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Un été dare d'art


Le pied, le pull-over et le système digestif, Daniel Dewar & Grégory Gicquel, Saint-Nazaire, Estuaire Nantes _ _ Saint-Nazaire © Franck Tomps _ LVAN

Dossier réalisé par Christophe Cesbron, Ilan Michel et Patrick Thibault Publié dans le magazine Kostar n°76 - été 2021


Ça nous a tellement manqué ! Les expositions, les musées, les galeries… des lieux fermés si longtemps… Comme si on pouvait s’en passer. Alors, depuis la réouverture, on se rattrape. Avec un appétit féroce, la rédaction de Kostar a repris la route pour retrouver l’art. À l’arrivée, on vous assure que les expositions de cet été 2021 en Bretagne et Pays de la Loire valent la visite. En intérieur, à l’extérieur… On vous dit tout car le fait de devoir reporter la sortie de Kostar nous a permis de tout voir ou presque. Nous espérons que vous aurez plaisir à mettre vos pas dans les nôtres. Sans risque de surexposition.

Le pied !

N’en déplaise à quelques esprits chagrins, les sculpteurs Daniel Dewar et Grégory Gicquel, lauréats du prix Marcel Duchamp, illustrent bien à quel point l’appel aux artistes a changé l’image de Saint-Nazaire. Plus ou moins immergées selon les marées, Le Pied, le Pull-over et le Système digestif sont trois sculptures monumentales qui perturbent le visiteur dans sa manière de voir le monde, l’art et la mer. Bravo.

Le Pied, Le Pull-over et Le Système digestif, Daniel Dewar et Grégory Gicquel, œuvre permanente.


Mouiller le maillot

© CACP 2021-Pascal Rivet

Ville de départ du Tour de France, Brest décline le vélo sous toutes les cultures. Belle initiative du Centre d’Art Contemporain Passerelle et du Musée des beaux-arts d’avoir invité Pascal Rivet. Né à Quimper en 1966, le régional de l’étape qui vit toujours à Brest, ne cesse de jouer avec le sport et plus précisément le cyclisme et la figure du champion. Avec humour, il rejoue en peinture des scènes clés veillant à intégrer la culture populaire dans l’art. En arrivant à Passerelle, la découverte de son panneau monumental comme un puzzle en relief, c’est un peu l’effet wouah. On jurerait l’effet Radeau de la méduse version cycliste ! À l’étage, on découvre une série de toiles plus récentes. Au Musée des beaux-arts, sa série Les silhouettes (des œuvres en bois) est intégrée au parcours de la collection permanente.

Pascal Rivet, Les Géants, CAC Passerelle, Brest, jusqu’au 11 septembre. Faut pas pousser, Musée des beaux-arts, Brest, jusqu’au 29 août.


Passerelles multiples

© CACP 2021 - Là où est la mer

Après Pascal Rivet (voir ci-dessus), Passerelle présente Là où est la mer, une exposition dans le cadre de Africa2020 qui réunit quatorze artistes de pays côtiers africains sur la thématique de la mer. Ils naviguent entre peurs et fascination abordant aussi bien des questions écologiques que migratoires, la problématique des femmes que des croyances ancestrales. Outre Chéri Samba, le plus connu, beau et luxueux travail de Willys Kezy à partir de sacs plastiques, Soly Cissé, Alun Be… À l’étage, c’est la première exposition monographique d’Achraf Touloub dans une institution en France. L’artiste marocain s’applique à mêler tradition et technologies pour questionner le réel. L’espace repeint en gris neutre nous plonge en immersion pour découvrir un travail troublant. Enfin, Johanna Cartier, jeune artiste bretonne en résidence à Passerelle, semble s’être bien amusée en mettant du kitsch dans l’univers masculin des compétitions hippiques.

Achraf Touloub, Les Arrivées ; Là où est la mer ; Johanna Cartier, Turfur, CAC Passerelle, Brest, 11 juin au 11 septembre.


Photorama

Itkonen Tiina / Festival Photo La Gacilly 2021

Belle initiative de structures passionnées de photographies qui se sont réunies pour proposer un parcours d’exposition assez hallucinant sur toute la Bretagne. L’édition Plein Nord du Festival Photo La Gacilly naturellement (1er juillet au 31 octobre), Les Champs Libres à Rennes (lire pages suivantes), le FRAC Bretagne sur les grilles de l’ancien tribunal de Pontivy mais aussi à l’Abbaye de Saint-Maurice à Clohars-Carnoët (Finistère), à Saint-Briac-sur-Mer ou encore Galerie du Faouëdic à Lorient. Lorient qui présente également Christopher Taylor et Marilia Destot, Galerie Le Lieu. Rendez-vous aussi Abbaye de Daoulas, Domaine de Trévarez, Galerie Albert Bourgeois à Fougères…

Une traversée photographique en Bretagne, jusqu’au 19 septembre. Festival Photo La Gacilly, Plein Nord, 1er juillet au 31 octobre.


Humains dites-vous

Enki Bilal - Photo Nathalie Savale © FHEL, 2020

Le terrain de jeu d’Enki Bilal, c’est la ville, le plus souvent dans des ambiances de science-fiction. Il y a donc quelque chose de déroutant à retrouver le travail de l’artiste au cœur de la Bretagne, à Landerneau. Auteur de bande-dessinée, peintre, cinéaste, l’artiste fait feu de tous les mediums. L’exposition, présentée pour la deuxième année, permet de parcourir ses thématiques à travers dessins, planches de BD, peintures ou extraits de films. Un parcours qui raconte la vision de l’artiste qui est celle d’un humain traversant l’Histoire en regardant vers l’avant comme il aime le rappeler. La force de l’exposition, c’est de véritablement réussir à capter tous les publics, au-delà des aficionados de la SF car c’est bel et bien une saga de l’humain et de l’humanité.

Enki Bilal, Fonds Hélène et Édouard Leclerc, Landerneau, jusqu’au 29 août.


Noirs et Blancs

© Jean-François Molliere

Trois ans après Debout !, l’exposition des œuvres de la collection Pinault à Rennes fait à nouveau très fort. En écho à la Bretagne, la thématique du noir et blanc entre particulièrement en résonance avec le Couvent des Jacobins.

Un choc, c’est ce qui attend le visiteur de l’exposition Au-delà de la couleur. Dès l’entrée, le buste de Jeff Koons et la Cicciolina aux côtés de la tête de mort de Damien Hirst. Question de vie ou de mort, face à Eros et Thanatos, vous savez que l’exposition va vous faire traverser les thématiques cruciales. Autour du cloître, les linceuls qui enveloppent les gisants de Maurizio Cattelan, à même le sol, résonnent particulièrement avec le Couvent des Jacobins et prouvent – s’il en était besoin – que le lieu amplifie les émotions provoquées par les œuvres. Toutes sont blanches mais la salle baptisée Tristesse blanche porte bien son nom. Une respiration dans la cour est bienvenue pour découvrir les Threshold Menhirs de David Nash. Petite salle mais grand choc face à Antoni Tapiès, Manolo Millares, Robert Ryman et Anselm Reyle : ici le noir et blanc sont les couleurs de l’ascèse. Less is more est une section pour les artistes de la seconde moitié du XXe siècle qui ont été très expressifs avec peu d’effets.

D’une manière générale, le noir et blanc s’accordent avec une expression radicale des artistes, sans emphase. C’est apparemment le goût de François Pinault qui aime la sobriété et a tenu à ce que Rennes bénéficie d’œuvres de premier plan en même temps que l’ouverture de son lieu parisien. Importante section photos pour retrouver Annie Leibovitz, Man Ray, Raymond Depardon, Hiroshi Sugimoto ou Richard Avedon pour dire la vérité mais aussi toute la dureté du monde et la barbarie. Que ce soit pour les Noirs ou les Blancs. Nouvelle respiration avec Le grand chic, une section consacrée à la mode. Apparition de la couleur, Bear and Rabbit on a Rock de Paul McCarthy. On termine à l’extérieur avec Coup de Tête, la statue monumentale d’Adel Abdessemed dont le noir du bronze accentue le caractère dramatique du coup de boule de Zidane sur Materazzi. Noir ou blanc, noir et blanc, Noirs et Blancs… toute la vie.

Au-delà de la couleur, Le noir et blanc dans la collection Pinault, Couvent des Jacobins, Rennes, 12 juin au 29 août.


Rennes capitale !

Le projet 4x3 © Erik Van der Weijde

Rennes passe à la vitesse supérieure et entre dans le circuit d’été de l’art contemporain par la grande porte. Profitant de l’exposition Pinault, elle capitalise en créant Exporama qui met en lumière le secteur des arts visuels. D’abord avec l’exposition complémentaire La Couleur crue mais aussi avec un véritable programme pour l’été. Les institutions (Musée des beaux-arts, Centres d’Art Contemporain La Criée et 40mcube, FRAC, Les Champs Libres), les galeries (Oniris, Lendroit, Capsule…), les artistes, les collectifs sont impliqués. Sur les 36 propositions labellisées Exporama, 21 expositions dont quelques-unes en extérieur (Thabor et autre jardins). Des visites organisées par Destination Rennes permettent de découvrir les œuvres d’art en ville. Rue Vasselot, un mur est mis à disposition de War et L’Outsider et Teenage Kicks en accueille dix tout l’été au Colombier. Les Tombées de la Nuit proposent des performances. Le début d’une aventure…

Exporama, Rennes Métropole, tout l’été 2021.


Tout couleurs !

Katharina Grosse / Flora Moscovici © J-M Salingue - Musée des beaux-arts de Rennes

Tout un symbole : l’exposition du Musée des beaux-arts qui s’installe en complémentarité de celle de la collection Pinault est programmée par le Musée mais aussi La Criée et 40mcube. Cette immersion dans la couleur crue est conçue comme un voyage en immersion qui multiplie les expériences. Le patio se prête à merveille à l’accueil de l’installation monumentale de l’artiste allemande Katharina Grosse tandis que les murs ont été peints par Flora Moscovici. La lumière étant changeante, on s’y perd volontiers selon les apparitions du soleil. Vous êtes ensuite invités à traverser la forêt orange de Ulla Von Brandenburg, interagir avec le mur (orange !) de Véronique Joumard. Place enfin à la couleur brute avec des œuvres qui – pour certaines – sont vivantes. De la matière brute au matériau, il n’y a qu’une salle et le pouvoir de l’artiste se fait plus prégnant. On entre ensuite dans un espace dédié à l’immatérialité de la couleur : rendez-vous avec Anish Kapoor, Perrine Lievens, Dan Flavin, Sarkis… Et on peut compter sur Florian & Michael Quistrebert pour nous faire vivre intensément l’expérience de la couleur grâce à une nouvelle vidéo. Vous passerez au rose dans la salle enfumée par Ann Veronica Janssens. N’ayez crainte : si vous en sortez le regard hagard, vous serez vite en capacité d’apprécier le mur agar-agar de Michel Blazy. Jolie traversée !

La couleur crue, Musée des beaux-arts, Rennes, 12 juin au 29 août.


Jeux de construction

2021 Jockum Nordstrom - La Criée / DR

Figure majeure de la scène artistique suédoise, Jockum Nordström n’est pas très connu en France. C'est dire le plaisir de découvrir son travail. Grâce à sa culture et à ses multiples références et expériences, il nous embarque très vite dans son monde, naïf et onirique, construit et déconstruit. Des collages, des dessins, des sculptures en carton… À chaque fois la capacité à nous projeter dans ses pensées, entre rêves et réalités. Dans ses dessins, on retrouve son talent du conteur: il faut dire qu’il est auteur de livres pour enfants. On s’attarde donc volontiers dans ses compositions. Ses sculptures ont gardé l’émerveillement de l’enfance, leur forme simple et bricolée contraste avec le côté massif des immeubles de banlieue dans lesquels il a vécu. Il nous fait tellement partager sa vision qu’on a même le sentiment qu’il a agrandi La Criée.

Pour ne pas dormir, Jockum Nordström, La Criée, Rennes, jusqu’au 29 août.


Phare Ouest

© Stéphane Lavoué - Laurie, employée de marée chez Ocealiance

Tout le monde doit entrer dans le monde de Stéphane Lavoué. Il présente aux Champs Libres une exposition qui peut réunir tous les publics. Portraitiste pour la presse, il est doué pour retranscrire l’émotion de la rencontre avec des personnes, toutes représentatives d’une communauté. La série L’Équipage réunit les portraits des habitués d’un bistrot de Penmarc’h et Les Mois noirs, le milieu de la pêche en mer mais à terre. Les deux séries sont d’une beauté plastique qui permet de découvrir la palette de couleurs du photographe. Il y ajoute des paysages qui, comme ses portraits, semblent emprunter à la peinture flamande. Ceux qui trouveront son travail un peu trop léché apprécieront la série Les Enchanteurs, réalisée pour l’exposition lors d’une résidence dans les Monts d’Arrée pour le Musée de Bretagne. Le photographe y est en quête des survivances de l’imaginaire légendaire breton. Et si vous en voulez encore, le parcours permanent du Musée de Bretagne est jalonné de photos de Stéphane Lavoué. De quoi affirmer le soutien de la structure à la photographie contemporaine.

Western, Stéphane Lavoué, Les Champs Libres, Rennes, jusqu’au 7 novembre.


Boule à facettes

FRAC 2021-Pauline Boudry Renate Lorenz Wall Neclace Piece - Photo © Aurelien Mole

Cet été, le Frac Bretagne joue la carte de la boule à facettes : trois expositions placées sous le signe de l’assemblage. Dans la grande salle du dernier étage, le duo formé par Pauline Boudry et Renate Lorenz met en scène des figures drag qui rappellent des moments d’utopies oubliés. La vidéo (No)Time (2020) convoque l‘univers du nightclub. Sur le dancefloor, chaque danseur alterne duo et impro collective de dance-hall, hip-hop ou danse classique après avoir traversé une porte coulissante de supermarché. Second volet de l’installation présentée à la Biennale de Venise en 2019, le dispositif contamine les néons de la salle suivante et fait du décor ou de l’accessoire des êtres à part entière. À l’autre bout du plateau, l’artiste américain d’origine italienne Francesco Finizio, enseignant à l’école d’art de Brest, crée un labyrinthe de cloisons aux papiers peints défraîchis rempli d’objets de récupération. Dossiers de chaises ou récipient culinaire aux airs de masques africains, posters de la Vierge… Cette esthétique du squatt agence le quotidien avec un humour teinté d’inquiétante étrangeté. Enfin, dans la petite salle du Frac sont réunis les sept finalistes du Prix Frac Bretagne – Art Norac. Parmi ces jeunes artistes bretons, on compte Camille Brunet & Paul Girard aux posters reproduits à l’encre de Chine et aux linogravures sur post-its jaunes disséminés dans tout le bâtiment, Samir Mougas et ses shurikens-emojis plantés dans les murs immaculés de l’institution, ou encore Corentin Canesson, le fameux lauréat, qui passe l’histoire de l’art au filtre de la pochette de vinyle, les anthropométries d’Yves Klein et les cernes expressionnistes de Bram van Velde mêlés aux titres de rock indé.

(No)Time, Go Ghost!, Mauve Zone, FRAC Bretagne, Rennes, jusqu’au 19 septembre 2021.


Futur antérieur

UFA le lieu unique - Larry Achiampong JeanKa Tambayi © David Gallard

L’Afrique et ses clichés, vaste entreprise. L’exposition UFA, comme Université des Futurs Africains, se concentre sur le futur. Des artistes-chercheurs, issus du continent ou de la diaspora, se demandent de quels savoirs et de quelles connaissances nous avons besoin pour construire l’Afrique de demain. C’est donc une exposition conceptuelle qui regarde vers demain sans oublier hier. Foisonnante, l’exposition a peut-être le mérite de perdre le visiteur. Il faut donc prendre le temps de s’attarder ici ou là pour écouter les extraits audio, regarder une vidéo… Ne vous attendez pas à une suite d’œuvres d’art contemporain, il s’agit d’abord de questionner le visiteur en faisant appel à plusieurs mediums. Drapeaux de Larry Achiampong, cabane bambou de DK Osseo-Asare et Yasmine Abbas, installation du collectif Lo-Det Film Factory… tous adoptent la position de l’histo-futuriste. Qu’est-ce que sera demain pour l’Afrique ?

UFA, le lieu unique, jusqu’au 29 août.


Expériences hypnotiques


Tony Oursler, Hypnosis Eye, 2015, aluminium, acrylique et écran LCD, diamètre 119,4 cm, photo : © Tony Oursler Studio

Concluant l’exposition Hypnose au Musée d’arts, l’installation de Tony Oursler, dans la Chapelle de l’Oratoire, apparaît comme une sorte d’étrange théâtre hypnotique et chaotique proposant au spectateur une série d’expériences drôles, troublantes, vertigineuses. C’est comme si l’on perdait conscience pour se promener dans un rêve déstabilisant, jouant sur nos perceptions spatiales, visuelles et sonores, multipliant les mécanismes, les références, les images, les sources sonores et lumineuses, trafiquant les ondes, fréquences qui sans cesse nous traversent, Oursler pointe et détourne avec autant de poésie que d’ironie, l’influence hypnotique que les médias exercent sur nos fragiles et réceptives consciences.

State_NonState, Le théâtre hypnotique de Tony Oursler, Chapelle de l’Oratoire, Musée d’arts, Nantes, jusqu’au 12 septembre.


L'heure du VAN

Ugo Schiavi, Le Naufrage de Neptune © Kostar

“N’ayez pas peur, ces gens sont bizarres mais pas dangereux, faites Le Voyage à Nantes”, nous dit Jean Blaise. Son programme réunit en effet des artistes qui ont souvent un rapport obsessionnel à l’œuvre avec toujours le virus de l’art.

Pas de changement de formule pour Le Voyage à Nantes qui triture, allonge et dévie sa ligne verte afin d’enrichir le parcours de nouvelles étapes. Au petit jeu de l’œuvre la plus photographiée, il y a Le Naufrage de Neptune d’Ugo Schiavi. Le sculpteur a imaginé une épave de bateau échouée sur la fontaine de la place Royale, laquelle représente la Loire. Plus de 7 mètres de haut et 15 de long, c’est assez spectaculaire ! À chacun de s’interroger pour savoir si on est dans le passé, le présent ou le futur. L’installation qui fait débat, c’est Versus, une piste de Roller Derby installée place Graslin. Ses détracteurs y ont vu le risque du bruit confondant peut-être skate et roller. L’agence Titan, créatrice, a voulu modifier le regard que l’on a sur cette place assez exceptionnelle conçue par Mathurin Crucy. Laurent Le Deunff, lui, ramène l’animal en ville avec toutes les mythologies qui l’accompagnent. Un castor sur un arbre couché est placé sur les vestiges de la porte médiévale du pont Sauvetout. Humour !

Jean Jullien, lui, continue de peupler le Jardin des Plantes de ses personnages fantaisistes. L’Observateur, Le Passeur et Le Siesteur font donc leur entrée. Côté expos, impossible de manquer Gilles Barbier à la HAB Galerie où l’on retrouve la quasi-totalité des pages géantes du Petit Larousse qu’il recopie à la main. C’est à la fois un travail de passionné stakhanoviste (il faut 400 heures pour une page !) et une plongée dans un autre monde, au pays des mots et des dessins, résolument à la lisière du passé et du futur puisque le dictionnaire papier est en passe de devenir une relique. Bianca Biondi, elle, investit Le Temple du Goût dont elle entend embaumer l’espace avec du sel, de la cire d’abeilles, des herbes aromatiques, de l’eau et de la lumière. Une sorte de rituel purificateur. Enfin, Ulla von Brandenburg revisite totalement Le Passage Sainte-Croix à grand renfort de tissus mais aussi de vidéos et sculptures.

Le Voyage à Nantes, du 3 juillet au 12 septembre.


Futur artistique

Julie Maquet, Les choses, 2018 © Julie Maquet

C’est plutôt une bonne idée de présenter l’exposition des lauréats du prix des arts visuels de la Ville de Nantes à l’occasion du Voyage… à Nantes. Mais surtout, ce qui change tout, c’est d'engager à chaque fois un commissaire extérieur qui associe aux œuvres des lauréats, des pièces empruntés aux institutions. Exit la présentation linéaire, bonjour à une véritable exposition dont les artistes se nourrissent les uns les autres. Benoit Baudinat, Anthony Bodin, Julie Maquet, Cendrine Robelin et Ariane Yadan, voilà le cru exposé. Il a le mérite de mettre en avant des mediums différents et des personnalités complémentaires. Julien Arnaud, le commissaire, entremêle la singularité de leurs pratiques et pose un regard poétique, critique aussi, sur nos futurs.

Ça ne m’intéresse pas la nostalgie d’un monde que j’habite déjà, L’Atelier, Nantes, du 3 juillet au 12 septembre.


Correspondances

DR

Le Domaine départemental de La Garenne-Lemot multiplie les motifs pour qu’on lui rende visite cet été. Si on y découvre le Bois de la Gorgone, composé d’arbres sculptés par Eva Jospin, l’exposition d’été se révèle riche en surprises et convaincante dans sa démarche. Elle met en perspective des pièces du Musée Dobrée et des œuvres d’artistes d’aujourd’hui venues du MACVAL, le Musée d’art contemporain du Val de Marne. Totalement décomplexés, les commissaires osent tout, jusqu’à l’anecdote. Ils ont vu juste, c’est à la fois réjouissant et plus profond qu’il n’y paraît. Souvenirs de mariage en entrée. Joli contraste entre le mur éphémère au présent évolutif de Michel Blazy et les sculptures antiques. Association de bijoux anciens à côté de la majestueuse suspension de pacotille d’Emmanuelle Villard. Le mandala en balles de Léa Le Bricomte face aux armes d’antan, comme une tentative de transformer les objets de guerre en objets de paix. Mention spéciale aux masques d’aujourd’hui d’Emo de Medeiros et sa proposition numérique qui nous laisse entrevoir le musée du futur.

Comme de longs échos, La Garenne-Lemot, Gétigné, jusqu’au 3 octobre.


La porte du soleil

Adrien Vescovi - Soleil Blanc © Marc Domage

Cette année, Le Grand Café n’a pas les honneurs du Life, reconverti en centre de vaccination. Après l’impossibilité d’y être l’an passé en raison de la crise sanitaire, c’est préjudiciable. Heureusement, avec Adrien Vescovi, Sophie Legrandjacques a trouvé un artiste qui habite véritablement le lieu par un travail puissant. Au rez-de-chaussée, on découvre en lignes parallèles des tissus tendus parmi lesquels on peut déambuler à la recherche de formes, de signes ou peut-être tout simplement d’un peu de quiétude. L’artiste superpose et aligne ses tissus qu’il a savamment colorés. Ils sont pour lui des tableaux paysages ou des pages de livres. Ce n’est pas parce qu’ils sont dans des tons pastel que le processus de coloration est court. Tel un alchimiste de la couleur, Adrien Vescovi travaille par succession de bains dans des pigments naturels. Il fait tremper, chauffer, refroidir, sécher… Ses tissus – pour beaucoup des draps anciens – sont porteurs d’une histoire, d’un vécu. Lui-même s’applique à les recycler en les réutilisant différemment d’une installation à une autre. La teinture n’étant pas fixée, elle évolue dans le temps. À l’étage, les tissus sont posés au sol, en superposition, non cousus. Les bocaux de ces décoctions diverses et variées sont présents comme dans son atelier. C’est d’une zénitude absolue. On s’y sent comme protégé du monde, à la recherche du soleil blanc. La forme ronde apparaît régulièrement tout au long de l’exposition. Assurément vous la rencontrerez.

Adrien Vescovi, Soleil Blanc, Le Grand Café, Saint-Nazaire, jusqu’au 19 septembre.


L'Afrique désenchantée

Expression(s) décoloniale(s) #2 _ Romuald Hazoumè, Tricky Dicey Die (TDD) Musée d histoire de Nantes © David Gallard _ LVAN

Dans la cour du Château, les œuvres de Romuald Hazoumè ne manquent pas d’intriguer. Forcément déconcertantes pour le promeneur, elles interrogent et donnent envie d’en saisir le sens et la portée. L’artiste béninois présente ici des pièces qui évoquent la situation de l’Afrique mais aussi celle de notre monde moderne. Il met le doigt où ça fait mal, dénonçant les trafics en tous genres. Petrol Cargo évoque le système D d’un peuple qui ne se résigne pas. Et ses ensembles de bidons de plastique, auxquels il donne un visage humain, en disent long sur l’esclavage moderne. Pour traiter des migrations, une installation puissante en forme de dé, composée de tongues de récupération avec la silhouette d’Alan Kurdi, l’enfant syrien retrouvé mort sur une plage de Turquie. Le dé aux faces inégales a aussi peu de chances de se poser que le migrant d’arriver à bon port. Le parcours se poursuit à l’intérieur où les pièces entrent en résonance avec les collections du musée d’Histoire de Nantes.

Romuald Hazoumè, Expression(s) décoloniale(s)#2, Château des Ducs de Bretagne, Nantes, jusqu’au 14 novembre.


Un nouveau musée

Fontevraud, Le Musée d'art moderne © Marc Domage

L’ouverture du Musée d’art moderne renforce la dimension de pôle culturel de l’Abbaye Royale de Fontevraud, même si le site était déjà bien doté. L’intérêt de ce musée ne tient pas tant aux 900 œuvres qu’il présente qu’au fait qu’il s’agit d’un fragment de l’histoire de l’art vue par l’œil d’un couple de collectionneurs. Après avoir réussi et fait fortune dans le textile, Léon Cligman n’a eu de cesse avec sa femme Martine de collectionner des œuvres qui étaient chacune un coup de cœur commun. Ils aiment les tendances figuratives de l’art de l’entre-deux-guerres et les artistes venus d’Europe de l’Est. On retrouve donc des œuvres des XIXe et XXe siècles : Bernard Buffet, Toulouse-Lautrec, Robert Delaunay, Kees Van Dongen, Edgar Degas, César, André Derain, Tal-Coat, Emil Nolde, Germaine Richier, Albert Marquet, Chaïm Soutine, Raoul Dufy, Edouard Vuillard, Juan Gris… mais aussi un grand nombre d’antiquités du monde entier. La donation des Cligman a donc permis la création du musée.

Musée d’art moderne, Abbaye Royale, Fontevraud.


Flux des âmes

© Léonard de Serres

Au creux de l’obscurité, dans le ventre de calcaire des caves de la maison Ackerman, sur les parois grossièrement taillées des voûtes, la merveilleuse et facétieuse Makiko Furuichi a fait apparaître d’étranges figures (sortes de Yokai) qui semblent ricaner et grimacer au grés des déplacements des lumières. Issus d’un imaginaire espiègle, des mythes japonais de son enfance, de l’art grotesque et fantastique, les apparitions de Makiko semblent émerger des accidents de relief de la paroi tout autant que de la créativité colorée, « visquouilleuse » et insaisissable de son cerveau. Avec elle, la peinture envahit, déborde, contamine, chatouille les espaces qu’elle investit avec de plus en plus de joie. Une autre installation de Makiko Furuichi est présentée dans les caves de l’Abbaye Royale de Fontevraud, toute aussi truculente !

Makiko Furuichi, maison Ackerman, Saumur ; abbaye Royale, Fontevraud.


Dur et doux

© David André

À Cholet, le coton a bouleversé l’activité textile en se substituant au lin. Mais le prisme de cette exposition consacrée au coton, c’est l’art contemporain. Une première salle est consacrée à l’imaginaire poétique, tandis que la seconde évoque la mémoire douloureuse liée à l’exploitation du coton. Les œuvres y expriment la souffrance et l’exil. Une troisième salle se consacre à la surabondance et au renouveau n’oubliant pas les questions écologiques. Points de suspension de Brigitte Bouquin-Sellès, concrétions de cotons-tiges de Cynthia Bridé que l’on croit sorties des fonds marins, Paraciel de Nicolas Tourte… Ballots d’exil d’Elisabeth Wadecki… Avant Mona Hatoum et son Keffieh, un carré de tissu blanc et noir également composé de cheveux de femmes. Une compression de jeans de César qui interroge sacrément la consommation. On arrive à Joseph Beuys pour une note d’humour avec sa Jambe d’Orwell. Au passage, on note la présence de Serge Crampon auquel le Musée d’Art et d’Histoire consacre une rétrospective intitulée Figure de style.

Coton, Dissonances artistiques, Musée du Textile et de la Mode, Cholet, jusqu’au 3 octobre.


Contemplation

Marion Verboom - vue expo Peptapon

Marion Verboom a visiblement été très inspirée par l’atmosphère mais aussi par l’architecture de la chapelle du Genêteil. Elle ose donc les correspondances entre les formes de son mobilier-architecture intelligent et audacieux et celles du lieu. La pâte de verre lui permet aussi de jouer avec la lumière qui, ainsi, se déplace en fonction de celle qui entre par les vitraux. De quoi installer une dimension mystique ou métaphysique bienvenue. Ses sculptures font appel à différentes matières : céramique, cristal, bois, plexiglas, led… des matières qui, chez elles, ne s’opposent pas mais se complètent pour valoriser des créations inspirées qui suscitent curiosité et encouragent l’introspection. Apex, Madone 1 et 2, Céphalon 1 et 2, Sliced Clouds, Sthènes, Gloye… À l’évidence, l’espace est habité par les sculptures de l’artiste. À chacun de ressentir leur présence et d’imaginer leur rapport au lieu et au monde.

Marion Verboom, Petpapon, Chapelle du Genêteil, Château-Gontier sur Mayenne, jusqu’au 29 août.


Pélerinage artistique

Armelle de Sainte Marie - Chapelle Saint-Jean, Le Sourn - Photo : Aurélien Mole

Le Morbihan compte plus de mille chapelles qui maillent le territoire et racontent l’histoire religieuse et sociale du département. Fortes, robustes, inscrites dans des paysages magnifiques (à l’orée d’une forêt, au cœur d’un village, incrustées sous un rocher ou s’élevant fièrement au milieu d’une prairie), elles portent dans leurs architectures les marques d’une dévotion à la fois humble et profonde. Les portails, les boiseries sculptées, les plafonds peints, les dallages de sol, les incroyables sculptures en bois polychrome possèdent cette force touchante, vibrante éveillant pour certain la foi pour d’autres la fascination.

Depuis 30 ans maintenant, plusieurs communes du Morbihan se sont associées pour créer une manifestation estivale d’art contemporain proposant des parcours de chapelles en chapelles, sortes de pèlerinages culturels ou promenades à l’échelle d’un territoire : un voyage dans l’espace, le temps, une rencontre entre un patrimoine et une proposition artistique contemporaine.

Et souvent, c’est stimulant, des résonances visuelles, sonores, contextuelles, conceptuelles se créent, transportant, déstabilisant, entraînant le visiteur dans une nouvelle dimension.

On aime particulièrement ses rencontres, ses sauts dans l’espace et le temps. J’aime ces promenades où il faut faire un effort pour trouver un lieu, parcourir un chemin, pousser une porte, entrer dans un nouvel univers et garder en mémoire ce moment de cristallisation, ce moment où quelque chose se passe. Et quand les artistes invités jouent le jeu, s’imprègnent du lieu, entrent en résonance, c’est magique.

L’Art dans les Chapelles fête ses trente ans, du 2 Juillet au 19 septembre.

L’art dans les chapelles est le fruit de l’association des communes de Pluméliau-Bieuzy, Cléguérec, Guern, Le Sourn, Malguénac, Melrand, Evellys (Moustoir-Remungol), Neulliac, Noyal-Pontivy, Pontivy, Quistinic, Saint-Barthélémy, Saint-Gérand, Saint-Thuriau.

Cette année, 14 sites patrimoniaux sont investis par des artistes. A découvrir également le long des circuits, 4 chapelles et églises remarquables : la chapelle Notre-Dame de Quelven (Guern), la chapelle Notre-Dame de la Houssaye, l’église Saint-Mériadec à Stival (Pontivy) et la chapelle Notre-Dame de Carmès (Neulliac).

Les artistes : Léa Barbazanges, Jesus Alberto Benitez, Charlie Boisson, Marina Gadonneix et Lisa Li-Lund, Laurence de Leersnyder, AnaÏs Lelièvre, Dominique Petitgand, Aurélie Pétrel, Pascale Piron, Jonathan Pornin, Armelle de Sainte Marie, Stéphane Thidet, Gabrielle Wambaugh, Edouard WoLton.


Onirisme

Perahim - Autour du grand fourneau, 1985 - musée d’Art moderne et contemporain, Strasbourg © Droits réservés

Le Musée des Sables d’Olonne a le chic pour organiser des expositions qui nous permettent souvent de redécouvrir des artistes. On parle plus souvent de Victor Brauner, alors que Jules Perahim est l’un des grands représentants de l’avant-garde roumaine des années 1930. Il se lie aux revues dada et surréaliste avant que son destin ne soit contrarié par la Seconde Guerre mondiale et l’avènement du communisme. Ce n’est que dans les années 60 qu’il s’épanouit pleinement en arrivant à Paris, Son œuvre est à la fois poétique et énigmatique, d’une imagination débordante avec une bonne touche de fantaisie et d’onirisme. Cette manière de réenchanter le monde fait un bien fou dans l’époque que nous traversons. L’exposition est somptueuse.

Perahim, De l’avant-garde à l’épanouissement. De Budapest à Paris, MASC, Musée d’Art Moderne et Contemporain, Les Sables d’Olonne, jusqu’au 26 septembre.


Musée haut

Emile Lecomte-Vernet, Femme Fellah, 1864. © Jacques Boulissière / Musée de La Roche-sur-Yon

On le sait, le Musée de La Roche-sur-Yon emménagera place Napoléon dans l’ancien Conservatoire. En attendant une nouvelle muséographie, Flashback est une exposition qui permet de raconter et suivre l’évolution du Musée. Et plus précisément de ses collections. Depuis les origines au XIXe où la collection ressemblait à celle d’un muséum d’histoire naturelle jusqu’aux œuvres récemment achetées, avec des points sur les plans et cartes postales anciennes. Le Musée est aujourd’hui le plus grand conservatoire d’œuvres de Benjamin Rabier et de Paul Baudry. Dans les années 1980, il se consacre à la photo et son fonds photographique est devenue une référence en France avec des pièces désormais historiques. C’est tout un pan d’Histoire que l’exposition d’été entend faire revivre à travers des œuvres et objets éclectiques et souvent inattendus.

Flashback, Le Musée d’hier à aujourd’hui, Le Cyel, La Roche-sur-Yon, jusqu’au 25 septembre.



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