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Julie Hascoët, madame rave



Interview et photo / Ilan Michel * Photo / Basile Peyrade


Invitée de l’exposition Pas sommeil – La fête dans tous ses états, à Rennes, Julie Hascoët photographie les bunkers, les friches, les raves parties, les souterrains. Ces lieux clos et souvent ouverts à tous les vents sont autant d’utopies localisées où trouver refuge.


Elle n’aime pas parler d’elle. Assise dans son fourgon, cheveux courts, blonds peroxydés, elle répond aux questions avec une légère appréhension. Julie Hascoët vit à Brest mais n’est pas souvent chez elle. La photographe maraude un peu partout en Europe, beaucoup en Bretagne.

Depuis son voyage à Mexico en 2012, juste après avoir été diplômée de l’école de la photo d’Arles, la jeune femme de 32 ans mêle l’intime et le documentaire pour explorer les espaces de résistance à notre monde consumériste. Très vite, elle se passionne pour les blockhaus du Mur de l’Atlantique. Le béton se détache sur la ligne d’horizon. Sur les champs de bataille désertés, elle cherche à exhumer des formes qu’on ne voit plus, icebergs dans le paysage.

À la même époque, elle commence à fréquenter les free parties. « J’avais envie de documenter un territoire familier », dit-elle, « ce n’est pas un milieu que je fréquentais mais il était au croisement de la scène punk, noise ou des clubs technos où j’aimais aller. » Murs de l’Atlantique, son livre paru aux éditions Autonomes, confronte des images qui n’ont a priori rien à voir : deux traces d’occupation des sols. « Les bunkers appartiennent au paysage comme un décor ; les raves sont des sortes de fulgurances. » Une guérilla légère contre de lourdes fortifications.

Dans ses images, les corps vus de dos se tiennent debout sur des camions ou dansent sous la neige. D’autres s’imbriquent aux voitures et aux baffles – stratégie de camouflage. Les murs d’enceintes créent une nouvelle communauté : ils font bloc le temps d’un week-end. Contre quoi ? Les formes sont saisies sous des ciels lourds, sans contraste, ou devant les nuées bleues et roses de l’aube. Parfois, la photographe vit la rave à 100 %. Parfois, elle plonge dans le sommeil et en sort pour capter les derniers instants de la fête, en moyen format, à l’argentique. « J’ai toujours préféré cette technique pour une forme de lenteur et la matérialité du grain. Tous mes choix sont guidés par un truc lo-fi », explique-t-elle.

Aux Champs Libres, à Rennes, les couloirs de la bibliothèque et du café ont des airs de fanzines. Les mises en page superposent les images, livrent les résultats d’une enquête. Les tirages encadrés chevauchent les papier-peints encollés, varient les registres, créent des échos entre les lignes. Question de rythme, « comme une suite, avec des pauses ». Aujourd’hui, à Thoré-la-Rochette, près de Vendôme, et à Ancenis-Montrelais, sa curiosité la mène du côté des souterrains. Elle interroge des sourciers / sorciers, arpente les grottes et récolte les imaginaires. Une sorte de traversée du miroir, comme l’Orphée de Cocteau descendant aux enfers.

Julie Hascoët, Pas Sommeil, Les Champs Libres, Rennes, jusqu’au 18 septembre.

Murs de l’Atlantique, éditions Autonomes.

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