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Une ville ailleurs : Nashville, par Theo Lawrence



Texte et photos / Theo Lawrence * Illustration Dino Voodoo pour Kostar Publié dans le magazine Kostar n°55 - avril-mai 2017


Depuis un an Theo Lawrence & The Hearts fait un malheur avec sa soul qui puise dans le rythm and blues. C’est comme si des frenchies revenaient dans les années 50 à 70 pour y faire carrière. Penchant rétro assumé, Theo nous emmène avec lui à Nashville sur les traces de ses idoles.


J’ai attendu toute ma vie de poser le pied dans le sud-est des États-Unis.

En débarquant en bus Greyhound à Nashville Tennessee, j’ai éprouvé une sensation de sérénité absolue, de celles qui vous enveloppent lorsque l’on rentre à la maison après un long voyage. Je me suis tellement passionné pour la culture et la musique de la région, le blues du Delta du Mississippi, la Country Appalaches, les films, les photos. Home sweet home. Je récupère sous un paillasson les clés d’une maisonnette en bois dans l’est de la ville.

Ma fiancée et moi sommes déterminés à profiter de chaque instant. Nous nous rendons à Mas Tacos Por Favor, le meilleur taco joint du coin, pour déguster un épi de maïs grillé, assaisonné à la perfection. On ne croise que des vagabonds lorsqu’on se déplace sans voiture dans les rues désertes de Nashville, ville de musique et d’air conditionné.

Une fois le ventre plein, je me mets en route vers Third Man Records, temple du vinyle. Un train de marchandises passe au milieu de la route. C’est un des rares endroits dans le monde où il est possible de s’émerveiller devant un Scopitone ou de voir sa voix se graver sur les micro-sillons, puis d’aller découvrir son 45 tours fraîchement pressé dans la cabine d’écoute. J’enregistre deux chansons de 2min30, en espérant secrètement croiser le Willie Wonka local : Jack White III, fondateur du label et héros de mon adolescence.

C’est encore un peu flottant sur mon nuage que j’y retourne ce soir-là pour une projection 16mm du film The Seventh Fire. La température avoisine celle d’une chambre froide mais rien ne peut entamer ma joie : le pop-corn est offert ! Je croise Ben Swank, le bras droit de Jack White qui me propose de le retrouver en douce après le film pour une visite guidée impromptue.

“Je reconnais l’entrée du lieu secret que je désespérais de trouver, le studio Easy Eye de Dan Auerbach ! ”

Everyday is a record store day : je m’adonne à mon activité favorite, la chasse au disque. Chez Grimey’s, je trouve une perle rare de la soul, Time and place de Lee Moses. À The Groove, pour une dizaine de dollars, je repars avec deux superbes disques d’Irma Thomas et des Staples Singers. En sortant, je me rafraîchis à l’ombre du porche d’un salon de beauté de South Nashville quand je crois apercevoir, juste en face, un œil énigmatique peint sur une porte. Je reconnais l’entrée du lieu secret que je désespérais de trouver, le studio Easy Eye de Dan Auerbach ! La contrainte de la marche à pied dévoile une face cachée et poétique de cette ville où l’histoire de la musique s’écrit à chaque coin de rue. En voiture, je ne me serais jamais arrêté devant cette porte. Il y a une moto sur le parking, Dan Auerbach et ses musiciens sont peut-être en studio mais personne ne sort.

Après avoir goûté au succulent poulet frit de Hattie’s B Hot Chicken et trouvé une jolie robe rose vintage chez Hot Zipper, nous improvisons une balade dans le Music Row, quartier où pendant 50 ans, compositeurs, artistes et producteurs cohabitèrent faisant la renommée culturelle de la ville. Au fil de mon exploration, j’admire le Ryman Auditorium (fief du Grand Ole Opry, la plus grande émission de Country Music des États-Unis entre 1943 et 1974) mais aussi d’autres studios d’enregistrement cultes comme le Studio RCA de Chet Atkins, ainsi que le Quonset Hut Studio des frères Bradley où furent immortalisées des chansons magnifiques comme Crazy de Patsy Cline ou I’m Sorry de Brenda Lee.

L’authenticité et le cœur vibrant de la ville sont cachés mais bien vivants. On les sent dans les Honky-Tonks comme le Station Inn ou au Belcourt Theatre où j’assiste au concert de William Tyler. Le public est très attentif et généreux. La force de la ville réside dans ses habitants. C’est leur amour inconditionnel pour la musique, leur sincérité et cette simplicité très caractéristique du Sud-Est qui en fait un endroit si chaleureux.

À l’aube, je saute dans un Greyhound direction Memphis, pour être à l’heure à la messe du dimanche, dirigée par un certain Al Green…  


Country of country !


Un peu paumé entre le Kentucky et l’Alabama, le Tennessee est un terre de traditions (Trump y a fait 70% !) et Nashville, sa capitale, rend hommage à Francis Nash, l’un des héros de la Guerre d’indépendance. C’est là que les plus grands (du King Elvis à Dylan) ont enregistré leurs disques.


Y aller

Le plus simple est d’intégrer une étape à Nashville (et Memphis !) dans le cadre d’un périple outre-Atlantique. Un aller-retour Paris-Nashville (via NYC, Atlanta, Minneapolis, Detroit…) peut en effet vous coûter la peau d’un Tennessee walk horse !


Y séjourner

La ville dispose d’un vaste parc hôtelier mais la carte bleue peut rapidement voir rouge. À moins de 150$/nuit, pas facile. Un peu galère tout de même. La solution ? Disposer d’une voiture et s’éloigner du centre.


Circuit Kostar

Nashville a des allures de ville de province et cultive volontiers son côté vintage. D’abord, la musique. Ensuite, la musique. Enfin… le whiskey. Un passage (presque obligé) au Country Music Hall of Fame dont les extensions datent de 2014 permet de revoir ses gammes dans l’histoire de cette “music city”.

Les fans ne manqueront pas de faire un tour au Studio B de RCA ou au Ryman Auditorium. Pour le folklore, on peut aussi passer une soirée au Grand Ole Opry, salle de concert mythique régulièrement bondée de touristes. Mais, pour beaucoup moins cher, il y a mieux à faire. Comme se perdre, le soir, sur Printers Alley. Vrai blues garanti dans une atmosphère authentique.

Il serait dommage de ne pas goûter à “la” spécialité locale – poulet frit nappé d’une sauce bien relevée et accompagné de frites au vinaigre du Prince’s hot chicken (sur Ewing Dr) et de ne pas faire un tour dans les toilettes (si, si…) de l’hôtel Hermitage qui, un jour, seront peut-être classées au patrimoine de l’humanité ! Et puis Nashville est (aussi) la ville de Jack Daniel’s et de ses nombreux cousins. Alors, santé !

Évidemment, on fera une escapade à Memphis. Un peu plus de 300 km pour mettre ses pas dans ceux du King. Le manoir de Graceland, une autre légende…

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