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Piers Faccini, Piers fascinant


Interview / Antonin Druart * Photos / Olivier Metzger Publié dans le magazine Kostar n°53 - décembre 2016-janvier 2017


Artiste nomade made in world, multi-instrumentiste polyglotte, démiurge onirique et passeur initiatique, Piers Faccini fascine toujours autant, comme il le prouve ici, via ses réponses lumineuses et lucides.


Votre nouvel album s’appelle I Dreamed an island, pouvez-vous décrire cette fameuse île dont vous avez rêvé ?

L’île est inspirée de la Sicile qui est un pont entre tellement de cultures et de couleurs, proche de l’Afrique du Nord, de l’Orient, la Grèce, la Turquie… J’ai toujours construit ma musique autour de l’idée de croisement et de métissage.


La Sicile est donc une source inépuisable d’inspiration…

J’ai beaucoup lu sur la Sicile. Au XIIe siècle, c’était une sorte d’âge d’or de la tolérance, avec la cohabitation entre les cultures arabes, grecques et latines. J’ai voulu créer une musique pour parler d’aujourd'hui en m’inspirant du passé, pour rappeler que nos origines ont toujours été métissées, que notre richesse culturelle a toujours été dans la mixité. Cette île est une utopie, un rêve.

“Notre richesse culturelle a toujours été dans la mixité.”

Votre inspiration vient-elle des voyages ?

J’aime autant le voyage dans mes pensées que le voyage physique. Mon inspiration vient en partie du fait que j’ai toujours été curieux des musiques du monde. Quand j’allais chez mes grands-parents, l’un parlait d'Irlande, l’autre d’Italie, un autre d’Europe de l’Est. Le fait de parler plusieurs langues m’a donné ce statut apatride et le style musical qui va avec.


Votre musique évoque les voyages à travers différents pays, mais aussi les voyages temporels, comme si vous étiez nostalgique d’époques que nous n’avez pas vécues…

La couleur de l’album, dans la façon dont j’ai habillé les morceaux, établit un dialogue entre des instruments qui se parlent à travers les siècles. Une guitare baroque qui joue avec une guitare électrique. Il est très important de tirer des leçons du passé. Si Trump a été élu aujourd’hui, c’est parce que les gens ont oublié des choses fondamentales. On a tendance à réécrire l’Histoire : les intégristes préfèrent oublier la cohabitation passée entre les religions.


Vous parlez de dépasser les frontières, de murs bâtis par l’homme. On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec le Brexit en Angleterre d’où vous êtes originaire ou l’élection américaine avec cet homme qui a pour projet un mur infranchissable entre le Mexique et les États-Unis…

Il y a deux formes de murs. Les murs physiques sont construits parce qu’il y a déjà des murs entre nous. La grande ironie, c’est que l’anniversaire de la chute du mur de Berlin coïncide avec l’avènement de Trump. Si ce mur est construit, il y aura toujours des gens pour le faire tomber. Pour le Brexit, pas besoin de mur, il y a déjà la mer. C’est un pas réactionnaire vers l’isolement, créé dans un pays totalement divisé. C’est une erreur, j’espère que le reste de l’Europe ne va pas suivre.

“Leonard Cohen, pour moi, c'est lui le prix Nobel !”

Pour rester dans l’actualité sombre, nous avons appris le décès de Leonard Cohen auquel certains vous comparent…

En terme d’auteur-compositeur qui a travaillé toute sa vie pour mettre des mots sur des musiques, c’est mon plus grand maître. Même si musicalement ce que je fais est très différent, je reste quand même impressionné par son travail, notamment la spiritualité de ses textes. Pour moi, c’est lui le prix Nobel !


La prochaine question portait justement sur le fait que Bob Dylan ait obtenu le prix Nobel. Ça vous plaît de savoir que la musique peut être reconnue comme de la littérature ?

Je pense que Dylan est bien une personne à qui l’on peut donner une récompense pour avoir écrit des chansons qui ont changé le monde. Même si, au niveau poésie, je préfère Cohen, je trouve ça super que la chanson soit considérée comme de la littérature. On peut d’ailleurs dire que la littérature vient de la chanson. Les premiers contes étaient chantés. Tout part de la tradition orale, les conteurs, les troubadours…


En conclusion, comment abordez-vous cette tournée française ?

Je suis né en Angleterre, je suis allé à l’école en France de 6 à 9 ans. Je suis retourné en Angleterre, puis en France où je vis depuis 2003. J’ai monté ma maison de disques ici, mes enfants vont à l’école en France. Je suis tombé amoureux des Cévennes où je me suis installé. Le public français est très chaleureux, notamment en Bretagne. Et, au niveau des infrastructures pour diffuser de la culture, la France est parfaite. Pourvu que cela continue, la culture doit garder toute sa place.


Piers Faccini, I Dreamed An Island. www.piersfaccini.com



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