine d'assemblage, il faut savoir produire et savoir faire.


“Tous les chefs avec qui j'ai travaillé m'ont fait découvrir la saveur du légume brut et m'ont appris à l'anoblir.”

Au Bistrot Le Mathusalem, à Paris, vous êtes passée du monde des palaces à une cuisine de marché à l’ardoise. Pourquoi ce changement ?

Je désirais voir autre chose. Dans les cuisines des restaurants étoilés, nous étions de grosses brigades. Nous préparions rarement un plat entier nous-même. L'assemblage était le résultat du travail de plusieurs personnes. En bistrot, on travaille de plus gros volumes avec moins de choix, mais il faut savoir retrouver le goût et travailler le visuel, même si on met moins de détails dans l'assiette. J'y ai appris à tout faire et un jour, j'ai voulu lancer ma propre cuisine.


À Rennes, vous vous êtes donc installée dans ce loft au bord du canal Saint-Martin, que vous inspire ce lieu ?

J'avais d'abord l'idée de trouver un lieu en hyper-centre et de plain-pied. Mais quand je suis rentrée ici, en juillet 2015, je me suis tout de suite sentie chez moi. Chaque matin, j'ouvre la maison avec le même enthousiasme.


Quelles influences souhaitez-vous mettre en avant dans votre cuisine ?

Mes années passées avec Philippe Labbé à La Chèvre d'or, aux portes de l'Italie, ont développé mon appétence pour la cuisine méditerranéenne à l'huile d'olive. Tous les chefs avec qui j'ai travaillé m'ont fait découvrir la saveur du légume brut et m'ont appris à l'anoblir. Tout cela m'a orientée vers une cuisine de potager, très végétale. Chaque garniture repose sur une base de légumes, déclinée en plusieurs textures. L'objectif est de conserver les vitamines, la couleur, le peps du légume. Faire re-découvrir à ceux qui ont tendance à oublier de manger des légumes.


Avez-vous un plat signature ?

Je n'avais pas prévu d'en avoir mais, sur ma première carte, j'avais un œuf parfait (mollet et pané) avec une garniture de légumes, qui a plu au-delà de mes espérances ! À tel point que, dès que je le retire de la carte, on me le réclame. Par conséquent, ce mets est en quelque sorte devenu le plat d'Essentiel. Je le fais au moins deux ou trois fois par an – sachant que chaque carte dure un mois et demi – et je le décline, selon les saisons, avec différents légumes du potager.


Et côté dessert ?

On essaie de travailler un légume sur le menu gourmand de temps en temps. On peut faire plein de choses avec la carotte, la patate douce, ou encore avec des fruits comme l'avocat ou la tomate, souvent considérés comme des légumes. On privilégie l'atypique… La betterave avec le chocolat, c'est sublime !


“La betterave avec le chocolat, c'est sublime !”

Comment choisissez-vous vos produits et d’où viennent-ils ?

Les producteurs changent en fonction des cartes. On privilégie autant que possible le local, le circuit court et, de préférence, en livraison restaurant. Le menu du marché, établi pour la semaine, se concentre sur les légumes du potager, en autonomie.


Vos longues années d'apprentissage ont-elles orienté l'organisation avec votre équipe en cuisine et en salle ?

Mon expérience m'a surtout apporté du savoir-être, du savoir-vivre et la connaissance de ce que les clients attendent en terme de standing. Chaque mot, chaque geste est important. Il faut toujours garder la volonté de bien faire. Côté management, j'ai appris de chaque maison. Il y a des choses qu'on souhaite refaire et d'autres situations qu'on ne veut pas faire revivre chez soi. Je m'efforce de travailler avec mon équipe dans une démarche positive. Je veux voir des gens qui arrivent au travail avec le sourire car le client le ressent.


Quel moment souhaitez-vous faire vivre à vos clients ?

Je souhaite leur faire passer un moment privilégié et de découverte. Notre gamme de prix permet à notre établissement d'être le restaurant de l'année pour certains, la cantine régulière pour d'autres. Les clients s'attendent à de la qualité, que ce soit en service ou dans l'assiette. Et j'espère qu'on répond à ce qu'ils viennent chercher. Nous voulons mettre à l'aise ceux qui ont peur des restaurants gastronomiques, notamment les plus jeunes. Nous voulons montrer que le bien manger est à la portée de tout le monde.


Essentiel, 11 Rue Armand Rebillon, Rennes



Oeuf mollet, betteraves du potager, comté et pomme granny smith.
Filets de maquereaux laqués au soja, avec quinoa, chou fleur et citron confit.
Clémentine rôtie, financier au pain d'épices et sorbet mandarine.

bottom of page