top of page
Rechercher

Nicolas Adamopulos, du hockey au piano



Interview et photos / Christophe Martin Publié dans le magazine Kostar n°85 - avril-mai 2023


Il n’a pas choisi Angers que pour les Ducs, son équipe de hockey. Le chef parisien a quitté les cuisines des palaces pour s’implanter avec Sens au cœur d’un terroir riche de ses produits. Jeune talent Gault & Millau 2019, il se fait discrètement une place dans le paysage gastronomique angevin. Il exprime avec passion sa vision au travers d’une cuisine subtile, précise et pleine d’authenticité.



Vous étiez plutôt promis à une carrière de hockeyeur, non ?

J’ai démarré à 17 ans et j’ai terminé semi-pro à Ivry. C’était toute ma vie. Mais après de grosses blessures, j’ai dû renoncer à ma carrière. J’ai poursuivi comme entraîneur, c’était une bonne porte de sortie.


Comment en êtes-vous arrivé à la cuisine ?

J’ai eu la possibilité à 23 ans de créer un bar au sein du club avec de la restauration rapide. Je me suis lancé à 100%. J’aimais le relationnel avec les clients. J’avais aussi fait quelques saisons en station, l’hiver, en cuisine.


Mais comment passe-t-on d’un club-house aux cuisines de palaces ?

J’ai eu la chance de rencontrer un grand chef parisien, Christopher Hache, par le biais d’une connaissance du club qui m’avait encouragé à suivre une formation en cuisine. Je pensais intégrer l’École Ferrandi mais le chef m’en a dissuadé. Il m’a proposé de le rejoindre sur le terrain, dans sa brigade pendant neuf mois, au Crillon.


C’était une belle opportunité…

Il m’avait dit : « Viens avec moi, tu pourras voir si tu es vraiment fait pour ça. » J’ai démarré en 2012 comme second commis junior, au service banquet. Je ne connaissais rien de l’univers des palaces. C’était un milieu bien loin du mien.


“Dans les palaces, on est un peu déconnecté des réalités.”

Neuf mois, cela suffit-il pour apprendre ?

On brassait pas mal de couverts. J’ai appris toutes les bases, les gestes. Je travaillais beaucoup, j’arrivais très tôt, à l’arrivée du poisson et je restais le plus tard possible. Au bout de trois mois, je suis passé au gastro, une étoile à l’époque. J’ai pu y faire mes preuves jusqu’à la fermeture pour travaux.


Cela vous a visiblement convaincu ?

J’y ai retrouvé l’esprit d’équipe, l’entraide : ça me plaisait. Le chef m’a ensuite présenté à Éric Frechon, chef du Bristol, afin que je puisse poursuivre mon apprentissage.


Vous vous retrouvez une nouvelle fois entre de bonnes mains ?

Meilleur Ouvrier de France, 3 étoiles. Son second, Franck Leroy, MOF également. À l’époque, je ne savais pas ce qu’était un MOF, ni ce que représentaient les étoiles. Je n’étais pas stressé en le rencontrant : c’était un entretien comme un autre. Mais j’ai vite découvert les enjeux.


Qu’en avez-vous retenu ?

Je suis arrivé dans une très grande brigade : gastro, banquet, brasserie… une autre dimension. On sentait une plus grosse tension en cuisine, chacun cherchait à faire sa place. J’ai démarré au room service, puis je suis passé rapidement au gastro. Je me suis retrouvé dans la fosse aux lions. J’ai eu du mal à gérer la pression. Je suis retourné au banquet où j’ai pu retrouver des relations plus humaines.


L’expérience s’arrête là ?

J’ai ensuite quitté le Bristol pour rejoindre le restaurant de David Toutain. C’était un petit restaurant, 40 couverts, une étoile quand j’intègre les cuisines, top 25 des meilleurs restaurants du monde. Du haut niveau.


En quittant les palaces, qu’est-ce que vous découvrez ?

Il y avait toujours de l’exigence. J’ai redécouvert les produits, le respect des saisons. On faisait attention aux pertes. On était en relation directe avec les producteurs. Dans les palaces, on est un peu déconnecté des réalités, tout y est calibré.


“Je voulais une cuisine de saison, ancrée dans le local.”

Est-ce de là que vous vient l’idée d’ouvrir votre propre restaurant ?

J’en avais déjà envie en quittant la patinoire mais là, j’apprends vraiment comment fonctionne un restaurant, la salle, le management, la création des cartes.


Vous étiez prêt !

Je suis d’abord retourné au Crillon, Christopher Hache m’avait proposé de le rejoindre à la réouverture, j’y suis resté 2 ans comme sous-chef.


Comment êtes-vous arrivé à Angers ?

Ma mère était venue s’installer sur Angers. J’ai eu le temps de découvrir la ville, des artisans avec lesquels je travaille encore, des restaurateurs. C’est tout naturellement que j’ai choisi de venir ici.


Comment avez-vous imaginé ce restaurant ?

Chez David Toutain, j’avais pu appréhender une cuisine de produits. J’avais rencontré quelques fournisseurs de la région. Je voulais poursuivre dans cette voie avec une cuisine de saison, ancrée dans le local. Je n’ai pas eu besoin de faire de sourcing. J’avais tout à portée de main. J’avais aussi à l’esprit que le menu unique était l’avenir de la cuisine.


Comment définiriez-vous votre cuisine aujourd'hui ?

On est sur des goûts francs et bruts, très simples, sans fioritures, mais on travaille la technique au maximum. C’est aussi une cuisine responsable. Le marqueur numéro un, c’est l’attention portée à la manière dont on exploite dans leur intégralité les produits en cuisine.


Comment cela se traduit-il ?

On reste attentif aux conditions de pêche, par exemple, avec du poisson de ligne uniquement. On fait en fonction des disponibilités. Pour la viande, on travaille la bête entière. Je pars sur des déclinaisons, j’essaie d’aller le plus loin possible avec seulement deux produits dans l’assiette. Depuis 4 ans, le menu change systématiquement. On en est déjà à 48 menus.


“Des goûts francs et bruts, très simples, sans fioritures, mais on travaille la technique au maximum.”

Vous n’êtes plus tout seul à bord aujourd’hui ?

J’ai une équipe en cuisine et, Enza, ma compagne, m’a rejoint dans l’aventure. On s’est rencontré lorsque j’étais au Crillon. Elle gère la salle avec l’expérience et l’exigence des palaces et des étoilés qu’elle a aussi. On construit ensemble.


Enza, quelle approche avez-vous en salle ?

La première chose qu’on met en avant, c’est l’idéologie derrière le restaurant. On met en avant nos producteurs. On essaie de transmettre nos valeurs à notre clientèle et de lui apporter une expérience, en proposant le menu à l’aveugle. Cela crée de l’échange et le client porte encore plus d’attention à ce qu’il découvre.


Êtes-vous en quête de nouvelles approches culinaires ?

On voudrait pouvoir travailler devant le client, élargir les tables. Comme le nom du restaurant l’indique, on cherche à développer tous les sens, les parfums, le toucher.


Pendant le Covid, vous avez basculé sur de la street food ?

On a créé Bao Kitchen pour maintenir l’activité. On pouvait retranscrire notre cuisine dans ce sandwich venu d’Asie. Continuer à faire travailler nos producteurs. On voulait offrir une street food réconfortante et de qualité.


Qu’est-ce que cela a apporté à votre cuisine ?

On avait déjà des éléments qui rappelaient les codes de la street food revisitée dans nos assiettes, des éléments qu’on pouvait manger avec les mains comme le tacos, le fish and chips ; on travaille même sur un kebab. On a conservé le Bao Kitchen pour le déjeuner à la demande des clients et pour se concentrer sur un menu gastronomique le soir. L’idée d’ouvrir un comptoir est né de cette expérience.


C’est prévu pour quand ?

Nous déménageons les cuisines dans un autre lieu, nous allons regrouper les deux projets, mais nous rencontrons pas mal de soucis de travaux. Nous espérons pouvoir ouvrir prochainement.


Sens, 8 rue Boisnet, Angers.



Poireau - Algues / Poire - Céleri / Bœuf - Brocoli

bottom of page