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“Le moi dernier” par Pierrick Sorin, épisode 57


Texte et photo / Pierrick Sorin * Photomontage / Charlie Mars Publié dans le magazine Kostar n°57 - octobre-novembre 2017

« It’s very dangerous ! You don’t think so !? », ai-je lâché avec un poil d’angoisse… Xuan-Li, les mains rivées au volant de son 4X4 BMW, a répondu en souriant – et en français – : « Non, cha va, on fait cha des fois. Comme cha on gagne 30 minutes… » Sur la banquette arrière, Xavier et Martin écarquillaient les yeux, façon “Têtes à claques”, en fixant les phares des voitures qui arrivaient en face de nous. Première fois qu’on se trouvait dans un véhicule dont la conductrice prenait une bretelle d’autoroute volontairement à contresens… et à la tombée de la nuit, tant qu’à faire. Finalement, ça s’est bien passé. En face, les voitures s’écartaient, sans coups de klaxon ni appels de phares, comme s’il était acceptable qu’un luxueux 4X4 s’octroie quelques libertés à l’égard du code de la route. En Chine, les principes d’égalité semblent être appliqués de manière particulièrement “souple”. On a poursuivi notre route vers la Grande Muraille.


“Ça nous amusait juste de gesticuler, au ralenti, avec des airs super-concentrés, au sein de cet environnement majestueux.”

Les yeux écarquillés de mes collaborateurs-assistants m’ont rappelé une autre anecdote, la veille, dans l’avion, entre Paris et Pékin : une coïncidence surprenante qui m’a frappé. Appareil photo en main, je regardais la mer de nuage par le hublot. J’ai dit à Xavier : « C’est magnifique, je ferais bien une photo mais la lumière est mal orientée. Je vais demander au commandant de faire un petit demi-tour pour avoir la bonne lumière ! » Je pensais qu’il esquisserait un sourire poli devant cette blague à deux balles, mais non. Il a sursauté. Les yeux ronds, le regard fixé sur moi comme devant une apparition du fantôme de Mao-Tse-Toung, il m’a lancé d’un ton grave : « Surtout, tu fais pas ça ! Tu fais pas ça ! » Je pigeais pas. Il m’a mis sous le nez le roman qu’il venait d’entamer à l’instant, ouvert à la première page. J’ai lu : “La collision entre les deux avions fut provoquée par la requête d’un photographe. Il voulait prendre un cliché du paysage dans le meilleur angle possible et demanda au commandant de faire un bref demi-tour. Exceptionnellement, ce dernier accepta. Aucun survivant…” Étrange de prononcer des paroles correspondant aussi parfaitement à ce que votre voisin lit à la même seconde… Bref, on est arrivé au pied de la Muraille. Des cars déversaient des touristes. Xuan-li connaissait une combine pour profiter du site “en privé”. On a déplacé un grillage qui, pour cause de travaux, interdisait l’accès à toute une partie de l’édifice. On s’est retrouvé seuls sur le “Great Wall” tandis que le soleil mourrait derrière les montagnes. Un artiste pékinois nous accompagnait. Amateur de tai-chi, il nous a donné une petite leçon. On n’a pas été très studieux ; ça nous amusait juste de gesticuler, au ralenti, avec des airs super-concentrés, au sein de cet environnement majestueux. Bon… et sinon on a beaucoup mangé ; des truc délicieux : des pattes de poulets à l’opium, du serpent, des cœurs de lotus au riz gluant… et on a beaucoup bossé pour monter, dans la vaste galerie d’art de Xian-Li, une exposition sorinienne, étoffée et bien ficelée.

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