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Héléna Noguerra, femme actuelle



interview / Arnaud Bénureau * Photo / Alexandra Fleurantin



Après une année 2012 un peu particulière, Héléna Noguerra revient pleine balle. Mais entre pop indé et cinéma popu, où se situe-t-elle vraiment sur le radar culturel ? Réponse ici, maintenant.



À quoi a ressemblé l’année qui vient de s’écouler ?

Ça a été l’année zéro.


C’est-à-dire…

C’était l’année du recommencement. D’ailleurs, j’ai fait un disque qui s’appellera Année 0.


À quoi va-t-il ressembler ?

J’ai fait à peu près 70% des paroles et de la musique. Après, il y a des restes de Federico Pellegrini, une collaboration avec les Minuscule Hey, une chanson signée Mai Lan et une musique de Katerine.


Après l’album Dillinger Girl and Baby Face Nelson, vous êtes donc restée en contact avec Federico Pellegrini ?

Oui, d’ailleurs il m’avait écrit plusieurs chansons pour ce nouvel album. Je n’en ai gardé que trois. Mais je pourrais ne chanter que du Federico. C’est un mélodiste imparable.


2013 sera également synonyme de cinéma…

Il y aura Turf, Hôtel Normandy et La Marque des anges, un thriller avec JoeyStarr et Gérard Depardieu. Je serai également à l’affiche de La Vie domestique d’Isabelle Czajka qui avait réalisé D’amour et d’eau fraîche. C’est une journée dans la vie de quatre femmes : Emmanuelle Devos, Natacha Régnier, Julie Ferrier et moi-même.


“Je ne suis devenue ni Audran ni Anna Karina. Il a donc fallu travailler. ”

Entre Turf et un film d’auteur, il y a un monde. Comment choisissez-vous vos rôles ?

Je suis un ouvrier et je dois travailler. Le mythe de l’artiste maudit, engagé et militant n’existe pas. Par exemple, j’aime Alain Chabat. C’était donc cool de pouvoir être sa femme dans Turf. Pour La Vie domestique, j’avais adoré le film précédent d’Isabelle Czajka et j’avais envie de participer à une œuvre que je trouve importante, belle et singulière. Il y a aussi des films que je ne citerai pas et auxquels j’ai participé qui sont purement alimentaires.


Ces choix alimentaires ne vous posent aucun scrupule…

Aucun.


Peut-être vous permettent-ils de faire de la musique librement ?

La musique est le seul endroit où j’ai toujours vécu sans faire de concessions. Au départ, j’étais mannequin, puis j’ai fait de la télé. Je m’en foutais que les gens puissent penser que j’étais une animatrice idiote. Ça m’a permis de continuer la musique. Ensuite, le cinéma a pris le relais. Là, j’ai eu les moyens de faire l’artiste maudite, de vendre peu de disques, de faire des tournées très peu payées et de ne pas remplir les salles. Financièrement, je fonctionne dans des systèmes qui ne prennent pas beaucoup de temps et qui me permettent de bien gagner ma vie.


Le cinéma serait-il donc un loisir ?

Pas du tout. Toute jeune, je voulais être actrice. Je pensais que j’allais marcher dans les pas d’Anna Karina, de Stéphane Audran. Ça ne s’est pas passé comme ça.


Comment l’avez-vous vécu ?

Je ne suis devenue ni Audran ni Anna Karina. Il a donc fallu travailler. J’ai un énorme respect pour le cinéma. Mais parfois, on fait des films moins importants, des films que je ne serais pas allée voir ou des films pour lesquels je ne résiste plus. À 20 ans, j’avais déjà ces propositions. Je les refusais. J’avais foi en l’avenir. Mais rien de ce que j’espérais n’est arrivé. Je me suis adaptée. Sans aigreur, sans cynisme. Je suis très heureuse de faire tout ce que je fais.


“Je ne veux pas d’une vie avec une seule expérience.”

Même On ne choisit pas sa famille de Christian Clavier ?

Ça peut sembler être une aberration. Mais j’aimais l’idée que cet homme, qui fait des choses très populaires, s’empare de l’homoparentalité pour en faire un film. Il y avait matière à parler de ce sujet d’une manière drôle et sympathique à un public peut-être réticent à cette question.


Avez-vous conscience de cultiver les extrêmes ?

Petite, je luttais déjà contre les chapelles. Mon papa est un grand intellectuel. Je le trouvais assez fermé. Il nous montrait les films de Pasolini, de Bergman. Moi, je voulais aussi voir Angélique, marquise des anges. Je suis pour l’altérité, la différence. On ne peut pas avoir un discours de gauche et penser que les bons films sont uniquement les films d’auteurs. Il y a un truc qui ne marche pas là-dedans.


Où vous situez-vous dans le paysage cinématographique ?

Les réalisateurs ne le savent même pas. Après L’Arnacœur, je ne devais jouer que des fofolles un peu punk et j’ai tourné Valparaiso pour Arte où je suis une députée verte. Quand je fais Turf, on me dit que je ne vais faire que des comédies. Et Isabelle Czajka me demande de tourner aux côtés d’Emmanuelle Devos.


Quel regard portez-vous sur les actrices qui passent à la chanson ?

Je trouve ça très bien. Et je me vois mal avoir un discours inverse à celui que je vous tenais à l’instant. Je ne veux pas d’une vie avec une seule expérience. Ce qui m’exalte et me console de la mort, c’est qu’un temps, je suis chanteuse. Un temps, je suis actrice. Un temps, je suis amoureuse. Un temps, je suis maman. Un temps, je suis serveuse dans les restos des copains.


Et aujourd’hui, dans quel temps êtes-vous ?

Je redeviens chanteuse.


“Je n’arrive pas à réaliser que je suis une dame. Et que je vais devenir une vieille dame.”

Composez-vous à la maison ?

Oui, j’écris des mélodies super. Mais je suis incapable de les jouer. J’ai donc mon Philippe Eveno de poche qui vient m’aider.


Eveno, Federico… Quel rapport entretenez-vous avec Nantes ?

J’ai été mariée à un Nantais pendant près de neuf ans. Du coup, j’ai des restes. Avec Philippe, François Ripoche, Gaëtan Chataigner, Federico, nous sommes restés amis. On a traversé la trentaine ensemble. Et peut-être que cela a créé des liens forts.


Justement, que vous inspire le temps qui passe ?

Je n’aime pas.


Voilà pourquoi, vous vous définissez comme une éternelle ado…

Je crois que j’ai un vrai problème avec ça. Je n’arrive pas à réaliser que je suis une dame. Et que je vais devenir une vieille dame.


Peut-on vous demander votre âge ?

43 ans. De toute façon, vous auriez pu le trouver sur le net. Je suis très contente d’être cette fille qu’on a commencé à voir à 38 ans. Surtout à une époque où le jeunisme est terrifiant. Cela signifie que l’âge, ce n’est pas très grave. Quand je vous dis que je n’aime pas vieillir, je ne me place pas sur un terrain esthétique. Bon après, ce n’est pas drôle car on se détériore. Mais surtout, ça rapproche de la mort et ça ferme les champs des possibles. Et ça, ça m’angoisse énormément.


Turf, de Fabien Onteniente, avec Alain Chabat, Édouard Baer. En salle le 13 février 2013.

Hôtel Normandy, de Charles Nemes, avec Héléna Noguerra, Éric Elmosnino. En salle le 8 mai 2013.

Année 0 (Naïve). Album disponible le 2 avril 20113.

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