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Johanna Rocard, motifs émotifs



Texte / Antonin Druart * Photo / Joan Casanelles pour Kostar Publié dans le magazine Kostar n°35 - avril-mai 2013


Tissant des liens entre art contemporain et actualité au fil du rasoir, la Rennaise Johanna Rocard nous aiguille sur la valeur esthétique de ce face à face éthique incessant.


A-t-on besoin d’un motif pour devenir artiste ? Johanna, dont les parents sont plasticiens, ne s’en sent tout d’abord pas l’étoffe. Elle débute donc un DUT carrière sociale, pour, finalement, s’inscrire en fac d’arts plastiques. Elle tisse alors des liens entre diverses pratiques pour se focaliser sur l’utilisation du textile. De la confection de robes et de leur mise en scène chorégraphiée, Johanna file vers la broderie, « avec une volonté de (se) démarquer de l’artisanat ». Dès son premier travail, autour de la figure de Peau d’âne, on sent le morbide affluer en un houleux consensus avec la préciosité de l’ouvrage.


« Je ne suis pas géopoliticienne. Je n’ai pas les outils pour juger. Je questionne ».

Installée à Berlin, elle suit, via Google Images, le tsunami au Japon et s’interroge sur son ressenti face à ce patchwork de vignettes insoutenables et pourtant esthétiques. Ces images rebattues dans la presse, décors de corps dans les décombres, où les draps recouvrant les cadavres, souvent tapissés de motifs ornementaux, deviennent les filtres de l’acceptable. Dans de beaux draps, la mort devient fréquentable.

Pour étirer l’éphémère de ce flux informatif, l’artiste stigmatise dans le tissu ces lambeaux mémoriels voués à l’oubli. Pour autant, elle ne se pose pas en moralisatrice : « Je ne suis pas géopoliticienne. Je n’ai pas les outils pour juger. Je questionne ». Guérilla, Ku Klux Klan, otages, les sujets ne sont ni légers ni choisis au hasard, toujours dans cette volonté de créer un paradoxe avec l’art délicat de la broderie. Non contente de percer dans la trame de l’art contemporain, Johanna Rocard se plie également à l’exercice du micro-financement d’artistes en organisant tous les mois une « Dînée », repas au cours duquel les participants votent et financent le projet de leur choix.


Entre nos mains vos corps, du 12 avril au 23 juin 2013, Manufacture des Flandres, Roubaix.

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