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Liya Petrova, violon sincère



Interview / Patrick Thibault * Photo / © Lyodoh Kaneko Publié dans le magazine Kostar n°89 - février-mars 2024


À 33 ans seulement, Liya Petrova est une violoniste qu’on s’arrache dans le monde entier. À La Folle Journée de Nantes, elle est l’une des représentantes de la génération montante qui impose sa marque. Rencontre.


Quand et comment avez-vous su que ça serait le violon ?  

Quand j’étais enfant, en Bulgarie, mes parents ne m’ont pas encouragée à pratiquer un instrument dans les années 1990. C’était difficile pour eux. J’ai appris en cachette avec mon oncle qui était musicien professionnel, une à deux fois par semaine. Au bout de six mois, je l’ai annoncé à mes parents qui ont compris. Je voulais jouer de cet instrument. J’avais essayé le piano mais non.


La liste de vos prix est impressionnante, est-ce que c’est beaucoup de travail ? 

En musique, il faut travailler, c’est sûr. Sinon, on ne peut devenir un bon musicien en violon ou piano. Il faut aimer travailler mais il faut aussi de la fantaisie, savoir sortir du cadre et prendre des risques. Tu te retrouves face à des sommets et tu dois tenter. C’est inévitable pour avancer. 


Succès médiatique dès le premier album (1er Concerto de Prokofiev), est-ce que ça conforte ?  

Je ne pense ni aux journalistes, ni aux critiques quand je m’attaque à une œuvre. Sinon, ça pourrait paralyser. Mais, si ça plaît, c’est un plaisir.


Avez-vous tout de suite été à l’aise dans le milieu de la musique classique. 

J’ai commencé très jeune. Je suis partie étudier en Allemagne, puis en Belgique et en Suisse. Du point de vue d’une enfant, c’est déjà différent d’un pays à l’autre. Je ne sais pas si je me suis posée la question. Enfant, on fait avec. On sait qu’il faut mettre une robe, on sait vite comment ça se passe. Je commence juste à me poser toutes ces questions sur le milieu du classique.


Depuis quand venez-vous à La Folle Journée ?  

J’ai commencé avec l’édition consacrée à Beethoven, il y a 5 ans, avant la covid. Depuis, je suis venue à chaque édition. Voir autant de gens assister à tant de concerts en même temps, ça m’a fascinée ! J’y ai retrouvé Adam Laloum, j’y ai rencontré Alexandre Kantorow, des musiciens avec lesquels je joue maintenant régulièrement.


“Je veux avoir la liberté de collaborer avec des nouveaux talents qui me feront grandir.”

Après un palmarès déjà aussi impressionnant à 33 ans seulement, de quoi rêvez-vous ?  

Je rêve d’être avec des gens qui m’aiment, des gens avec qui partager de bons moments. Je veux grandir, apprendre sur l’instrument, ajouter beaucoup de concertos que je n’ai pas encore joués. Je veux avoir la liberté de collaborer avec des nouveaux talents qui me feront grandir. Avoir cette liberté de choisir. Travailler de plus en plus avec ceux que j’aime et qui m’inspirent.


Le Folle Journée a pour mission d’ouvrir la musique à un public plus large, qu’est-ce que vous en pensez ?  

C’est essentiel. C’est justement ce qui m’a impressionnée, comme si on était à des concerts de pop. La musique classique est pour tout le monde. Il ne faut pas que ça reste propre à La Folle Journée, il faut que ça se généralise. Il faut travailler à intéresser d’autres gens.


Ça nous rapproche de votre casquette de directrice artistique des Rencontres musicales de Nîmes et de la Musikfest parisienne… Est-ce que vous y pensez ?  

Oh oui. La Musikfest parisienne est gratuite pour les moins de 26 ans. C’était super important pour moi que ça aille au-delà des enfants pour me retrouver avec un public qui n’est pas très loin de mon âge. On leur dit “venez, c’est gratuit”. Il faut aussi faire attention au répertoire (jouer Beethoven, Mendelssohn, des classiques et des moins joués aussi).


La gratuité n’est pas un argument suffisant, quel est selon vous le meilleur argument pour attirer un public jeune ?  

La jeune génération aime découvrir. Elle a déjà l’impression d’avoir accès à tout via le web et les réseaux sociaux. Mais on ne peut pas vivre un concert autrement qu’en live. Et, ça il faut leur dire à eux qui aiment découvrir des expériences.


“On ne peut pas vivre un concert autrement qu'en live.”

Parlez-nous de votre instrument, un Rovelli de 1742 ? 

C’est un instrument sur lequel je joue depuis deux mois seulement et qui m’a été prêté par des mécènes. Je découvre sa richesse. Il a des graves extraordinaires, riches en couleurs, des aigus extrêmement brillants. Il porte loin un son doré dans les aigus. Il a des mediums très présents, impressionnants, harmonieux. L’équilibre entre les cordes est fabuleux. Cet instrument est très sensible à l’énergie qu’on lui donne et il la multiplie.


En plus, il est magnifique…  

Oui, visuellement, il est très beau. Pour moi, il a tout de suite été une évidence. Je l’ai pris, j’ai joué 15 minutes, et j’ai dit “wouah”. C’est complexe aussi, ça va prendre du temps. Chaque jour, tu découvres quelque chose avec cet instrument qui n’a pas joué en concert depuis 200 ans.


Savez-vous ce qui plaît au public dans votre interprétation ?  

J’espère que c’est ma sincérité, que le public comprend que je partage quelque chose de moi-même. 


Qu’est-ce qui vous passionne dans la vie en dehors du violon et de la musique dite classique ?  

Toute les musiques me passionnent. J’ai toujours écouté autre chose que du classique. J’aime l’art contemporain. J’aime la bonne nourriture, aller au restaurant. Puisque je voyage beaucoup, dans mon google maps, j’ai plein de villes avec des restaurants que j’ai essayés ou que je veux essayer. J’aime lire la philosophie, la psychologie. J’aime le sport (hiit, pilate, yoga). J’aime être chez moi à Paris, voir mes amis et les gens que j’aime. Partager du bon vin et des fromages. 


Vous retournez régulièrement en Bulgarie mais vous êtes installée en France… 

Maintenant c'est plus difficile. Je joue régulièrement en Bulgarie, je parle bulgare mais comme l’allemand et le russe. Je voyage énormément mais ma vie est à 100 % en France. J’ai fait ce choix.


À La Folle Journée, vous allez jouer, avec Adam Laloum, la Sonate pour violon et piano en si mineur P.110 de Respighi que vous venez d’enregistrer…  

C’est une des premières œuvres de musique de chambre en Italie. Quand il l’écrit, il est inspiré par l’opéra. Beaucoup de moments m’y font penser. C’est une sonate très intense avec des moments dramatiques. Le 2 e mouvement est l’un des plus beaux. La partie violon me fait penser à une voix humaine qui chante. C’est chargé en émotion et j’ai cette chance de la jouer avec Adam.


Vous serez aussi en compagnie de l’ONPL, dirigé par Sascha Goetzel… 

Pour un magnifique concerto de Glazounov. C’est un artiste russe peu connu, pas souvent joué, qui est très inspiré par la culture et les danses françaises. Très coloré, le dernier mouvement est virtuose. C’est une pièce sensible qui s’approche de l’âme russe, presque fragile. L’an passé, j’avais déjà joué avec l’ONPL le 5e concerto de Mozart, c’est un excellent souvenir.  


La Folle Journée La Cité des Congrès, Nantes. Du 31 janvier au 4 février.

Concert n°163, samedi 3 février à 20h, salle 450.

Concert n°208, dimanche 4 février à 14h, salle 2000.

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