top of page
Rechercher

Un été dare d'art


Henrique Oliveira. Le rêve de Fitzcarraldo. Esquisse, place Graslin, le Voyage à Nantes © Henrique Oliveira

Dossier réalisé par Julie baron, Christophe Cesbron, Ilan Michel, Patrick Thibault Publié dans le magazine Kostar n°91 - été 2024


L’été ramène cette envie d’ailleurs. Et comme on a un peu plus de temps, Kostar vous guide parmi les plus chouettes expos de l’été. Beaucoup de plein air avec l’art dans la ville. À Nantes, à Château-Gontier, à Pont-Scorff… Et lorsque l’art est à l’intérieur, la nature s’invite volontiers dans les préoccupations des artistes. Suivez-nous, on vous guide…



D'arbres en arbres

Cet été, le Voyage à Nantes propose un parcours « branché », développant une approche écologique et imaginaire autour des arbres de la ville, invitant des artistes qui, par leurs créations, révèlent quelque chose de l’histoire botanique de la ville et de notre rapport sensible, physique, primordial à la nature et aux arbres.

Texte / Christophe Cesbron



Yuhsin U Chang. Un Pinus pinea en l’an 2252. Esquisse © Yuhsin U Chang et Franck Tomps / LVAN

L’histoire d’une ville peut se comprendre par l’histoire de ses arbres. Nantes, ville de bord de Loire, mais aussi ville portuaire impliquée dans le commerce triangulaire et dans la sombre « aventure coloniale », porte dans son paysage les indices de son passé. Chênes, platanes, houx, magnolias, pins, tulipiers, séquoias… rythment l’espace urbain. Témoins muets de l’Histoire, présences rassurantes, ils font tellement partie de notre quotidien qu’on finit par les oublier.   Le Voyage à Nantes leur redonne place et propose de redécouvrir quelques-uns de ces arbres remarquables au travers d’œuvres, d’installations, de dispositifs imaginés par des artistes. Toutes singulières et différentes, leurs approches semblent répondre à trois modes d’intervention :


1 - Des artistes ont pris le parti de valoriser, révéler certains arbres remarquables.

Ainsi, Cours Cambronne, Barreau et Charbonnet imaginent un dispositif génial permettant au public d’accéder à la canopée d’un magnolia pour en admirer et humer les fleurs.   Tout le long de la ligne verte et dans le vignoble nantais, des bijoux de verre précieux et colorés, créés par la maison Pelletier Ferruel, distinguent et parent un choix d’arbres remarquables.


2 - Plusieurs artistes ont eu l’idée de jouer avec les formes, l’architecture, l’histoire des arbres.

Max Coulon vient retenir, d’une énorme main sculptée dans le bois d’un séquoia, l’incroyable pin « couché », proche de l’arrêt Duchesse Anne. Séverine Hubard, accroche dans le grand pin radiata, proche du miroir d’eau, une charpente inversée, inspirée du clocher torse de la maison des compagnons. Proposant des hybridations formelles et conceptuelles, les œuvres interpellent, surprennent, interrogent comme l’énorme anneau de croissance que Yuhsin U Chang insère dans le grand pin parasol du square Schwob. 


3 - Tels des semeurs d’imaginaires, certains artistes implantent des« avatars » d’arbres dans la ville.

Inattendu, surprenant, malicieux, l’enfant Hybridus de Jean-François Fourtou s’installe avec insolence sur la place Royale, envisageant une symbiose impossible entre l’humain et le végétal. Sur la place Graslin, l’impressionnante sculpture de Henrique Olivera surgit, comme une énorme racine, à l’assaut du théâtre. Elle ravive nos peurs face à une nature incontrôlable. L’Homme de bois de Fabrice Hyber propose une approche plus douce, plus sereine et plus écologique, hybridant l’image de l’humain et de l’arbre dans celle d’un jardin humide.   D’arbre en arbre, d’œuvre en œuvre, d’exposition en exposition, le parcours est riche permettant de multiples détours, rencontres et surprises, démontrant à quel point nature et culture partagent de mêmes racines dont il faut à tout prix prendre soin.  

Le Voyage à Nantes Du 6 juillet au 8 septembre.



Raymond Depardon, droit dans les yeux

Monument du photojournalisme, de la street photography à la française et grand représentant de la photo humaniste, Raymond Depardon a aujourd’hui 81 ans et toujours une forme olympique. Le Frac Bretagne et les Champs Libres présentent tout l’été trois aspects de son travail : les JO, l’Algérie et le monde rural. Coup de projecteur sur celui qui fait « des photos que tout le monde pourrait faire, mais que personne ne fait », dit-il.

Texte / Ilan Michel


Alger, 2019 © Raymond Depardon Magnum Photos (bis)

L’homme est discret – mais pas timide. Assis de l’autre côté du café, il attend sans rien dire, son Leica en main. Raymond Depardon a toujours travaillé à l’argentique. À 81 ans, ce n’est pas près de changer. Il garde peut-être de ses origines paysannes, dans la vallée de la Saône, la modestie, le plaisir de l’anecdote, la valeur du silence et le goût de la liberté. À 16 ans, il troque le veau de ses parents contre un scooter italien pour faire 2 ou 3  petits reportages par jour dans la capitale. L’apprenti-reporter commence comme pigiste à l’agence Dalmas pour laquelle il prend à la volée Brigitte Bardot ou Marlon Brando. Il vend Bardot à Paris Match et l’échange contre un Leica. À 19 ans, en 1961, il est envoyé à Alger. En 1966, il cofonde l’agence Gamma avec son ami Gilles Caron et couvre les conflits armés et les coulisses de la politique. De retour du Tchad, il filme la campagne de Valéry Giscard d’Estaing à l’élection présidentielle – un documentaire qui ne sera diffusé qu’en 2002… En 1978, il rejoint Henri Cartier-Bresson et Robert Capa à l’agence de presse Magnum. Il porte un regard plein d’empathie sur les femmes et les hommes qu’il rencontre en Afghanistan, au Liban, à New York… Sans nostalgie, il clame que le photojournalisme n’est pas mort. Les documentaires qu’il réalise depuis les années 1980 avec sa compagne, Claudine Nougaret, parlent toujours du présent : le monde paysan, les urgences psychiatriques, le tribunal correctionnel, les « Afrique(s) »… Il sait écouter et parler à toutes les strates de la société. Ses yeux bleus font le reste.   


PAS CLICHÉ

Les murs colorés et les cadres en aluminium donnent aux tirages noir et blanc un aspect moderne, presque pop. Nous sommes en 1961, à Alger. Le référendum pour l’autodétermination débouchera sur les accords d’Evian en mars 1962. L’indépendance de l’Algérie après 7 années de guerre. Raymond Depardon est envoyé par l’agence Dalmas pour remplacer au pied levé un reporter coincé au Congo. Il observe les rues : bancs publics, terrasses de cafés, une femme voilée, une autre en robe occidentale, une rixe entre deux hommes de générations différentes, une foule observant les journaux sur le trottoir, une famille de pieds-noirs inquiète sur un balcon haussmannien ou un vieil homme en caleçon drapé dans un rideau… C’est une période d’entre-deux qui n’est pas celui des combats, ni celui de la libération. Personne ne voulait de ces images, dit le photographe, ni le FLN, ni l’OAS. Soixante ans après les faits, Depardon les restitue aux Algériens. Il prend contact avec l’écrivain Kamel Daoud et retourne en 2019 à Alger puis à Oran. Les textes de l’intellectuel, obscurs, contrastent avec la fraîcheur d’un jeune homme tout juste sorti de l’enfance.   


UNE FORME OLYMPIQUE 

Depardon a couvert 6 olympiades durant sa carrière. Aux JO de Tokyo, en 1964, le photographe apprend à anticiper l’action. Il travaille au téléobjectif 300 mm, en rafale. Les images se donnent d’un bloc dans la grande salle aux couleurs des anneaux olympiques. De grands tirages montrent la Roumaine Nadia Comaneci exécutant un salto arrière à Montréal en 1976, ou le nageur Mark Spitz, petite moustache et slip aux couleurs du drapeau américain, jaugé par un membre du jury en petits souliers. Il faut s’approcher pour découvrir les séquences en marge de la performance sportive, « les temps faibles », le hors-champ : la détresse de Michel Jazy qui termine 4 e au 5 000 mètres, consolé par le vainqueur, Bob Schul. À Munich, en 1972, il assiste à la prise d’otage des lutteurs israéliens par l’organisation terroriste palestinienne Septembre noir : 18 morts. Il capte le dernier regard d’un athlète à travers les vitres du bus, puis le même endroit quelques secondes plus tard, vide. L’aventure des JO s’arrête pour Depardon en 1980 à Moscou, quand l’agence de presse demande des photos en couleur.   

Raymond Depardon, Les Jeux Olympiques 1964-1980, Frac Bretagne Rennes, jusqu'au 5 janvier 2025.

Son œil dans la main - Algérie 1961 & 2019, Rural, Les Champs Libres, Rennes, jusqu'au 5 janvier 2025. 


Panaché estival


Xavier Veilhan, Sans titre (La Moto), 1992, œuvre réalisée dans le cadre des IXe Ateliers Internationaux du Frac des Pays de la Loire

Cette mini-rétrospective de Xavier Veilhan ressemble à un collage cubiste. On y trouve des mobiles arrêtés dans leur mouvement en hommage à Calder, une guitare géométrique en contreplaqué tout droit sortie d’une nature morte de Picasso, des sculptures constructivistes et des silhouettes en chute libre réalisées à partir de papier découpé… mais aussi une série de peintures de pigeons à échelle  1:1, un prototype de moto en mousse polyuréthane (emblème de la collection du Frac) et un rhinocéros rouge aussi brillant qu’une carrosserie de voiture. L’ensemble se présente de manière frontale, de plain-pied avec les visiteurs – d’où le titre de l’exposition. L’installation a l’élégance d’un show-room au design écolo conféré par les socles en carton du scénographe Alexis Bertrand. Un environnement flottant qui emprunte autant à l’histoire de l’art qu’à celle du graphisme ou de l’objet en série.   Ilan Michel

De plain-pied - Xavier Veilhan, Frac des Pays de la Loire, Nantes, jusqu'au 1er septembre.


Utopie, mode d'emploi


Vue de l’exposition Power Up. Imaginaires techniques et utopies sociales au Grand Café – centre d’art contemporain, Saint-Nazaire, 2024. Photographie Marc Domage.

Comment changer nos modèles d’infrastructures à l’ère de la crise écologique ? C’est la question que pose cette exposition très fouillée sous-tendue par un idéal social : la mise au service de la technique pour le plus grand nombre. Pas d’exposé théorique ici, mais des propositions concrètes, poétiques, empiriques qui prennent le problème à la racine. En guise d’introduction, un papier peint inspiré des dessins du Nazairien Jacques Dommée pour une sphère panoramique abritant à la fois des appartements de standing, un colonie de vacances et un arsenal de défense en 1940 et qui aurait dû s’ériger au milieu de l’Estuaire…  En regard, une carte mentale de projets expérimentaux réalisés ou non le long de la Loire, signé par la graphiste Charlotte Vinouze. Au revers, des dessins inédits de Claude Parent prenant les vagues comme modèles de « fonction oblique » (pan incliné) répondent au schéma de Yona Friedman qui imagine en 1956 la fin du réseau routier au profit d’une architecture nomade. Coup de cœur pour les projecteurs de jardin de Véronique Joumard qui modulent l’intensité de l’éclairage selon le bruit environnant ou comment matérialiser le son de l’activité humaine. I.M.

Power Up, Imaginaires Techniques et Utopies Sociales, Le Grand Café, Saint-Nazaire, jusqu'au 1er septembre.



La ville sous psychotrope

Du couvent des Ursulines à la médiathèque en passant par l’hôtel de ville et la chapelle de l’hôpital, cette mini-biennale d’art contemporain organisé par le centre d’art contemporain fait vibrer la charmante ville de Château-Gontier à coup de couleurs punks, de gags visuels et d’installations totalement décalées. 4e édition et pas une ride !

Texte / Ilan Michel


Victoria Klotz, Les hôtes du logis, 2013 - Gontierama 2024 - Le Carré, Scène nationale -Centre d’art contemporain d’intérêt national / Pays de Château-Gontier - photo Marc Domage

L’ambiance est festive à Château-Gontier ! Cette nouvelle édition du festival réveille les vieilles pierres du centre-ville à travers un parcours joliment culotté. Devant l’hôtel de ville, sous l’enseigne de Pierre Ardouvin qui scintille grâce à de petits moulins argentés, la Green Line Marching Band fait voler des milliers de confettis. « Qui sème le vent ? » questionne le panneau métallique. Au Musée d’art et d’histoire, les drapés en grès émaillé de Clémence van Lunen contrastent avec une porcelaine aux articulations déformées inspirées de la course des nuages et du dragon chinois. Entouré de bustes antiques et à proximité d’une colonne vertébrale de cétacé (!), la sculpture devient le fossile le plus précieux de ce cabinet de curiosités. À travers les rues, Elsa Tomkowiak déploie ses couleurs flashies de la médiathèque au centre hospitalier où l’artiste a travaillé 8 mois avec les patients du service psychiatrie. Ces dégradés francs et saturés, réalisés in situ, ont la volupté des ciels baroques passés sous psychotrope. Au 4Bis, ancienne salle de classe au papier-peint fleuri, Anne Brégeaut présente Mes Insomnies, une série de peintures hallucinatoires et de vases anthropomorphes. Ces visions de cauchemar, entre le conte fantastique et la légende médiévale, font ressurgir les histoires qu’on aimait se raconter enfants pour se faire peur. On sort de là tout sautillants et remplis d’images aussi absurdes que poétiques.  

Gontierama, Château-Gontier, jusqu'au 25 août. 


Un alliage réussi


Caroline Mesquita, CuCo & CO (2024), HAB Galerie du Voyage à Nantes © Jean-Christophe Lett _ LVAN

Caroline Mesquita aime le laiton, métal faussement précieux qu’elle presse, roule, plie, soude ou moule pour créer des pantins tubulaires, des animaux aussi grands que des humains, des mains de géant de carnaval ou des gouttes d’eau ! Originaire de Brest, cette artiste de 35 ans maîtrise l’art du conte et de la mise en scène. Si l’histoire commence par un homme esquissant un pas de deux à côté d’une fontaine à la Harry Potter, les cercles éparpillés au sol nous conduisent vers une usine à rêves. À l’intérieur, une salle évoque l’atelier avec sa dizaine de figurines à la Fernand Léger, un silo est tapissé de plaques de laiton et une structure polygonale accueille de fascinants monochromes présentant différents degrés d’oxydation. L’exposition se termine par une petite construction surmontée d’un chat (celui d’Alice ?) et munie de judas. On y découvre, en stop-motion, l’artiste parmi les sculptures qui prennent vie comme par magie. Une exposition rafraîchissante qui réveille notre âme d’enfant.   Ilan Michel

Caroline Mesquita - Cuco & Co, Hab Galerie, Nantes, Jusqu'au 29 Septembre.


Partir un jour

Bruno Peinado, Sans titre, une figure embarquée 2013, collection Frac Bretagne © Adagp, Paris © Marcel Dinahet

À l’occasion des Fêtes maritimes, le Frac expose sa collection aux Ateliers des Capucins. Sur la mezzanine de l’ancien Arsenal de Brest, les œuvres ont pour fil conducteur le thème du voyage. Plusieurs séries de photos jouent la carte régionale : Michel Thersiquel est parti sur les traces des dernières bigoudènes, tandis qu’Aurore Bagarry a dressé un autre portrait du territoire, celui des roches millénaires de chaque côté de La Manche… Ses prises de vue frontales nous font sentir la rugosité des quartz, la tendresse de l’herbe, la douceur des pierres polies par les vagues et les strates géologiques, violettes, ocres et vertes dont la masse a peut-être épuisé le temps. Si la pièce la plus monumentale est celle de Bruno Peinado, un cheval de Troie maculé d’encre de Chine, réalisé pour le Musée de la Compagnie des Indes de Port-Louis en 2013 (où il prenait tout son sens), c’est bien l’Atlas de Nelly Monnier et Eric Tabuchi, un inventaire subjectif, incongru et surréaliste de la région, qui nous invite, à notre tour, à arpenter le monde.   I.M.

Arpenter Le Monde, Les Ateliers des Capucins, Brest, du 22 juin au 22 septembre.


Un été Sorin

Pierrick Sorin, Pierrick on the moon, 2018, théâtre optique. Courtesy de l’artiste. Photo : © Pierrick Sorin. © Adagp, Paris, 2024

On en a déjà parlé dans le précédent numéro et il l’évoque lui-même dans sa chronique (page 79) : Pierrick Sorin est doublement présent cet été à Nantes. En parallèle de la grande exposition présentée dans le patio et la Chapelle de l’Oratoire du Musée d’arts, tout le monde aura la chance de visiter son atelier lors du Voyage à Nantes. Bienvenue dans un monde drôle, réjouissant et décalé. Que ce soit au Musée ou dans l’Atelier, des vidéos pour voir les choses différemment. Comédien dans l’âme, Pierrick dynamite les faux-semblants et nous entraîne jusque dans l’absurde. Des univers tous plus inventifs les uns que les autres avec une bonne dose d’autodérision. Pierrick écrit sur son process de création dans chaque Kostar depuis le numéro 1. À l’occasion, vous pourrez relire ses chroniques sur kostar.fr Il en fait d’ailleurs la promo dans la vidéo qui évoque son parcours au Musée.   Patrick Thibault

Pierrick Sorin - Faire bonne(s) figure(s) Musée d'arts, Nantes, jusqu'au 1er septembre. Pierrick Sorin - Derrière La Porte 25 rue Fouré, Nantes, du 6 juillet au 8 septembre.


Le peintre calligraphe


INTUITION DE LA VOLONTÉ 3 © LassaâD Metoui

Poète, peintre, calligraphe, Lassaâd Metoui développe une œuvre puissante et colorée dont la source se situe à Gabes, en Tunisie. Entre la mer et la désert, c’est là qu’il s’initie aux règles de la calligraphie. Venu en France, il s’installe à Nantes, élargit son vocabulaire formel, s’intéresse à la peinture occidentale. De ses études et rencontres, il acquiert une maîtrise savante et une ouverture d’esprit lui permettant de faire bouger les lignes pour investir un espace hybride, entre la peinture et l’écriture. Ses lignes se déploient, noires, absorbantes, s’éparpillant en une multitude de points, de cercles se chargeant d’éblouissantes couleurs. Les signes, lignes, couleurs de Metoui scandent l’espace de la toile, rebondissent, s’éparpillent, s’atomisent, se diffractent, à la recherche de ce qui pourrait être un chant venu des profondeurs, une harmonie universelle.   Christophe Cesbron

Lassaâd Metoui, Ivresse de l’encre Château des Ducs de Bretagne, Nantes, du 6 juillet au 22 septembre.


La surprise Bernard Buffet


Bernard Buffet - Le petit duc, 1969, huile sur toile, 65x54cm

Tout l’été, l’Abbaye royale de Fontevraud multiplie les propositions culturelles. Parcours d’art autour de Yann Lacroix et Nicolas Daubanes. Journée Aliénor, parcours nocturne Les Étoiles… Et pour le troisième été du Musée d’Art moderne, une grande exposition Bernard Buffet. L’occasion de découvrir ou re-découvrir celui qui fut considéré après-guerre comme "le plus grand peintre français". Aujourd’hui, sa démarche fascine et interroge la mémoire collective. Cette imposante exposition de plus de soixante-dix œuvres révèle un peintre qui surprend parce qu’il mêle la peinture aux codes de l’art populaire (bande dessinée, publicité…) pour une réinterprétation très personnelle. Une rétrospective événement enrichissante dans la mesure où elle restitue l’artiste dans toutes ses dimensions !   Julie Baron

Bernard Buffet médiéval et pop Musée de l’Abbaye Royale, Fontevraud, jusqu’au 29 septembre.


Les métamorphoses de Johan Creten



vue de l'exposition © Kostar

Depuis l’été dernier, une grande sculpture en bronze de Johan Creten est implantée, tout près du bain de Diane, dans le magnifique parc de la Garenne Lemot. Étrange, mystérieuse, elle semble s’ouvrir lentement, comme une plante tentaculaire, organique, animale, fascinante. Cette année, l’artiste investit la Villa, présentant un ensemble impressionnant de bronzes et de céramiques, déclinant, de salle en salle, les différentes formes issues du monde qui le traverse : un monde énigmatique dont il révèle, tel un archéologue, l’architecture, les signes, les mythes, la culture, les cosmogonies. Ses sculptures, toutes issues de la terre, modelées, cuites, émaillées ou fondues dans le bronze, débordent d’émotions, révèlent les mouvances, les plis, les dégradés, les hybridations fossilisées d’un imaginaire en perpétuel ébullition.  Christophe Cesbron

Les Fabriques ou la rage des utopies, Johan Creten Domaine de La Garenne Lemot, Gétigné-Clisson, jusqu’au 29 septembre.


Queer social club


Rasmus Myrup, That Bitch [Kællingen], 2023, roches minéralisées et sable noir des îles Féroé, chaînes en argent, robe à une manche personnalisée, sweat à capuche et pantalon de survêtement, baskets « The Beast », worbla, bois, aluminium © Jhoeko

Dans une ambiance de bar associatif, 26 mannequins de bois, de mousse ou de roses posent pour la Fashion Fripe. Rasmus Myrup, artiste danois de 33 ans, rassemble ici un bestiaire inspiré des dieux nordiques et des super-héros de comics américains. Le temps semble suspendu dans les coulisses de ce défilé de mode de seconde main. Chaque personnage est vêtu de tenues extravagantes réalisées « sur-mesure » – manteau de fourrure, bustier léopard ou pantalon de costume rayé aux bas cousus de perles. Le contraste entre les matières naturelles (sorbier, tilleul ou argile de Brocéliande) et les strass ou les briques de lait affirme haut et fort la double identité qui nous constitue. Si le résultat a un léger goût de déjà vu (évoquant les ateliers de confection participatifs), on ne peut que saluer cette communauté drag hyper stylée.   Ilan Michel

Rasmus Myrup, Salon des refusées, La Criée - Centre d'art contemporain, Rennes, jusqu'au 8 septembre.


L'homme aux portraits


Quartier d'Hibiya, Tokyo, Japon, 1965, Henri Cartier-Bresson © Fondation Henri Cartier-Bresson Magnum Photos

Henri Cartier-Bresson a longtemps été cantonné au principe de l’« instant décisif », jusqu'à devenir un poncif du métier de photographe. Co-fondateur de l'agence Magnum en 1947, il est connu pour ses images à la sauvette. « Un portrait, c'est comme une visite de politesse de quinze, vingt minutes », disait-il. « On ne peut pas déranger plus longtemps, comme un moustique qui va piquer. » Cartier-Bresson a toujours préféré rester incognito. Étrangement, cette rétrospective a la coquetterie de débuter chacune de ses 23 sections par un portrait. Comme au Centre Pompidou en 2014, les 300 tirages présentés ici soulignent surtout son côté « multi-facettes » : surréalisme, presse communiste, cinéma, et surtout ses reportages pour Life ou Paris Match – Seconde Guerre mondiale, congés payés, guerres d'Espagne, décolonisation… À noter, dans le catalogue, le joli texte de Marie N’Diaye, qui avait déjà écrit une étonnante nouvelle inspirée de l’image d’une femme entre deux eaux à l’été 1998.   I.M.

Henri Cartier-Bresson, Fonds Hélène et Édouard Leclerc, Landerneau, jusqu'au 5 janvier 2025.


C'est de la bombe

L’exposition est d’envergure. Le principe : faire une histoire du graffiti à travers la bombe aérosol. Le parcours nous conduit à l’origine de cette pratique, de 1960 à 1986. New York – Paris – la Bretagne. 

Texte / Ilan Michel


Mind, Photographie d'une panel piece sur un wagon de la Ferrovia Norde, 2019, collection Mucem, Marseille © Mucem Marianne Kuhn

L’intérêt des musées pour le street art n’est pas nouveau. Palais de Chaillot en 1991, Fondation Cartier en 2009 (qui élargissait au Brésil), Lieu Unique en 2011 avec la collection graffiti du Mucem, à Marseille... On a rarement vu une approche du sujet aussi scientifique. La chronologie de la bombe, utilisée dans les années 1950 pour repeindre sa voiture ou dégraisser son four, rappelle qu’il faut attendre 1992 pour que Dupli-Color en commercialise une version artistique… L’outil est léger, facile à dissimuler, détourné durant la guerre d’Algérie, mai 68, pour le droit à l’IVG.   Les artistes s’en saisissent : Zlotykamien, Villeglé, Ben ou Hains – une de ses palissades est même exposée ! Les groupes punks et rocks (Diesel en 1977) se font connaître par les bombages qui leur valent plusieurs nuits de garde à vue. À New York, pour marquer leur territoire, les ados taguent leurs noms sur les métros. À Paris, en 1984, la RATP invite Futura2000 à détourner ses publicités !   L’exposition équilibre avec brio les photos d’archives et les traces matérielles du mouvement – matrices de pochoirs, t-shirts peints, carnets de bord des graffeurs, portes de métro, maquette de wagon issus de la collection du Mucem… Un projet très dense qui nécessite de s’y reprendre à deux fois pour tout absorber.  

Aérosol - Une histoire du graffiti, Musée des beaux-arts de Rennes, jusqu'au 22 septembre.


Skatebord et JO

© Fred Mortagne, SUD DE LYON 2013, SKATER CHARLES COLLET

Elles ne sont pas si nombreuses les villes qui ont joué la carte olympique. Labellisée “terre de jeux” pour les JO 2024, Vannes présente pas moins de 7 expositions jusqu’à la fin des jeux paralympiques. Au Kiosque, on retrouve le photographe lyonnais Fred Mortagne. Connu sous le pseudo de French Fred, cet autodidacte est tombé dans le skate à 8 ans et n’en est jamais sorti. Quand on regarde ses photos, on n’est pas étonné qu’il soit passé par la vidéo puisque ces images traduisent le mouvement. Toujours en noir en blanc, il inscrit les skateurs en lévitation dans des lignes architecturales ou géométriques. Traqueur d’ombre et de lumière, Fred Mortagne fait de l’espace urbain son terrain de jeu. Lui qui est passé par tant d’interdits et de zones de non-jeu dans la ville se félicite que le skate ait fait son entrée aux JO. Même si “la flamme rebelle” ne va pas s’éteindre.   Patrick Thibault

Fred Mortagne, Allez jouer ailleurs ! Le Kiosque, Vannes, du 20 juin au 15 septembre.


Soleils d'été


visuel © Min jung-yeon

Pour ses 30 ans, L’Atelier d’Estienne crée l’événement. Christian Mahé, son directeur, a choisi de donner carte blanche à une seule artiste. L’Art chemin faisant, traditionnel parcours d’été – puisqu’il existe depuis 26 ans – invite donc en solo show sur 7 lieux l’artiste coréenne Min Jung-Yeon. Elle convie donc à Pont-Scorff différents médiums pour un voyage exceptionnel dans l’imaginaire. Entre réalisme et abstraction, peinture, dessin, installations… Pour le lieu, elle réinterprète l’installation Tissage, réalisée pour le Musée Guimet en 2019. Tout ça part de l’histoire d’un poisson dont les écailles se transforment en plumes pour devenir oiseau. Le tout magnifié par l’effet miroir sur les murs. Il restera des traces de ce passage de l’artiste à Pont-Scorff. Mémoire, souvenirs… Attendez-vous à être touché.e.s en plein cœur.   P.T.

Min Jung-Yeon, Autres Soleils, L’art chemin faisant, Pont-Scorff, du 23 juin au 22 septembre.


Repaire artistique


Alix Delmas, Paysage forestier et personnages © Philippe Rolle © Adagp

Le RU – Repaire Urbain s’impose comme une nouvelle ruche de l’art contemporain. À l’occasion des 40 ans de l’Artothèque – qui se situe au RU –, on a donc une exposition en deux volets – Traversée #1 (de mai à septembre) et Traversée #2 (d’octobre à février) pour découvrir une sélection d’œuvres acquises pendant ces 40 années. Et, elle est riche cette collection de l’Artothèque. Un hommage sera d’ailleurs rendu à Joëlle Lebailly, fondatrice et directrice pendant 30 ans, à travers une œuvre récente de douze artistes qu’elle a soutenus. Dans la grande salle du RU, l’exposition Paysages – Matière à pensées invite les artistes Anne-Lise Broyer, Grégory Markovic et François Réau à faire dialoguer leurs œuvres avec des grands noms des collections de l'Artothèque et du Frac des Pays de la Loire. Peinture, dessin, photographie, gravure, vidéo… réunis autour du paysage (naturel, idéalisé, urbain ou reflet des dégradations climatiques…). Avec de grands noms, tels Yan Pei-Ming, Gérard Garouste, Magda Gebhards ou Giuseppe Penone.   Julie Baron

Traversée # 1, Artothèque ; Paysages–Matière à pensées, Le RU – Repaire Urbain, Angers, jusqu’au 22 septembre.


Tapisserie chérie


Aubusson Le bain © Studio Nicolas Roger - Cité internationale de la tapisserie

Si la tapisserie vous paraît ringarde, il faut courir au Musée Jean Lurçat. L’exposition Aubusson nouvelle génération y mêle le savoir de la tapisserie traditionnelle de la Cité internationale d’Aubusson à la création contemporaine. Des artistes d’aujourd’hui y présentent des œuvres pour le moins surprenantes. Vincent Blouin et Julien Legras ont osé des casquettes détournant la couronne royale. Bina Baitel imagine une tapisserie dégoulinante dans une installation design. Marie Sirgue, conçoit une tapisserie en trompe-l’œil technique qui fait penser à du plastique. Christophe Marchalot et Félicia Fortuna nous accueillent avec une sculpture baignoire recouverte d’une tapisserie hérissée de pointes. À la frontière des arts plastiques et du design, l’exposition Aubusson nouvelle génération réjouit car elle repousse les limites de la tapisserie classique.   Patrick Thibault

Aubusson nouvelle génération, Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine, Angers, jusqu’au 5 janvier 2025.



Les autres expos de l'été


22

Fushikaden - Issei Suda, Centre d’art GwinZegal, Guimgamp, du 5 juillet au 13 octobre.


29

L’appel de la Mer, Musée des beaux-arts, Brest, jusqu'au 1er septembre.

Michele Ciacciofera - Han Bing, Passerelle, Brest, jusqu'au 14 septembre.

Pierre de Belay, Le tourbillon de la couleur, Musée des Beaux-Arts, Quimper, jusqu'au 30 septembre.

Les Balades photographiques de Daoulas 2024, Abbaye de Daoulas, jusqu'au 1er décembre.


35

Asit (The Avalanche) - Pınar Ögrenci, Frac Bretagne, Rennes, jusqu'au 22 septembre.

Chronique de l’oubli - Sorin Yoan, 40m cube, Rennes, jusqu'au 22 septembre.

Fragments d’échos - Simon Augade, les 3 cha, châteaugiron, du 6 juillet au 22 septembre.


44

Lauren Lee Mc Carthy - Que puis-je pour vous ?, Le Lieu Unique, Nantes, du 21 juin au 8 septembre.

Nous les vagues, MAT, Centre d'art de Montrelais, jusqu'au 6 octobre.

Ashes to Stitches - Céleste Richard Zimmermann, Zoo Galerie, Nantes, Du 5 juillet au 26 octobre.

Révolution d'un seul brin de paille, prix des arts visuels - Claire Amiot, Elise Hallab, Benoît Travers, Cément Vinette, L'atelier, Nantes, du 6 juillet au 8 septembre.


49

L’Étoffe des Flamands, Mode et peinture au 17e siècle, Musée des Beaux-Arts d'Angers, jusqu'au 22 septembre.

Christian Sorg- Peindre pour dire le monde,  Centre d’art contemporain Bouvet Ladubay, Saumur, jusqu'au 29 septembre.


53

Charlie Chine - La secrétaire est partie déjeuner..., Centre d'art contemporain de Pontmain, du 22 juin au 18 août.


56

L'art dans les chapelles, Morbihan, du 5 juillet au 31 août.


72

Regarde-moi - Jeanne Roualet, Les Quinconces, Le Mans, jusqu'au 29 juin.


85

L'hypothèse des doublures - Pierrick Naud, CYEL, La Roche-sur-Yon, jusqu'au 22 septembre.

Makiko Furuichi - Le vent, la vague, l'étoile, le Masc, Les Sables d'Olonne, jusqu'au 31 décembre.




Comments


bottom of page