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Jean-Michel Jarre, classe internationale


Interview / Patrick Thibault * Photo / Tom Sheehan © EDDA Publié dans le magazine Kostar n°52 - octobre-novembre 2016


18 millions d’albums vendus pour Oxygène, 4 entrées au Guinness book pour la grosse fréquentation à un concert (de 1 million à Paris à 3,5 millions à Moscou) : Jean-Michel Jarre a beaucoup donné dans la démesure. Pour Electronica 1 et 2, son nouveau double album, il a invité Air, Gesaffelstein, M83, Tangerine Dream, Massive Attack, Moby, Rone, Sébastien Tellier… mais aussi Cindy Lauper, Christophe, John Carpenter ou Edward Snowden. Prolongement sur scène au Zénith de Nantes, l’une des 5 étapes françaises de l’Electronica Tour.


Quelle est votre définition de la musique électronique ?

Il n’y a pas une définition de la musique électronique mais plusieurs manières de la définir. On peut dire qu’elle est, par essence, celle qui est composée et produite avec des instruments électroniques et, dans ce cas aujourd’hui, cela va au-delà du genre électronique, car le rock, le métal, la pop ou le rap sont par exemple produits avec des machines électroniques. Elle peut être dansante comme la musique de club avec une rythmique, mais aussi sans rythmique, ou encore totalement planante. Je pourrais dire pour englober tout cela que la musique électronique est partout car ce n’est pas qu’une question de style, mais avant tout une manière de produire.


Quand on a eu autant de succès et accumulé autant de records, que ce soit le nombre d’albums vendus ou la fréquentation des concerts, pourquoi continuer à se mettre en danger en produisant à nouveau ?

Le propre d’un artiste est de douter, de se remettre en question afin de pouvoir créer de nouveau. Vous savez Pierre Soulages, qui a maintenant 96 ans, réalise certainement ses meilleurs travaux ces dernières années… Vous voyez j’ai encore le temps…

“La musique électronique est partout car ce n'est pas qu'une question de style, mais avant tout une manière de produire.”

Quelle est l’origine du double-album Electronica ?

C’est un projet fondé sur l’idée de réunir autour de moi des artistes, des musiciens liés directement ou indirectement à la scène électronique, recouvrant quatre décennies, au fond depuis que j’ai commencé à faire de la musique électronique moi-même. Au départ, il y a l’envie de collaborer avec certains artistes. J’ai eu la surprise de voir que tout le monde accepte mon invitation. J’ai donc composé en fonction de l’univers de chaque artiste tout en laissant suffisamment d’espace pour qu’ils puissent s’exprimer à leur tour. Je souhaitais marier nos ADN de la manière la plus équilibrée possible. Il ne s’agit pas de simples « featurings », derrière chaque collaboration il y a une raison en terme de musique, de son et en terme d’inspiration, c’est ce qui fait l’essence même d’Electronica


Electronica évoque l’histoire des musiques électroniques, quel regard portez-vous sur leur évolution ?

La force de la musique électronique est qu’elle est réellement sans frontières, sans barrières de genres car elle comprend chanson, variété, techno, dance…. La musique électronique est une véritable lutherie : on peut finalement tout exprimer à travers l’électronique de nos jours.


En quoi la musique électronique française est-elle différente ?

Je pense qu’en France nous venons d’une tradition de musique classique, ce qui est différent des racines africaines / blues / rock que l’on retrouve dans des pays comme l’Angleterre ou les États-Unis. Cela donne une autre approche, peut-être plus impressionniste.


On ressent votre envie profonde de revenir à la création, à l’artiste solitaire, n’avez-vous pas le sentiment qu’on vous fera toujours payer les millions d’albums vendus et les concerts démesurés ?

Je tiens à préciser que les grands concerts que j’ai faits ne sont pas venus de mon propre chef... J’ai créé quelque chose mais on me proposait avant tout des terrains de jeux exceptionnels tels que les Pyramides d’Egypte, la Skyline de Houston ou de la Défense… ce n’était pas moi en me levant le matin me disant : « Tiens je ferais bien les Pyramides cette année »… démesure peut-être mais pas mégalo… et je suis extrêmement fier d’avoir pu faire tout cela. Pour ce qui est de la création, je connais mon mode opératoire, et j’ai besoin de ces moments hors du temps, seul ou en tout petit comité pour créer.


“Démesure peut-être mais pas mégalo.”

Ces deux albums, c’est l’occasion de collaborations avec la vieille et la jeune génération, diriez-vous que lorsqu’on est en studio, la question des générations s’efface ?

Totalement. L’âme de l’artiste n’a pas d’âge.


L’évolution de la technologie permet-elle d’être plus créatif aujourd’hui ?

Les outils sont plus performants, plus abordables, plus précis, mais que ce soit en 2016 ou en 1976, c’est ce qu’on fait avec qui fait la différence. Par contre la technologie permet d’aller plus vite dans son processus créatif entre le moment où une idée vient et celui où elle est matérialisée.


Vous avez largement contribué à ce que la musique se démocratise et soit partout. N’avez-vous pas été dépassé puisque les fournisseurs de musique se font toujours plus d’argent sur le dos des créateurs ?

On peut se poser légitimement la question des grands acteurs du streaming qui ont des sociétés valorisées à des centaines de millions aujourd’hui et aux artistes en face qui ne reçoivent que quelques centimes d’euros chaque année…


Qu’est-ce qui attend le public lors des concerts de votre Electronica World Tour ?

VOYAGE. FUTURISME. NOSTALGIE.


On a presque oublié que vous avez écrit Les Paradis perdus et Les mots bleus pour Christophe. Des chansons intemporelles. Qu’est-ce qui fait qu’on écrit ou compose quelque chose qui réussit à être d’hier, d’aujourd’hui et de demain ?

Je ne sais pas comment rendre quelque chose intemporel puisque c’est la question, mais je sais que lorsque j’ai écrit cela, j’ai tout donné et suivi mon instinct.


Electronica volume 1 : The Time Machine

Electronica volume 2 : The Heart of Noise

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