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Christophe Miossec et Mirabelle Gillis, boucler une boucle


Interview / Nora Moreau * photo / Marie Planeille Publié dans le magazine Kostar n°72 - octobre-novembre 2020

25 ans plus tard, Miossec ressort Boire, ce premier album phare, qui s'accompagne d’un mastering et d'un livret de 28 pages, comprenant photos et témoignages inédits. Il entame une tournée avec sa compagne et violoniste Mirabelle Gillis qui met également en lumière une collaboration de quatre titres inédits, écrits et composés ensemble pendant le confinement et réunis sur l’EP Falaises.


Pourquoi cette ressortie d’album maintenant ? Le projet était-il dans les tuyaux depuis longtemps ?

Christophe Miossec : On m’avait demandé de faire quelque chose pour les 20 ans… Je n’avais pas voulu. C’est aussi bête que ça, mais 25 ans, ça m’a plus inspiré ! Je me suis dit que c’était le bon moment pour faire le point, pour boucler une boucle. J’ignorais qu’il y aurait l’épidémie de coronavirus qui mènerait à la situation actuelle. Boire reste pour moi l’album fondateur. J’avais l’impression de ne pas l’avoir joué depuis une éternité. Je joue très peu ces morceaux en concert. Beaucoup ne les ont sans doute jamais entendus.


Vous serez cinq musiciens sur cette tournée, qui démarre au Quartz à Brest. Vous avez prévu de jouer uniquement Boire, ou doit-on s'attendre à des surprises ?

Christophe Miossec : Mirabelle a beaucoup bossé et m’accompagne désormais au chant. Il faut savoir que le Boire de 2020 ne sonnera pas comme celui de 95. Vraiment pas. L’idée était de rendre toute l’urgence du disque initial et de tenter de le rendre aussi épuré qu’il l’était à l’époque. Il y aura aussi quelques morceaux peu joués mais qui figurent déjà sur les précédents disques. On sera également ravi de jouer les quatre titres inédits que nous avons écrits et composés avec Mirabelle durant le confinement…


Mirabelle, vous pouvez développer ?

Mirabelle Gillis : Quelque part, pour moi, le confinement tombait assez bien. Il y a longtemps que j’avais envie et besoin de m’enfermer pour composer. Avec Christophe, on avait déjà écrit un premier texte lors de notre dernier voyage – c’est le dernier titre, Trop d’amour. On a commencé à bosser, la musique est sortie en quelques heures, j’ai posé ma voix dessus et on s’est dit qu’on pouvait le proposer. Au final, on nous a demandé d’en faire quatre pour sortir un EP, Falaises – qui sort le 18 septembre, en même temps que Boire. Les textes (et la guitare), c’est Christophe, et moi, j’ai composé et presque tout enregistré. Tout ça dans notre petite cabane en bas du jardin où je me suis isolée pendant presque deux mois ! 


“En 25 ans, c'est la première fois que je fais une tournée pour un public assis... C'est fou”

Finalement, votre confinement a été un moteur pour composer, écrire…

Christophe Miossec : Oui, d’apprentissage, même. J’ai écrit les textes hyper rapidement. C’était dingue de pouvoir être dans un projet sans être interrompu ; on peut laisser libre cours à sa pensée. Pour ceux qui aiment les mots, c’était une belle période malgré tout. 


D'ailleurs, comment s’est passé votre confinement ?

Christophe Miossec : Nous habitons tout au bout du Finistère, près de Brest et les choses paraissaient très loin. On ne vit pas en appartement, on était beaucoup dehors et ça rendait la situation un peu irréelle. D’autant que je connais des personnes qui y sont passées. Ça porte une ombre très noire et ça renforce l’inquiétude que l’on a encore pour les parents, les grands-parents et les personnes fragiles. En même temps, que le monde entier se chope une baffe dans la gueule, quelque part, ça n’est peut-être pas si mal que ça – même si les conséquences sont désastreuses. La casse sociale qui se profile, elle, va être super violente. Mirabelle Gillis : C’est vrai que vivre en bord de mer d’Iroise, ce n’était pas aussi anxiogène que pour nos amis à Paris ou dans certaines grandes villes qui ont été touchées – j'avais parfois un sentiment de culpabilité. Nous avons cette chance de l’avoir passé dans un endroit magnifique, avec un temps superbe en prime. 


Falaises, c’est un peu votre œuvre à vous deux… Qu’est-ce que ça vous évoque Christophe ?

Christophe Miossec : Alors, pas du Miossec ! Ma position est bien plus agréable, j'apprécie vraiment. Mirabelle a pris toutes les responsabilités sur ce projet – un projet qui sort vraiment du jeu habituel. Et avec Mirabelle au chant, je me sens un peu moins idiot (rires). Après 25 ans de scène, c'est chouette de chanter un peu à deux. C’est thérapeutique car, pour moi, chanter a longtemps été une grande souffrance.

Mirabelle Gillis : Chanter, c’est nouveau pour moi. Je suis terrorisée ! Enfant, je m’étais toujours dit que le violon serait ma voix. Je fais aussi de la mandoline, de la guitare, du clavier mais j’avais toujours eu cette envie de chanter. J’avais commencé à faire des chœurs dans d'autres projets musicaux et j’ai entamé des cours en septembre dernier – que j’ai pu continuer en visio pendant ces deux mois. J’ai plus ou moins découvert ma voix pendant le confinement. J’ai aussi des problèmes de souffle. J’ai appris que chanter était bon pour ma santé car ça permet d’augmenter la capacité respiratoire. Mais je n’avais pas conscience que c’était aussi technique et que ça demandait autant de boulot. 


“Pour moi, chanter a longtemps été une grande souffrance...”

Revenons à Boire. Qu’est-ce que ça vous évoque aujourd'hui ?

Christophe Miossec : Des images de liberté. À l’époque, j’étais dans le monde du travail. J’ai fait plein de boulots différents. La musique était pour moi un moyen d’échapper à l'autorité – et donc de sortir de ce cadre. J’allais avoir 30 ans, j’avais pas mal de problèmes. Je repense aussi à l’équipée sauvage qu’on a pu faire à Bruxelles, là où il a été enregistré.

Mirabelle Gillis : Moi, ça me rappelle mon premier groupe, quand j’étais ado. On avait notamment repris Non non non non (je ne suis plus saoul). Un peu un souvenir de gamine avec les amis, et plutôt joyeux. 


Un ou deux titres qui vous tiennent à cœur ?

Christophe Miossec : Recouvrance et Crachons veux-tu bien. n Mirabelle Gillis : Évoluer en 3e division et Regarde un peu la France.


Vous allez entamer une tournée de plus de 70 dates, en commençant par l’Ouest. Devant un public assis et masqué, cette perspective vous paraît-elle bizarre ou angoissante ?

Christophe Miossec : Je pense que ça va faire bizarre à tout le monde, et pas seulement à nous ! En 25 ans, c’est la première fois que je fais une tournée pour un public assis… c’est fou.

Mirabelle Gillis : J’avoue que ça ne m’excite pas des masses. On n’aura que des murs d’yeux en face de nous, ce sera d'autant plus intimidant. Le fait de ne voir aucune expression de visage, ce sera un peu triste et très étrange – on aura des doutes aussi sur la chaleur du public.


Et cette tournée, elle s’arrête quand, au fait ?

Christophe Miossec : Justement, c’est bien le jeu : on ne sait pas où ça mène. On la lance, mais ça durera peut-être plus longtemps que prévu. Si ça plaît, ça se poursuivra et, dans plus d’un an, on y sera encore ! C’est ça qui est chouette : aller encore vers l’inconnu et ne jamais rien savoir à l’avance.


En concert : Le Quartz, Brest, les 24, 25 et 26 septembre ; L’Archipel, Fouesnant, 1er octobre ; Carré Magique, Lannion, 2 octobre ; La Bouche d’Air, Nantes, 13 et 14 octobre ; TNB, Rennes, 15 et 16 décembre ; Centre Culturel Juliette Drouet, Fougères, 26 mars 2021 ; Salle Jean Carmet, Allonnes, 27 mars ; Espace Delta, Pleurtuit, 15 mai; palais des arts, vannes, 25 mai.

Boire 2020 et Falaises, sortie le 18 septembre.

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