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Kerisac, la vie en rose


Texte / Matthieu Chauveau * Photos / William Jezequel Publié dans le magazine Kostar n°57 - octobre-novembre 2017

Bientôt centenaire, Kerisac est l’un des leaders du cidre avec plus de 5 millions de litres par an produits selon une tradition héritée de l’histoire familiale sans exclure l’innovation.

Au déjeuner, au dîner, le week-end comme en semaine. Pendant des siècles, le cidre s’est invité quotidiennement à la table des Bretons et des Normands. « Dans les campagnes, chacun avait quelques pommiers et faisait ses barriques pour l’année » raconte Laurent Guillet. Cette époque dorée n’a pas encore pris fin quand, en 1920, l’arrière grand-père du directeur de Kerisac, passant de ferme en ferme avec sa presse ambulante, décide de fabriquer son cidre dans un lieu fixe : à Guenrouët, petit bourg traversé par l’Isac (d’où le nom Kerisac : « chez Isac » en Breton) où se trouve toujours la société familiale et les quarante salariés qu’elle compte aujourd’hui.

Cette véritable culture du cidre s’estompe nettement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Avec l’urbanisation, on préfère peu à peu le vin à la boisson pommée, jugée ringarde. « Mais ce qui a longtemps été ringard devient aujourd’hui vintage », s’amuse Laurent Guillet. Il ajoute : « Depuis plusieurs années, on se rend compte que cette boisson est en fait bien sympathique, qu’elle se partage facilement entre amis et qu’il y a peu de gens à ne pas l’aimer. » Les chiffres confirment ce ressenti : entre 2012 et 2015, les volumes de cidre consommés en France ont augmenté de 7 %, profitant aux grandes enseignes comme Kerisac (n°3 national et l’une des favorites des crêperies) comme aux cidreries artisanales et fermières se partageant les 10 % du marché restant. Au total, on dénombre aujourd’hui pas moins de 500  cidreries sur le territoire.

Du local dans les rayons

Un chiffre que Laurent Guillet connaît bien, puisqu’il est également président d’un des deux collèges de l’Union nationale interprofessionnelle cidricole, rassemblant tous les cidriers. « Je les considère comme des confrères. On va tous dans le même sens. Mon but, c’est que tout le monde soit autour de la table, les petits comme les plus gros et qu’on fasse de la qualité. » Mais qu’est-ce qu’un bon cidre, justement ? « Une bonne matière première et un savant assemblage des variétés de pomme : douces, douces-amères et acidulées », nous répond celui qui, tout petit, est tombé dans la marmite. Ajoutant que cette matière première, dans le cas de Kerisac, est 100 % locale, les pommes pressées à Guenrouët étant exclusivement fournies par des producteurs bretons en contrat avec la marque.

Plus que la cinquantaine de grands cidres que l’on peut déguster dans des bars spécialisés comme Le Sistrot à Quimper ou Le Comptoir Breizh Café à Saint-Malo, les vrais concurrents de Kerisac sont à chercher dans les linéaires des supermarchés. Et n’ont rien à voir avec la pomme... « Les grandes marques de bière et de soft ont des moyens sans commune mesure avec les nôtres pour imposer leurs produits. Quand l’interprofessionnelle met 2 millions d’euros dans la com’, une marque de bière bien connue met 25 millions à elle seule. » Stratégie marketing ou réel intérêt pour de nouvelles saveurs (sans doute les deux), Kerisac innove depuis trois ans en proposant des cidres aromatisés (fruits rouges, poire, cassis…), concurrençant ainsi de fait les poids lourds de la bière sur leur propre terrain. « Avec ces produits, on atteint une clientèle plus jeune et féminine tout en s’éloignant de l’association classique type crêpe-galette. » Bientôt le retour du cidre à tous les repas et tous les jours ?


Kerisac en 5 dates

1920 Création de la cidrerie par Edmond-Jean-Marie Guillet à Guenrouët

1948 Mécanisation rapide et avant-gardiste de la cidrerie par les fils Louis et Edmond

1972 Naissance de la marque Kerisac

1996 Arrivée de Laurent Guillet à la direction de l’entreprise

2014 Lancement des premiers cidres nouvelles saveurs (fruits rouges et poire)

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