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Une ville ailleurs : Saint-Étienne par Terrenoire



Texte / Terrenoire * Photos / Terrenoire et Saint-Etienne Tourisme & Congrès Publié dans le magazine Kostar n°72 - octobre-novembre 2020


Puisque les villes ailleurs sont devenues un peu plus lointaines avec la crise sanitaire, Kostar entame un nouveau cycle. Nous partons à la découverte de villes véritablement ailleurs et pourtant plus près de chez nous… en France. On commence par Saint-Étienne, guidés par Raphaël et Théo, les deux frères qui composent le duo Terrenoire.


Saint-Étienne, c'est la maison. Terrenoire est un de ses quartiers, construit autour d'un puits de mine. Avec le temps, le charbon a noirci le sol, les murs des maisons, le visage des mineurs. Ce quartier, c’est là où nous avons grandi. C’est là où certains de nos ancêtres ont posé leurs valises, abandonnant leur pays pour tomber dans le trou de l’or noir. Terrenoire, c’est aussi le lieu où notre père est enterré, dans le cimetière coincé entre l’autoroute et les collines mangées par les ronces et les genêts. Les arbustes sur les hauteurs deviennent des explosions dorées quand arrive l’été. Le fait que nous choisissions ce nom pour définir notre musique, donne certainement une première indication sur Saint-Étienne : les gens d’ici sont viscéralement attachés à leur coin. Il y a quelque chose qui oscille entre l'embarras et la fierté quand on demande aux Stéphanois d'où ils viennent. Qu’on se le dise, ce n'est pas spécialement une belle ville, mais ce n'est pas non plus une horreur.

Sainté a le don de garder trop longtemps collées sur elle des affiches qui ne la racontent plus. On la dit grande ville de football mais le foot ne l'a plus portée très haut depuis plus d'un demi-siècle. Ville d'industrie, elle ne l'est plus, les mines et les fours de sidérurgies ont fermé, les uns derrière les autres, laissant seulement des cheminées endormies le long de l'autoroute. Aujourd’hui, c'est une ville avec des espaces vides, des espaces à remplir. Saint-Étienne ressemble à un texte à trous, c’est pour ça qu’il s’y passe quelque chose. Il y a enfin des énergies nouvelles à nommer, à raconter. La biennale du design fait venir le monde entier dans les anciens hangars de l’historique manufacture d’armes. Faisant côtoyer le passé révolu et les lendemains modernes de la pensée makers de ses apprentis designers.


“On a un souvenir d’une nuit de victoire où des arbres furent arrachés et brandis fièrement, comme des trophées verts.”

Le collectif de musique électronique Positive Education et tous ses satellites distillent une contre-culture acide, avant-gardiste depuis des années. Créant lors du Positive Education Festival, un des événements phares de la musique techno en France (même les Berlinois font le déplacement). Le Fil, salle de concert principale de Saint-Étienne, devient un véritable lieu de rencontres et de répétitions pour les jeunes musiciens, qui agit comme une vigie pour la musique du territoire, en plus d’apporter une programmation musicale d’importance pour la ville, tout au long de l’année.

Le Méliès est un des lieux phares de la culture à Saint-Étienne. Cinéma d’art et d’essai parfaitement implanté dans le décor de la ville depuis longtemps, il réussit à séduire les Stéphanois avec une programmation exigeante mais pas élitiste. Paroles et musiques, festival de chansons historique de la ville, fait venir depuis des décennies les artistes qui dessinent les contours nouveaux de la chanson française. 

Parlons quand même de foot. Qui, malgré les résultats en dents de scie, reste la religion du coin. Tout le monde y croit avec plus ou moins de fanatisme. On a un souvenir d’une nuit de victoire où des arbres furent arrachés et brandis fièrement, comme des trophées verts. Preuve parmi d’autres de folies rituelles créées par le dieu Ballon.

Pour nous maintenant, Saint-Étienne, ce sont des visages d’artistes. Ils sont en train de réécrire par petites touches une nouvelle histoire de la ville. Tous les musiciens, artistes du coin revendiquent leurs origines foréziennes. Ça fait partie des choses qu’on raconte quand on a la chance de pouvoir sortir de notre bled. Celles des musiques assez sophistiquées, étranges qui dénotent avec le reste de la production française. Je pense à La Belle Vie, à Fils Cara, à Zed Yun Pavarotti, Felower, Cœur ou encore Claustinto. Plus le temps passe, plus on avance dans nos vies musicales avec les copains. Plus on se rend compte que la singularité de notre coin nous a poussés à nous inventer, à nous échapper. Que cette image de ville pauvre et à l’abandon nous a poussés à trouver un ton, un langage particulier. Celui des gamins qui ont certainement plus de choses à embellir que les autres.


Terrenoire les forces contraires, 1er album.

L'épopée verte avec Terrenoire, Zed Yun Pavarotti, Fils Cara, Cœur, La Belle Vie, le fil, 3 octobre.


Il en est de Sainté comme d’autres villes industrielles faisant le grand écart entre un passé révolu et un avenir encore incertain. Comme Liverpool ou Charleroi qui ont vu disparaître leurs activités traditionnelles. Des villes contraintes de se réinventer. Des villes qui ont en commun d’avoir placé la culture au cœur de leurs projets.

Circuit Kostar

Bien sûr, le “vieux” Saint-Etienne est toujours là avec cette rue des Martyrs, la place Jean-Jaurès… où on fait la fête en fin de semaine et les soirs de match. L’ancien site de la Manu a laissé place, en 2009, à la Cité du design. Autour se développe tout un quartier de la création. On y trouve, par exemple, la Fabuleuse cantine, un lieu de vie pas comme les autres, au croisement de la cuisine créative et de la lutte anti-gaspi. Autre espace de convivialité, en pleine transformation, les anciennes halles Mazerat où on viendra faire son marché ou simplement grignoter entre amis.

Si les amateurs de foot n’oublient pas d’aller faire un tour du côté du “Chaudron” et du musée de l’ASSE, on retrouve l’Histoire de la ville et de sa région au Puits Couriot, ce parc-musée qui retrace le passé minier de la ville. Là, au siècle dernier, 1 500 personnes travaillaient à 700 mètres sous terre. Une galerie a été reconstituée, on y visite des chantiers d’extraction, on y comprend les conditions de travail des “gueules noires”…

Sainté, c’est aussi l’architecture d’aujourd’hui. Avec un élégant Zénith dessiné par Norman Foster, un vieux Palais des arts (inauguré en 1833 !), redessiné par Didier Guichard et devenu le Musée d’art moderne et contemporain ou cette cité des affaires, à Châteaucreux, signée Manuelle Gautrand…


Y aller

En train (histoire de soigner son bilan carbone), c’est un peu long, passage par Paris oblige. Compter entre 5 et 6 heures. Par la route, les Angevins sont certes un peu avantagés mais il faut avoir un peu de temps… Saint-Étienne est une ville qui se mérite !


Y séjourner

Optez pour le centre historique. Nombre d’hôtels, en fonction de votre budget, permettent de partir à la découverte de Sainté à pied. L’Appart Four Seasons, proche de la gare, ne manque pas d’intérêt. Aux environs de 70 €/nuit. Pas très loin, perché sur sa colline, le quartier de Crêt de Roc, un morceau de ville éco-responsable, fourmillant d’initiatives originales, avec des solutions d’hébergement B&B.


S'y restaurer

Ne dites pas à un Lyonnais que les quenelles sont une spécialité stéphanoise, il pourrait le prendre mal. On en déguste d’excellentes, par exemple, au Bistrot de Vingré. Autres spécialités, chères aux Stéphanois, la râpée et les bugnes. On peut déguster la première dans le restaurant éponyme de la rue Privas. Les bugnes, elles, sont les beignets incontournables du Mardi-Gras mais pas que… Et puisqu’on parle douceurs, les gourmands ne rateront pas les Ateliers Weiss, chocolatier de référence depuis 1882. Enfin, les amateurs de bière courront à la Brasserie Stéphanoise, dans le quartier de Bellevue. Une institution ressuscitée par deux jeunes passionnés.

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