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Charles et Tristan Bernabé, voyage en cuisine


Binic edited by Foscarini © Massimo Gardone

Texte / Laurence Goubet * Photos / Kristo pour Kostar Publié dans le magazine Kostar n°87 - octobre-novembre 2023


Après moins d’un an d’existence, le restaurant Les Cadets des frères Charles et Tristan Bernabé s'est vu honoré en 2023 d’une étoile au Guide Michelin. Une récompense qui vient saluer une cuisine raffinée et précise, magnifiée par un service attentionné, mais détendu. Le duo garde néanmoins la tête sur les épaules !


Quelle place occupait la cuisine dans votre enfance ?

T : On a grandi avec la cuisine de notre maman qui cuisinait beaucoup et bien. De nos grands-mères, l’une Finistérienne, l’autre Pied-noir. D’un côté, il y avait les huîtres, les langoustines, le kig a farz… de l’autre, les couscous et la paëlla.


La restauration, ça n’était pas prémédité…

T : Je n’ai pas fait d’études, je suis parti voyager. La restauration était un moyen pour me payer mes voyages. Juste après le bac, je suis allé travailler dans les brasseries parisiennes, au bar puis en salle. C’est là que j’ai appris le métier.

C : En sortant d’une école de commerce, je ne trouvais pas de travail mais j’avais un emprunt étudiant à rembourser. Avec l’aide de Tristan, j’ai trouvé un poste dans une brasserie parisienne, derrière le bar. Je passais mon temps en cuisine avec les équipes. Dès qu’une place s’est libérée, je les ai rejointes. J’avais 25 ans, j’ai réalisé que si je voulais un jour faire de la cuisine, il fallait que je m’y mette vraiment.


Quel a été ton parcours ensuite ?

C : Après plusieurs mois dans la brasserie, il fallait que je bouge dans un vrai restaurant pour améliorer mon apprentissage. J’ai rencontré Christophe Hay qui était à la tête des cuisines de trois hôtels à Paris. Il m’a embauché comme commis. C’était difficile. Quand, en 2014, il est parti pour Blois ouvrir son propre restaurant, il m’a proposé de le suivre en tant que chef de partie. L’année d’après, on obtenait la première étoile. Quand il a déménagé le restaurant, je suis devenu second de cuisine avec toujours plus de responsabilités.


“J'avais envie de cuisiner des produits de la mer. Il fallait se rapprocher de l'océan et de la Bretagne.”

Tristan, comment vous êtes-vous formé à l’œnologie ?

T : Chez Grégory Marchand au Frenchie bar à vins. Il y avait une carte des vins extraordinaire. Tous les soirs, on ouvrait 60 bouteilles. Je pouvais goûter des “petits” sauvignon de la Loire et des grosses étiquettes en Bourgogne, avec, pour chacun, une vraie démarche de sélection de vignerons respectueux des sols et de la vigne. J’ai beaucoup lu et, en 2020, on est allé passer trois mois chez une amie vigneronne. C’était hyper formateur.


À quel moment est venue l’idée d’entreprendre ensemble ?

T : Ça faisait plus de 5 ans qu’on en parlait. On a une complémentarité, un en salle, l’autre en cuisine. Je savais que si je montais un restaurant, ce serait obligatoirement avec Charles. C’est le seul chef en qui je peux avoir ultra confiance.

C : Et vice versa !


Pourquoi à Nantes ?

C : Chez Christophe Hay, je cuisinais uniquement les produits de la Loire et de la Sologne, donc uniquement des poissons de rivière. C’était génial mais je ne me retrouvais pas complètement dans ces goûts-là. J’avais envie de cuisiner des produits de la mer. Il fallait se rapprocher de l’océan et de la Bretagne. À la fin du premier confinement, on s’est acheté un camion et, pendant 3 mois, on a parcouru l’Ouest, du Mans jusqu’à la Pointe du Raz en s’arrêtant dans des petites et des grandes villes. Redon, Quimper, Nantes, où on a eu un véritable coup de cœur en découvrant Talensac, les bords de l’Erdre… On voulait une ville animée avec un réel dynamisme culinaire.


Comment avez-vous été accueillis ?

T : Hyper bien ! Tout le monde nous a ouvert les portes. Dès l’ouverture, des collègues restaurateurs nous envoyaient des clients, sans qu’on se soit même rencontré.


“Une cuisine qui soit à la fois précise, simple et généreuse.”

Comment qualifiez-vous votre restaurant ?

T : Un restaurant de frangins.

C : Dès le début, on voulait que ce soit le restaurant des deux frères. Avec une cuisine qui mette en avant un maximum de produits de l’océan et qui soit à la fois précise, simple et généreuse. Le tout dans un cadre assez détendu.


Comment composez-vous vos plats ?

C : Je ne sais pas nourrir les gens avec un ou deux plats. Je ne prends pas de plaisir à faire “entrée / plat / dessert”. J’ai besoin d’avoir un enchaînement de 7 assiettes pour essayer de raconter une histoire.


Avez-vous un plat signature ?

C : J’ai lu récemment qu'un chef disait : « Je n’ai pas de plat signature mais j’ai des produits signatures. » Je me retrouve pas mal dans cette citation. En ce moment, on a de la basse côte de vache nantaise maturée. Ça, c’est un produit signature. Tout comme un beau maquereau. Le seul plat qui est constant, c’est la brioche aux algues avec laquelle on accueille les clients.


Pour réaliser cette cuisine de produits, êtes-vous allés à la rencontre des producteurs du terroir ?

C : Pas assez encore ! Ça prend du temps. Surtout que, dès le début, on a eu une belle fréquentation. On a donc beaucoup travaillé. Je ne travaille pas encore avec les algues du Jardin de la Mer au Croisic. Ses produits sont exceptionnels mais il faut que je prenne beaucoup plus de temps pour goûter, tester et mieux découvrir le produit afin de le valoriser comme il se doit. C’est un de mes prochains objectifs.


Charles en cuisine, Tristan en salle… cela ne semble pas être complètement cloisonné pour vous ?

C : Je sors beaucoup en salle. C’est important pour moi. D’ailleurs dans le restaurant, il n’y a pas de porte entre la salle et la cuisine.

T : J’ai un gros attrait pour la cuisine. Tous les lundis, le restaurant est fermé, je suis en cuisine pour la mise en place. C’est aussi un temps où on est juste tous les deux.


“L'étoile, maintenant qu'on l'a, il faut la garder.”

Moins d’un an après votre ouverture, vous avez obtenu une étoile Michelin ! Aviez-vous en tête de la décrocher ?

C : Non, très honnêtement, ce n’était pas un objectif. J’avais déjà fait ce travail avec Christophe Hay. D’autant qu’on ne voulait pas penser le restaurant pour plaire au Michelin.


Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?

T : On a eu 3 mois de réservation en 48h. Quand, avant, on était plein 10 à 15 jours en avance.

C : L’étoile apporte du confort pour recruter mais aussi de la pression. Maintenant qu’on l’a, il faut la garder. On constate aussi que les clients ont plus d’attente. Ce qui est stimulant.


Un menu étoilé en 4 temps à moins de 40 € au déjeuner, c'est inespéré…

T : Depuis l’ouverture, on a régulièrement augmenté nos prix car on est parti d’assez bas. Mais il n’est pas question d’augmenter les prix, juste parce qu’on a une plaque rouge sur notre devanture, alors que, du jour au lendemain, notre cuisine n’a pas changé.


Quelle évolution souhaitez-vous pour Les Cadets ?

C : Notre évolution est constante. Aujourd’hui, on est encore en train de trouver nos fournisseurs, notre organisation de travail… ça prend du temps.

T : Notre but, c'est d’offrir un moment unique à nos clients. Quand un client me dit : « on a fait un beau voyage », je me dis que l’objectif est atteint. On va continuer de travailler à cela.


Les cadets, 15 rue des Hauts-Pavés, Nantes


Tomates anciennes, crémeux de poivrons, anchois marinés à la criste marine

Bar sauvage de ligne « Ikejime » confit dans un beurre noisette, carottes, coques du golfe du Morbihan et salicorne

Dessert autour de la figue, pistache et sorbet citron/estragon

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