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Thibault Cauvin, le vent de la liberté



Interview / Patrick Thibault * Photo / Franck Loriou Publié dans le magazine Kostar n°79 - février-mars 2022



C’est une success story. Premier à tous les concours ou presque, Thibault Cauvin est devenu guitariste star. Également surfeur, toujours en voyage ou presque, il est de ceux qui bousculent les codes de la musique classique. Il clame haut et fort son amour du public et des gens. On le retrouve à La Folle Journée, juste avant la sortie du livre À cordes et à cœur qui raconte sa démarche.



Si on remonte au tout début, pourquoi la guitare ?

J’ai l’habitude de dire que c’est ma langue paternelle. Mon père est guitariste et, chez moi, la guitare était présente du matin au soir. J’étais tellement immergé dans cette marmite que j’avais imaginé que tous les enfants de la terre jouaient de la guitare.


Quand on regarde vos photos d’artiste, on n’est pas dans la musique classique, ça a été une volonté de départ de ne pas être enfermé ?

J’aime l’ouverture. J’ai appris le classique dans les conservatoires. Puis, il y a eu les concours avec une approche savante et élitiste, une étiquette très marquée. Mon père, lui, vient du rock, du jazz et des musiques actuelles. Ce qui m’a bercé était plutôt expérimental. Je pratique la guitare classique avec cette technique poussée mais j’ai eu la chance de jouer dans plus de 120 pays. Ça m’a permis de rencontrer d’autres cultures. J’ai aimé mélanger tout ça et je trouve que la guitare est l’instrument idéal pour assurer la transversalité. J’aime aussi la musique classique d’aujourd’hui qui peut être très actuelle.


Avez-vous hésité entre musique classique et musiques actuelles ou peut-on dire que vous avez trouvé une voie entre deux ?

Je suis un guitariste classique et je l’ai revendiqué à 100%. J’aime être sur scène et jouer pour les gens. Cet état d’esprit impose un côté pop et donc d’amour du public. J’aime la technique et le son de la guitare classique et l’âge d’or de la guitare classique, c’est maintenant sur le plan de la lutherie. J’ai la chance de le vivre. On peut jouer la guitare classique du 21e siècle. J’ai aussi pris du plaisir à jouer avec M, Thylacine, Didier Lockwood ou Erik Truffaz.


“Je suis mon instinct et mes envies”

J’aime beaucoup votre liste de prix, ça fait premier de la classe, non ?

Je suis plutôt rebelle et pas du tout premier de la classe. Plutôt celui qui est au fond et fait des bêtises. J’étais très jeune, j’avais une forme de naïveté. Je m’amusais avec des règles strictes, j’ai été pris d’une passion totale. J’avais la chance de souvent gagner. Et, à 17 ans, quand on joue et gagne, on ne peut plus s’arrêter. En plus, c’était stimulant de rencontrer les meilleurs.


Vous avez à cœur de réaliser des disques différents. Comment gérez-vous cette évolution qui passe du classique à la réinterprétation de musique de films ou à des collaborations avec des artistes d’autres disciplines ?

Il y a chez moi un côté très réfléchi et un autre très instinctif. Après la réflexion, c’est souvent l’instinct qui gagne. Je suis donc mon instinct et mes envies. Même dans mon quotidien, je suis extrémiste dans tout ce que je fais. J’ai quand même vécu quinze ans sans maison, ni appartement. Maintenant que je me suis installé, je collectionne des œuvres d’art. Je déchiffre des partitions de Bach pour un prochain disque avec une approche très intérieure. Mon instinct me mène sur ces oppositions et les contrastes font mon identité.


Vous faites du surf, je me demandais s’il y avait un point commun entre le rapport à la guitare et au surf ?

À part cette quête de liberté qui est ma philosophie la plus précieuse, je n’en vois pas trop. Le surf, c’est la liberté absolue, une passion extraordinaire. On est dans l’instant total, on oublie tout. Ça m’est extrêmement bénéfique. J’oublie la musique, que je suis un musicien et peut-être même que je suis un être humain quand je suis dans l’eau. Ça ressource et ça donne des sensations incroyables.


Est-ce que c’est compatible ?

On pourrait penser que non puisqu’on risque de se faire mal. Je me suis parfois un peu coupé ou entaillé mais jamais les mains. J’ai confiance en la vie, je ne fais pas attention, je suis même effrayé par le fait qu’on puisse faire attention. Je fais du surf parce que ça me plaît et je ne pense pas au danger. Cette inconscience m’a jusqu’ici protégé.


Qu’est-ce que vous allez jouer à La Folle Journée ?

Du Schubert et des musiques autour du voyage, inspirées de villes du monde en collaboration avec des compositeurs contemporains avec lesquels j’ai travaillé pour traduire les ambiances, les saveurs et lumières. Il y aura Oulan-Bator, Calcutta et Istanbul. Je suis très heureux de retrouver Schubert et de replonger dans ce côté très intime qui marche merveilleusement à la guitare.


Ces quinze années de voyage sans maison, comment avez-vous décidé ça ?

Mon grand-père m’a donné le goût de l’ailleurs et la fascination pour le monde. J’ai voyagé pour les concours et j’ai tout fait pour jouer loin en concert. Je préférais aller à Rio et Hong Kong plutôt qu’à Toulouse et Lille. Je ne prenais que des allers simples. J’aimais cette idée un peu romanesque qui me faisait rester dans des villes qui pouvaient me plaire. J’adorais ce sentiment d‘être partout chez moi et je liais ça au surf.


Vous avez renoncé ?

Non. Je suis tombé amoureux et j’ai eu envie de passer plus de temps à Paris. J’ai acheté une petite maison, un lieu atypique entre Gare du Nord et Gare de l’Est. À droite, j’ai l’Afrique, à gauche, l’Inde, j’adore. Mon intérieur est très marqué par les voyages et des objets du monde.


“Je crois que la musique complexe peut devenir très accessible si on sait la donner.”

Comment est-ce qu’on fait pour rendre la musique accessible ?

On a ça en soi ou pas. J’ai un amour sincère et total pour les gens et le public. C’est naïf mais je ne peux pas concevoir que les gens aiment moins que moi ces notes qui me rendent fou d’amour. J’ai aimé jouer le même répertoire au Carnegie Hall devant un public savant et la semaine suivante au Cap vert devant des gens qui n’avaient jamais entendu de guitare classique. Que ce soit le grand intellectuel new-yorkais ou le jeune Africain, ils avaient eu le même coup de cœur. Je crois que la musique complexe peut devenir très accessible si on sait la donner.


C’est votre première fois à La Folle Journée…

Oui. Le hasard de la vie a fait que je n’ai jamais joué dans ce festival légendaire, un des plus importants de France et du monde. J’en suis très heureux, ultra impatient.


Et vous sortez donc un livre qui retrace votre parcours…

Il y a un an, François de Lestrade et les Éditions du Rocher m’ont proposé d’écrire ma bio. J’ai d’abord trouvé ça prétentieux et un peu tôt mais je me retrouve à sortir À cordes et à cœur le 9 février. J’ai finalement adoré réfléchir à cette vie de voyage et mon amour de la musique, écrire ce livre. J’irai avec grand plaisir à la rencontre des lecteurs dans les librairies françaises. Je suis vraiment amoureux du public et des gens.


Et comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?

J’espère continuer à être toujours plus curieux pour être surpris, avoir la même énergie pour réaliser des rêves un peu fous. Quand on me demande quel pays ou quelle ville j’ai préféré, je réponds que c’est simplement être de passage. Je veux jouer des musiques toujours nouvelles. Les chefs-d’œuvre de la musique, on peut les reprendre et être bousculé, c’est la différence entre la grande musique et le chef-d’œuvre absolu.


Puisque vous êtes ambassadeur de Bordeaux, est-ce qu’à Nantes vous vous lâcherez au point de dire que c’est mieux que Bordeaux ?

Ça va être difficile mais je suis prêt à être convaincu !


En concert à La Folle Journée en Région, le 22 janvier, Sablé-sur-Sarthe ; le 23 janvier, Les Herbiers. À La Folle Journée de Nantes, les 29 et 30 janvier.

À Cordes et à cœur, éditions du Rocher, sortie le 9 février. Rencontre Librairie Coiffard, le 2 mars, Nantes.


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