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Renaud Capuçon, dans les cordes



Interview / Arnaud Bénureau * Photo / Marc Ribes



Il est représenté par six agents, joue sur un violon ayant appartenu à Isaac Stern, parcourt le monde dans tous les sens, est dans les pages people et fera un passage éclair à La Folle Journée. Rencontre avec Renaud Capuçon, une star de 37 ans qui passe sa vie avec le room service au téléphone.



Dans quel environnement avez-vous grandi ?

Dans un environnement tout ce qu’il y a de plus banal. Mes parents essayaient de me faire pratiquer plein d’activités : théâtre, tennis… Et puis, ils se sont mis à écouter de la musique classique.

Quel est votre premier rapport avec la musique classique ?

À 4 ans, on me ramène un violon de Lyon. Et au bout de six mois d’apprentissage, j’intègre Le Mouvement Vivaldi et je monte sur scène alors que je ne suis pas au top avec mon instrument.

Vous êtes-vous senti à part ?

Non, j’ai immédiatement aimé ça. Je voulais être skieur l’hiver et violoniste l’été.

Existe-t-il des similitudes entre le sport et la musique ?

Dans tout ce qui relève de l’excellence, il y a des points communs : entraînement, travail, préparation mentale… Si vous ne maintenez pas ce niveau d’exigence, vous courez à la catastrophe.

Quand s’opère la bascule entre une pratique du violon en loisir et l’envie d’en faire votre métier ?

À 8 ans, la maîtresse nous demande ce que nous voudrions faire plus tard. Je réponds violoniste. Les copains m’ont regardé avec de grands yeux. C’en était déjà fini du ski l’hiver et du violon l’été.


À partir de quand, prenez-vous conscience de votre talent ?

Vers 10 ans. À cette époque, je n’arrête pas de jouer devant les professeurs.

“J’étais un peu comme un gamin qui tape huit heures par jour dans une balle de tennis.”

N’éprouvez-vous pas la sensation d’être une bête de foire ?

Comme mes parents ne sont pas des musiciens, ça ne pouvait pas se passer ainsi. J’étais un peu comme un gamin qui tape huit heures par jour dans une balle de tennis. Mes parents voulaient simplement que je ne me développe pas n’importe comment et que l’on tire le maximum de moi.

Comment vivez-vous aujourd’hui votre reconnaissance internationale ?

J’en prends conscience lorsque vous m’en parlez. Tout s’est passé si naturellement. Il y eut ce violon, le Conservatoire national de Paris à 14 ans, le premier concert à 18 ans… Sans fausse modestie, je continue de tracer ma route. Marche après marche. Tout cela n’est donc pas une surprise. Je n’ai pas connu le choc de l’artiste qui passe de l’ombre à la lumière sans être préparé.

Vous étiez donc programmé pour cette carrière…

C’est plus compliqué que cela. On peut bien jouer d’un instrument, mais pour être soliste, il faut quelque chose en plus. Car vous êtes souvent seul et chaque concert est un one shot. Mais je n’ai pas été davantage programmé que des gens de théâtre par exemple.

Depuis le temps que vous êtes dans le circuit, n’avez-vous jamais éprouvé de lassitude ?

Il y a eu des moments de doute, de fatigue. Mais ils sont rapidement oubliés. Et ce, même lorsque les orchestres sont moins bons, quand il fait trop chaud… Et puis, si j’avais connu une telle sensation, cela aurait signifié que je n’étais pas fait pour ce métier.


“J’ai joué deux notes et je suis tombé amoureux.”

Au regard de votre quotidien, menez-vous une vie monacale ?

Si je vous dis oui, on va se foutre de ma gueule. Car je passe mon temps dans des supers hôtels. Par contre, je mène une vie de solitaire à laquelle je me suis habitué très vite.

Cette vie n’est pas tout le temps solitaire. Vous êtes marié à Laurence Ferrari. Ne craignez-vous pas que, par instants, le people parasite l’artistique ?

Je suis tombé amoureux d’une femme qui fait de la télé et qui est plus connue que moi en France. Nous menons une vie très normale comme celle que j’ai connue avec mes parents. Alors les gens qui pensent que je suis uniquement le “mari de”, je m’en fous.


Pouvez-vous nous raconter l’histoire du violon avec lequel vous jouez aujourd’hui ?

J’ai rencontré le patron de la Banque Suisse-Italienne. Il voulait acheter un violon pour ensuite me le prêter. Il fallait qu’il soit mieux que mon Stradivarius, sinon je ne voyais pas trop l’intérêt. On a commencé à chercher et je n’avais pas de coup de cœur. Et puis, on a appris que le violon d’Isaac Stern était en vente. J’ai demandé à l’essayer. Ça s’est passé dans une chambre d’hôtel à Lugano. J’ai joué deux notes et je suis tombé amoureux. C’était une rencontre incroyable. Sur le lit, il y avait le violon de Yehudi Menuhin sur lequel je n’ai pas du tout flashé.

Est-ce indécent de vous demander le prix ?

Plusieurs millions de dollars. Au début, je n’en dormais pas. Aujourd’hui, il est totalement assimilé à ma vie. J’entretiens un rapport très naturel avec lui. Mais bon, si on me le vole, on ne peut rien en faire. Un peu comme un Picasso. Sauf si, bien sûr, vous tombez sur un fou qui va le mettre chez lui.


“J’aime le côté bon enfant et le grand sérieux qui règne dans les salles de concerts.”

Que représente La Folle Journée dans votre année de concerts ?

J’aime le côté bon enfant et le grand sérieux qui règne dans les salles de concerts. Je retrouve la même chose à Boston, New York ou Londres. La Folle Journée, ce n’est pas des concerts au rabais. J’y joue avec la même intensité qu’ailleurs. Et je trouve que René Martin est un type absolument génial. Il a des idées et c’est un entrepreneur. Chaque année, il pousse le bouchon toujours plus loin.

Qu’allez-vous présenter pendant cette édition 2013 ?

Le concert pour piano, violon et quatuor à cordes d’Ernest Chausson. C’est une de mes œuvres préférées. C’est aussi un voyage dans le temps. On se voit dans les salons de la fin du XIXe siècle. Ça correspond à la générosité et à l’élégance de l’époque.


Quelle serait finalement votre définition de la musique classique ?

Une musique capable d’unir les gens. Et La Folle Journée en est le parfait exemple. On y croise le dentiste du coin, l’étudiant, le chômeur, le chef d’entreprise… Et moi, je monte sur scène pour donner un peu de plaisir aux gens.


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